La France des Lumières
Pour continuer sur l’âge intellectuel des Lumières, signalons les excellentes mises au point sur le sujet de Pierre-Yves Beaurepaire dans 1715-1789. La France des Lumières, 8e volume de la nouvelle « Histoire de France » chez Belin (838 p., 42 €). Plusieurs chapitres abordent la rationalisation de l’action publique, le temps des experts, des théoriciens et des administrateurs, l’avènement de l’économie politique - « aujourd’hui la science à la mode » -, l’espace des villes capitales, les sociabilités académiques, l’aventure de l’Encyclopédie ou les « Lumières en chantier », les Lumières comme arme du combat politique, la fabrique et l’acculturation de l’opinion publique. On insistera aussi sur l’originalité remarquable de l’introduction composée par Beaurepaire qui tient en un seul commentaire du chef d’œuvre de Watteau, L’Enseigne de Gersaint (1720).
Rentré d’un voyage en Angleterre et à quelques mois de sa mort, l’artiste représente la boutique d’Edme-François Gersaint, mercier-marchand de tableaux, pont Notre-Dame à Paris ; on y emballe le portrait de Louis XIV qui vient de décéder. L’Enseigne de Gersaint « tourne symboliquement la page du Grand Siècle et du règne de Louis XIV pour ouvrir avec la régence de Philippe d’Orléans (1715-1723), un chapitre fondateur de la France des Lumières ». Des acheteurs de condition observent la scène, en une anticipation de l’espace public et de la critique d’art qui ne se sont pas encore constitués. L’œuvre de Watteau va elle-même passer de collectionneurs en princes jusqu’à sa destination finale, le château royal de Charlottenbourg à Berlin, - qui témoigne « de la circulation internationale des œuvres d’art et apparaît comme l’illustration du rayonnement culturel et artistique français en Europe au siècle des Lumières ». Cette ouverture témoigne quant à elle de la place de l’image et des œuvres dans La France des Lumières et des usages démonstratifs que l’auteur leur réserve tout au long de sa narration.
Vincent Duclert
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