Brest, 1950. Une manifestation des ouvriers de la reconstruction est réprimée à balles réelles : un mort, deux amputés, une vingtaine de blessés. Le jeune cinéaste communiste René Vautier (« Avoir vingt ans dans les Aurès », notamment) est appelé par la CGT pour filmer les obsèques d'Edouard Mazé, l'ouvrier tué, et aussi pour témoigner, car la lutte s'amplifie. Caméra 16mm au poing, mais avec un magnétophone qui le lâchera, Vautier filme.

Il remplace la bande-son inititiale par l'enregistrement d'un poème de Paul Eluard sur la mort de Gabriel Péri (en remplaçant « Péri » par « Mazé ») : « Un homme est mort qui n'avait pour défense que ses bras ouverts à la vie ...» Puis il projette le film 150 fois aux piquets de grève ! Un soir, un ouvrier remplace le magnétophone à nouveau défaillant, et dit le poème en commentant (« Je le sais, j'y étais et j'lai vu ! »)... Paul Eluard, bouleversé, entendra ce poème « digéré par le peuple » selon sa propre formule. La BD de Kris et Davodeau (Futuropolis, 84 p., 15 €) raconte cette histoire dans une esthétique proche de celle des frères Larcenet (« Le combat ordinaire »). C'est émouvant et beau.

Pascal Acot, CNRS, IHPST