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octobre 2012

11 octobre 2012

Prix Nobel de la Paix : des chercheurs, universitaires et intellectuels en faveur de Ragıg Zarakolu

Blog nobel
La semaine des Prix Nobel est riche en annonces. Demain seront révélés le, la ou les lauréat (e) (s) du Prix Nobel de la Paix. On se souvient qu’en octobre 2009 La Recherche avait publié tout un dossier sur le système des Prix Nobel scientifique (Les prix Nobel, 114 p., 6,40 €). Récemment vient de paraître un essai de « sociologie d’une élite transnationale » de la politiste Josepha Laroche (Liber, 184 p., 20 €).

A la veille de la désignation du lauréat 2012 du Prix Nobel de la Paix, la candidature de l’éditeur indépendant et défenseur des droits humains Ragıp Zarakolu est défendue par un ensemble de chercheurs, universitaires et intellectuels du monde entier. 

Six des co-fondateurs * du Groupe international de travail (GIT) « Liberté de recherche et d’enseignement en Turquie » ont lancé un appel en faveur de l’obtention par Ragıp Zarakolu, éditeur, intellectuel et combattant des droits humains en Turquie, du Prix Nobel de la Paix.

 * Hamit Bozarslan, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales/EHESS (histoire, sociologie), Yves Déloye, professeur à Sciences Po Bordeaux et à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (science politique), secrétaire général de l’Association française de science politique, Vincent Duclert, professeur agrégé à l’EHESS (histoire), Diana Gonzalez, enseignante à Sciences Po Paris (sociologie, esthétique), Emine Sarikartal, doctorante à l’université de Paris-Ouest, traductrice et éditrice (philosophie), Ferhat Taylan, doctorant à l’université de Bordeaux et traducteur (philosophie).

Ils ont été rejoints sur cette liste inaugurale par :

Alexis Govciyan (President of the Coordination Council of French Armenian Organizations (CCAF) and President of Europe de la mémoire) ; Dr. Dalita Roger-Hacyan (Associate Professor of English Language, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, France) ; Dr. Roger W. Smith (Professor Emeritus of Government at the College of William and Mary in Virginia, USA, Co-founder and Past President of the International Association of Genocide Scholars).

Dr. Salih Akın (Associate Professor of Linguistics, Université de Rouen) ; Dr. Janine Altounian (Researcher, Translator) ; Dr. Derya Bayir (Independent Scholar and Lawyer, UK) ; Dr. Avner Ben-Amos (Professor of History, Tel Aviv University, Israel), Johann Bihr (Reporters sans frontiers [Reporters Without Borders], Head of Europe & Central Asia Desk), Dr. Faruk Bilici (Professor of History, INALCO, France) ; Dr. Martin van Bruinessen (Emeritus Professor of Comparative Studies of Contemporary Muslim Societies, Utrecht University, Holland) ; Dr. Cengiz Cağla (Associate Professor of Political Science, Yildiz University, Turkey) ; Dr. Etienne Copeaux (Historian, GREMMO, France) ; Dr. Caroline Finkel (Honorary Fellow, University of Edinburgh, UK) ; Dr. Andrea Fischer-Tahir (Research Fellow at the Zentrum Moderner Orient Berlin, Germany) ; Dr. Zeynep Gambetti (Associate Professor of Political Theory, Boğazici University, Turkey, Co-founder of GIT Turkey) ; Dr. Zeynep Kadirbeyoğlu (Associate Professor of Political Science, Boğazici University, Turkey) ; Dr. Ali Kazancigil (Co-director of the journal Anatoli, Political Science) ; Dr. Raymond Kévorkian (Professor, Institut Français de Géopolitique, Université Paris 8-Saint-Denis) ; Dr. Michel Marian (Lecturer, Sciences Po Paris, France) ; Dr. Claire Mauss-Copeaux (Historian, GREMMO, France) ; Dr. Claire Mouradian (Senior Research Fellow in History, CNRS France) ; Dr. Esra Mungan (Assistant Professor of Psychology, Boğazici University, Turkey); Dr. Leyla Neyzi (Professor of Arts and Social Sciences, Sabancı University, Turkey) ; Ozden Ocak (PhD Candidate in Cultural Studies, George Mason University, USA) ; Zeynep Oguz (Ph.D. Candidate, Harvard University, USA) ; Séta Papazian (President of Collectif VAN, France) ; Dr. Hélène Piralian-Simonyan (Psychoanalyst and Writer, Founding Member of AIRCRIGE France)  ; Dr. Yasar Ozan Say (Visiting Lecturer, Department of Anthropology, Bridgewater State University, USA) ; Dr. Gürel Tüzün (History Foundation, Turkey) ; Dr. Gündüz Vassaf (Psychologist, writer) ; Dr. Ipek K. Yosmaoğlu (Assistant Professor, Northwestern University, USA). 

Le texte de l’appel a été rédigé en anglais et il est disponible dans sa version intégrale (et daté du 26 septembre 2012) sur les sites du GIT France (www.gitfrance.fr) et Initiative (www.gitinitiative.com)

Voici quelques éléments des arguments avancés à l’appui de la demande d’obtention du Prix Nobel pour Ragıp Zarakolu, éditeur indépendant et combattant des droits humains en Turquie.

