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23 août 2008 |

Un regard sur l’enseignement et la recherche

Blog_bouasse Notre pays a connu au début du vingtième siècle, de grands physiciens : les Curie, Perrin, Langevin — autant d’explorateurs reconnus de la science moderne. Il ne faudrait pas pour autant oublier qu’ils ne furent qu’une minorité et que nombre de leurs collègues représentèrent longtemps une tradition classique que le dix-neuvième siècle n’avait pas épuisée et qu’il serait d’ailleurs malvenu aujourd’hui de considérer avec trop de désinvolture. Parmi ces "savants" à l’ancienne, se singularise la figure de Henri Bouasse, à laquelle Robert Locqueneux redonne vie dans un récent ouvrage (Henri Bouasse, un regard sur l’enseignement et la recherche, diffusion Librairie Albert Blanchard, 2008, 390 p., 45 €). La longue carrière de Bouasse, né en 1866 et mort en 1953, se déroula entièrement à l’université de Toulouse, loin des institutions parisiennes prestigieuses. De 1911 à 1932, il publia une Bibliothèque scientifique de l’ingénieur et du physicien, un monument de 45 volumes abordant tous les domaines — quitte à ne faire qu’effleurer ceux de la physique alors en gestation (relativité, quantique). Souvent originales, ses contributions en optique, acoustique, hydrodynamique, etc., recèlent encore bien des perles. Mais ce qui rend le personnage attachant, c’est l’absolue liberté d’esprit de Bouasse à l’égard de son milieu, et le dédain de toute convenance académique que manifestent les célèbres préfaces polémiques voire pamphlétaires dont il fait systématiquement précéder ses ouvrages, indépendamment de leur sujet scientifique d’ailleurs… On appréciera tout particulièrement les lignes (pp. 117 & seq) que ce Diogène de laboratoire consacrait à dégonfler avec une ironie salubre les prétentions de la science, en son temps déjà, à prendre la place de la culture.

Jean-Marc Lévy-Leblond, Université de Nice

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Commentaires

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Merci pour cette réponse.

 

Si la science a certes fait partie intégrante de la culture lors de sa naissance (au sens moderne du terme) au XVIe siècle, la domination qu'exercent actuellement sur elle l'industrie et le marché l'ont largement déconnectée de la culture de notre temps. Pour étayer ce diagnostic ainsi énoncé de façon trop schématique, je me permets de renvoyer à mon petit livre "La science en manque de culture" (Futuribles, 2004) et à la revue "Alliage (culture-science-technique)".
En ce qui concerne la relativité, oui, Bouasse l'a récusée dans un opuscule désormais difficile à trouver, "La question préalable contre la relativité " (Albert Blanchard, 1921) — mais on sait que nombre des physiciens français ont mis assez longtemps avant que de l'accepter.

 

Mauvaise foi ? Non, je ne crois pas. Diriez-vous pour fustiger le parisianisme que la capitale veut prendre la place de la France ? Cela n'aurait aucun sens. Si c'est un mal entendu, je laisse JMLL le dissiper lui-même, si vous permettez.

 

Si je puis me permettre, vous faites preuve de mauvaise foi (et le mathématicien que vous êtes saurait sans aucun doute mieux que moi traduire la question en termes de logique élémentaire !) : critiquer la prétention de la science à "prendre la place de la culture" ne revient pas à nier son inclusion dans ladite culture. C'est la vieille histoire de la partie qui veut se faire (au moins...) aussi grosse que le tout ! Par ailleurs, je crois qu'il serait difficile d'accuser sérieusement monsieur Lévy-Leblond*de méconnaître l'inclusion de la science dans la culture !

Ceci étant dit sans animosité, et en espérant avoir le plaisir de discuter souvent avec vous sur ce blog dans l'année à venir !

* : Je ne parle ici ni d'Henri Bouasse ni de son biographe, n'ayant pas (encore !) lu le livre.

PS : Je ne sais pas si elles sont tout à fait convergentes avec celles de J.-M. Lévy-Leblond sur ce point, mais je me sens assez proche des idées d'Henri Atlan en ce qui concerne les prétentions de la science à "recouvrir" l'ensemble de la culture.

 

Vous dites que la relativité n'est qu'effleurée. J'ai entendu dire que Bouasse niait carrément cette théorie. Qu'en est-il ?

Par ailleurs, votre dernière phrase sous-entend que la science est disjointe de la culture. Pour moi, elle en fait partie.

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