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16 juin 2008 |

Cybernétique et Information

Blog_tricot Au fond, en dépit de nombreuses publications, la cybernétique restait jusqu’ici un sujet touffu et quelque peu obscur : était-ce une discipline scientifique, une théorie, voire un concept, ayant eu leur heure de gloire, mais aujourd’hui dépassés ? A l’inverse, était-ce une philosophie, une vision politique du monde ? Ou alors n’était-ce simplement qu’un groupe de scientifiques qui s’était réuni entre le milieu des années 1940 et le milieu des années 50, à l’origine des sciences cognitives ? Objet protéiforme, la cybernétique est tout ceci à la fois, sans doute ; de plus elle s’est incarnée différemment aux Etats-Unis, en Allemagne ou en Union Soviétique. Cela plusieurs auteurs l’avaient déjà montré, chacun pour un aspect. Toutefois, Mathieu Triclot est le premier à proposer avec son ouvrage (Le moment cybernétique. La constitution de la notion d’information, Editions Champ Vallon, coll. « Milieux », 2008, 422 p., 29 €) une vision aussi claire et complète de ce carrefour de résultats et de pratiques scientifiques, de personnages aussi et non des moindres (Shannon, Wiener, Von Neumann, McCullogh etc...) qui convergent dans les années de guerre et d’immédiate après-guerre aux Etats-Unis. L’auteur tient simultanément la généalogie des traditions et des concepts scientifiques : théorie de la communication, du signal, ingénierie de contrôle, transition de l’ordinateur comme calculateur à l’ordinateur comme machine à traiter de l’information, analyses des analogies cerveau- ordinateur ou information- néguentropie etc. Il poursuit les explications y compris dans leur technicité précise, il ne perd pas de vue l’ambition et l’ampleur des projets des fondateurs, avec une attention privilégiée à la figure de Norbet Wiener. La lecture est enthousiasmante par la limpidité intellectuelle et la clarté du style ; par la variété des points de vue mobilisés également : celui de l’épistémologie historique — dont l’auteur se réclame, nourrie ici d’auteurs comme Foucault ou Hacking —, celui de l’histoire, (avec les travaux des "sciences studies" sur le contexte de la guerre aux Etats-Unis essentiels pour rendre compte de la niche écologique de la cybernétique), celui de la philosophie, notamment dans l’analyse des conceptualisations divergentes à partir de l’usage de mêmes formalismes ; et enfin une attention inédite à ce que fut une politique de la cybernétique.

Amy Dahan, CNRS-Centre Alexandre Koyré.

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