Race sans histoire
L’arrestation le 16 juillet dernier par la police de Cambridge (Etats-Unis), pour une présomption de cambriolage, de l’universitaire Henry Louis Gates Jr., spécialiste mondialement reconnu de la question raciale et des études sur la ségrégation, et titulaire de la chaire d’études africaines-américaines de l’université de Harvard, intervient au moment où les presses de cette dernière publient la traduction, sous le titre Race and Erudition, de l’ouvrage de l’historien des religions Maurice Olender, La Chasse aux évidences. Sur quelques formes de racisme entre mythe et histoire paru initialement aux éditions Galaade en 2005 (393 p., 25 €). Et voici que paraît aussi, pour le public francophone cette fois, une adaptation de la version américaine, cette fois aux éditions du Seuil, en collection de poche « Points » (395 p., 11 €). Et ce volume porte un nom différent de celui de 2005 : Race sans histoire n’est pas, en effet, qu’une simple réédition de celui de 2005. Il se trouve que Maurice Olender avait, pour l’édition américaine, et à la demande de Harvard University Press, rédigé deux grands textes qui figurent en ouverture et en clôture du livre américain. Ces deux contributions figurent dans le volume du Seuil et leur importance explique le titre de cette nouvelle édition française. Du reste, le texte d’ouverture porte ce titre, avec le premier terme entre guillemets, « “Race” sans histoire » qui fait écho bien sûr au célèbre petit volume de 1952 de Claude Lévi-Strauss, Race et histoire. La perspective de Race sans histoire, qui approfondit encore celle de La Chasse aux évidences, insiste sur un fait capital. L’invention du racialisme, et en conséquence la légitimation savante du racisme, n’ont pu se faire qu’en procédant à l’exclusion de l’histoire du champ scientifique. Comme l’écrit très justement l’auteur, « “la fatalité de la race” neutralise toute dynamique de l’histoire. Le passé, le présent, l’avenir résultent alors d’un dispositif quasi immobile où une certaine de vision de l’instinct a pu s’imposer comme représentation du destin. » Le retour à l’historicité, la volonté d’historicisation, ne sont pas seulement alors une nécessité méthodologique et heuristique, mais un moyen de repousser les idéologies de la tyrannie politique et sociale. Le racisme biologique étant, comme l’a exposé Michel Foucault lors de son cours de l’hiver 1976 au Collège de France, une forme de « contre-histoire », il s’agit bien de restaurer la part de l’histoire. C’est l’enseignement principal de Race sans histoire. Et Henry Louis Gates Jr. est un historien. Vincent Duclert
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