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22 avril 2009 |

Pâques avant les Rameaux

Blog bd C’est un bel album, au dessin élégant et troublant du à Marianne Duvivier, à l’histoire sombre et finalement salvatrice imaginée par Frank Giroud et et Virginie Greiner, que publient les éditions Dupuis avec Secrets. Pâques avant les Rameaux (coll. « Secrets », 96 p., 15 €).

« Fêter Pâques avant les Rameaux » est une expression qui désigne une grossesse commencée avant le mariage. Elle est plus particulièrement usitée dans les familles bourgeoises où l’on évite par-dessus tout de nommer et de dire la vérité. Ce refus érigé en dogme moral et social a précipité la jeune Suzanne, épouse de Christophe, un héritier de la riche et puissante famille des industries Maréchal, dans un infanticide qui l’entraîne dans une dépression sans issue, une seconde mort après le meurtre de son fils Benoît. Vainement elle avait essayé de dire son secret qui « menace d’empoisonner tout l’organisme » à son mari qui ne comprit rien de sa souffrance, à sa mère qui lui expliqua que « les personnes de confiance, ca n’existe pas », à sa belle-mère qui lui ordonna de taire « les bêtises » car « l’important c’est de ne pas semer le trouble en les étalant au grand jour ». Rien ne devait, dans l’entreprise Maréchal, « compromettre une situation acquise de si haute lutte, [...] pour le bien de la famille …. Et pour le vôtre ».

C’est bien sûr le contraire qui se produisit. Suzanne se détruisait de l’intérieur. Plus le temps passait et moins elle était capable de parler. Elle se mure dans un secret qui devient insupportable à porter parce que jamais formulé et partagé avec d’autres. Lorsqu’elle découvre que son fils est bien l’enfant qu’elle a eu avant son mariage avec Thomas, le frère séducteur et léger de Christophe, lors d’une brève relation, elle ne supporte pas la vérité brutalement révélée.

Treize ans plus tard, lors d’un déjeuner familial de Pâques, son neveu, Guillaume, le fils de Thomas et de Mylène, décide de partir vers l’établissement médical où elle est soignée en vain, pour la ramener dans la demeure de Maréchal, d’où elle a été définitivement exclue après son acte. « Il est temps d’en finir avec ces histoires ! » tranche Guillaume qui part la chercher, malgré l'opposition de tous, et surtout de ses grands-parents. Sur le chemin du retour, ils sont victimes d’un accident de voiture. En réanimation, Suzanne qui n’a plus parlé depuis le jour fatal, retrouve progressivement sa mémoire et l’usage des mots. Le personnage de Guillaume, qui rejette les conventions d’un autre âge au nom de sa jeunesse invincible, donne à la fin de l’histoire comme un parfum de liberté et de justice. « Oui, c’est le silence qui tue », confie Suzanne qui brise alors, devant la famille Maréchal réunie, le carcan qui l’écrasait. « Ecoute cette histoire… mon histoire.. et la tienne un peu, aussi », dit-elle en s’adressant à la jeune sœur de Guillaume. Tu vas sans doute m’en vouloir… La famille va me haïr… Mais qu’importe.. Ecoute bien… C’est l’histoire de Benoît, mon fils, mort il y a treize ans, jour pour jour.. parce que j’ai du taire un secret trop lourd… » Guillaume a ramené son cousin mort vers le monde des vivants. Mais cela ne le ramènera pas à la vie cependant.

Pour être bien certain que les lecteurs comprendront le message limpide de ce bel album, Frank Giroud, promoteur de la collection « Secrets » chez Dupuis, explique en avant-propos : « Dans les générations passées, le secret de famille demeurait un sujet tabou. Un objet d’étude réservé aux psychanalystes qui ont clairement démontré les conséquences néfastes du silence. Aujourd’hui, ce dernier se fissure et les langues se délient. »

Vincent Duclert

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