Quel avenir pour la recherche et l'université ?
Aujourd’hui commence, dans les universités et les laboratoires, le mouvement de grève illimité et de protestation contre les réformes présidentielles en matière d’enseignement supérieur et de recherche.
Le discours présidentiel du 22 janvier dernier, prononcé à l’occasion du lancement de la « réflexion pour une stratégie nationale de recherche et d’innovation », a renforcé la détermination de nombreux chercheurs et universitaires de s’opposer frontalement aux réformes annoncées. La mobilisation s’avère bien plus forte et déterminée qu’à l’hiver et au printemps 2004 lorsqu’était né le mouvement « Sauvons la recherche » pourtant déjà reconnu pour son caractère novateur et massif.
Ce discours de Nicolas Sarkozy nous apparaît comme doublement problématique, du point de vue de la méthode portant la réforme comme du point de vue des références historiques mises en œuvre. Pour ces dernières, le Président de la République explique que « l’organisation "à la française‘ [...] repose sur des bases définies au lendemain de la seconde guerre mondiale, complétée à la fin des années 60, dont les archaïsmes et les rigidités ont été soigneusement figées au début des années 80 ».
Il n’est pas possible, sur le plan de la vérité historique, de présenter la politique scientifique de la France dans le second XXe siècle de cette manière si caricaturale. Celle-ci passe à la trappe les profondes innovations fondamentales introduites dans les années 1950 par Pierre Mendès France (gouvernement juin 1954-février 1955 et colloque de Caen en novembre 1956) puis par le général de Gaulle à partir de novembre 1958. L’une des réalisations les plus emblématiques de cette volonté partagée d’une politique de la recherche avait été la création de la Délégation générale à la recherche scientifique et technique.
Par ailleurs, et même si Nicolas Sarkozy avoue fréquemment son mépris pour les innovations socialistes, on ne peut balayer ainsi d’un revers de main le grand ministère de la Recherche créé en 1981 ni le bilan des ministères Hubert Curien (1984-1986 et 1988-1993). Des multiples ouvrages de référence existent sur le sujet ; ils sont par exemple disponibles à la mission des archives du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. A l’évidence, ils n’ont pas été consultés.
Le second problème posé par le discours du 22 janvier tient dans son présupposé même. Il appelle en effet, à travers la formation du Comité de pilotage de l’élaboration de la stratégie nationale de recherche et d’innovation, à « un débat public [...] indispensable ». Or, ce débat est condamné par avance tant le discours présidentiel affirme un point de vue définitif et tranché sur ces sujets. Ce n’est pas l'appel à une réflexion mais le prononcé d'un réquisitoire. Comment dans ce cas débattre et réfléchir ? D’où le malaise et même l’opposition d’universitaires et de chercheurs guère habitués pour certains à se mobiliser et à protester. Pour moderniser la recherche et l’enseignement supérieur, il est indispensable de s’inscrire dans une démarche intellectuelle et une pensée historique. Ni l’une ni l’autre ne sont réunies.
Ouvrant un ouvrage collectif de 2003 sur l’avenir de la recherche en France, le Prix Nobel de médecine 1965 François Jacob écrivait : « Il est grand temps de redéfinir une nouvelle politique de la recherche, amarrée à l’Europe, et d’en trouver les moyens. Mais, comme on l’a vu, rien ne peut se faire sans une volonté politique. Le développement de la recherche scientifique, qui, pour une bonne part, commande notre avenir, devrait faire l’objet d’un grand débat. A l’heure actuelle, on n’en voit guère les signes précurseurs. » (Quel avenir pour la recherche ?, Flammarion, p. 25).
A l’heure actuelle, le débat est figé. Et c’est pour ce débat libre et sincère que beaucoup aujourd’hui font entendre leur voix autorisée.
Vincent Duclert, EHESS
Rédigé par : Antonin | 03 février 2009 à 17:45
Malheureusement, le seul avenir pour la recherche et l'université que l'on aura si le mouvement de grève qui s'amplifie actuellement n'arrive pas à l'emporter avec ces revendications est une diminution de la qualité d'enseignement au profit d'un produit "enseignement supérieur" rentable pour les présidents d'Université et une recherche totalement pilotée par le politique... Triste perspective... La seule avancée possible avec Valérie Pécresse (et Sarkozy) : celle de la précarisation massive des personnels de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Antonin, membre du collectif PAPERA
(Pour l'Abolition de la Précarité dans l'Enseignement Supérieur, la Recherche et Ailleurs)