Même pas peur !
Pourquoi Catherine Bréchignac a-t-elle écrit ce N'ayons pas peur de la science, sous titré Raison et déraison ? Pourquoi a-t-il été publié (par CNRS Editions)? Le mystère reste entier après la (rapide) lecture de ce (petit : 58 pages seulement) ouvrage, que nous avons reçu en multiples exemplaires il y a une dizaine de jours.
Précaution : il ne s'agit pas ici de commenter, et encore moins de juger, l'action de Catherine Bréchignac en tant que présidente du CNRS, du Haut conseil des biotechnologies ou encore du Conseil international pour la science (puisque ce sont les trois institutions mentionnées dans sa brève biographie. D'autant que, son mandat à la tête du CNRS se terminant en janvier prochain, on murmure qu'elle est candidate à sa propre succession. à l'heure.
J'espère toutefois que dans l'exercice de ces fonctions, elle formule des propos plus clairs et plus ordonnés que dans ces pages. Elle y passe en effet d'un sujet à un autre, souvent sans transition. Elle procède par une série d'affirmations peu argumentées, ne faisant aucun effort pour intéresser son lecteur à ce qu'elle écrit, ni pour le convaincre.
Cela commence très mal. Sa vision de l'histoire des sciences, évoquée dans les deux premiers chapitres essentiellement, est en effet banalement caricatural, avec des rôles démesurés et largement faux attribués à Lavoisier et à Pasteur. N'y aurait-il donc pas de bons historiens des sciences au CNRS qui auraient pu lui expliquer que, par exemple, la question de la génération spontanée était largement réglée avant que Pasteur ne s'en mêle ?
Cela ne se poursuit pas très bien. On sent pourtant que Catherine Bréchignac a des choses à dire sur la science, et des convictions. Ainsi, page 28, elle assassine en quelques lignes Yann Arthus-Bertrand et son film Home, qui « est porteur d'un message dépassé ». C'est son droit. Mais après s'être contentée de dire que la nature n'est pas si bonne que le dit l'illustre hélicologiste, et que « à bien regarder, ce monde dans lequel nous vivons et que nous avons fait nôtre, nous l'avons jusque là plus bonifié que nous ne l'avons détérioré. », elle épuise le sujet en à peine plus de 40 lignes. C'est un peu court ! Et s'il n'est pas en soi répréhensible de dire qu'ils ont eu tort aux millions de téléspectateurs qui ont apprécié le film, il est bien méprisant ne ne pas même prendre la peine de leur expliquer pourquoi.
On espère aussi brièvement, page 54, quelques explications sur « la réforme engagée par le gouvernement en matière de recherche publique ». Elle en est l'une des actrices principales, et bien placée pour en défendre les différents aspects de façon argumentée : elle n'est pas soupçonnable de ne pas connaître intimement le fonctionnement de la recherche. Mais non. Elle ne prend même pas la peine de décrire, même succinctement, cette réforme, ou au moins ses principes directeurs : selon elle, elle est juste « nécessaire ». On n'en saura pas plus. Un paragraphe de 13 lignes, et elle passe à autre chose !
Alors quoi ? Mépris du public ? Incapacité à communiquer ? Il est très étonnant que personne, ni à la direction de la communication du CNRS, ni chez CNRS Editions, n'ait osé dire à madame la présidente que cette publication est contreproductive pour sa propre image, pour celle du CNRS et de ses chercheurs et, partant, pour celle de la science française.
Luc Allemand, La Recherche
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