Ragıp Zarakolu est né en 1948 à Büyükada, près d’Istanbul, alors que son père Remzi était sous-préfet de l’île. Ragıp a grandi parmi les membres des communautés grecque et arménienne de Turquie. En 1968, il a commencé à écrire pour les revues Ant (« Le Serment ») et Yeni Ufuklar (« Nouveaux Horizons »). En 1971, Ragıp Zarakolu est poursuivi pour « relations clandestines avec Amnesty International » et passe cinq mois en prison. En 1972, il est à nouveau condamné à deux ans de prison, qu’il a accomplis au centre de détention de Selimiye (Istanbul) pour un article dans Ant sur Ho Chi Minh et la guerre du Vietnam ; il est libéré en 1974 à la faveur d’une amnistie générale. Il s’engage plus à fond dans la défense de la liberté de pensée, seul moyen d’assurer l’expression de la diversité des pensées et des cultures de Turquie ». Avec sa femme, il crée en 1977 les éditions Belge (« Documents »), puis cofonde le quotidien Démokrat dont il prend la direction de la section « étranger ». Jusqu’au coup d’Etat de 1980, les éditions Belge avaient surtout publié des livres académiques et théoriques. Puis, Belge a commencé à publier une série de livres écrits par des prisonniers politiques : recueils de poèmes, nouvelles, romans. La liste des publications de Belge inclut aussi des traductions de la littérature grecque, des ouvrages sur la question arménienne et les Juifs en Turquie. De nombreuses publications concernent également la question kurde en Turquie. Parmi les livres relatif génocide arménien, figurent les traductions des études classiques d’Yves Ternon et de Vahakn Dadrian interdites en Turquie, l’ouvrage de George Jerjian, La Vérité nous délivrera : Arméniens et Turcs réconciliés, et celui de Dora Sakayan, Un Médecin arménien en Turquie, Garabed Haztcherian, qui a valu de nouvelles accusations en 2005. En novembre 2007, Zarakolu publie le livre de David Gaunt, Massacres, Resistance, Protectors sur le génocide des Assyriens. 

Cette activité éditoriale à l’importance politique, intellectuelle et morale considérable fait de Belge une cible permanente de l’ultra-nationalisme fréquemment au pouvoir en Turquie. Les éditions Belge ont été la cible de la censure turque depuis leur création par Zarakolu et sa femme Aysenur. Les charges ont valu au couple des peines d’emprisonnement, la confiscation et la destruction des stocks de livres, et de lourdes amendes. Ragıp Zarakolu a été brièvement emprisonné en 1982, en raison de sa position dans Demokrat, puis expulsé du pays jusqu’en 1991. En 1995, le siège des éditions Belge a subi un attentat à la bombe, perpétré par un groupe d’extrême droite. Depuis le décès prématuré de sa femme en 2002, suite à des emprisonnements successifs, les poursuites judiciaires ont continué contre Ragıp Zarakolu. Refusant cette destruction méthodique des droits civiques et de la liberté d’expression en Turquie, Ragıp Zarakolu s’implique dans leur défense. En 1986, il compte parmi les 98 fondateurs de l'Association des droits de l'Homme de Turquie (IHD). En 2007, il accède à la présidence du Comité pour la liberté de publication de l'Union des éditeurs de la Turquie (TYB). Il est également le représentant en Turquie du Comité pour la liberté de publication de l'Union internationale des éditeurs (IPA), et le président du comité pour les écrivains emprisonnés du PEN-Club International en Turquie.  

Le 28 octobre 2011, Ragıp Zarakolu suivant de quelques semaines son fils Deniz, est arrêté à Istanbul par la police antiterroriste. Libéré après plus de cinq mois de détention préventive, il reste inculpé en vertu de la loi anti-terreur. Une mobilisation internationale considérable l’a entouré dès sa garde à vue. Elle s’exprime aujourd’hui à travers un appel solennel au Comité Nobel d’Oslo.

 

Comment vivre demain

Blog antropo
Créés en 1975, les éditions Alternatives ont connu une histoire riche mais mouvementée. Après la reprise d'une totale indépendance en 1995, « Alternatives est aujourd'hui une structure de cinq salariés qui produit une trentaine de nouveautés par an et une dizaine de rééditions. Depuis le 30 mars 2006, nous avons rejoint le groupe Gallimard », peut-on lire sur le site de la maison. Celle-ci vient de publier dans sa collection « Manifestô » (« de nouvelles problématiques sociétales au cœur du débat par des auteurs impliqués de manière concrète et militante ») un essai engagé pour tenter de répondre au tournant majeur dans l’histoire de la terre ou « anthropocène » : il s’agit de l’entrée dans une ère où la structure de la terre est transformée par l’action de l’homme bien davantage désormaisque par celle des phénomènes naturels. En cause, bien évidement, le réchauffement climatique provoqué par les émissions humaines de gaz à effet de serre. Une crise profonde est en train de s’opérer, à la fois dans ces processus de destruction des équilibres naturels mais aussi à travers les formes de cécité sur cette réalité. Dans L’Âge de l’Homme (320 p., 25 €), Christian Schwägerl, journaliste politique à Der Spiegel mais biologiste de formation, s’appuie sur les travaux en matière de décomposition de l’ozone du Prix Nobel de chimie Paul Josef Crutzen pour à la fois identifier les risques de l’Anthropocène et plaider en faveur d’un délestement général de nos besoins notamment énergétiques – pour mieux construire un monde d’équité et d’invention. La crise serait donc salutaire à condition de la comprendre.

(préfacé par Paul Josef Crutzen, traduit de l’allemand par Nicolas Vergnaud, imprimé avec des encres végétales ne contenant pas de métaux lourds sur un papier suédois de haute technologie équitable, et diffusé par Gallimard).

Vincent Duclert    

09 octobre 2012

La République des idées. Dixième anniversaire

« Créée en 2002, La République des idées est à la fois un lieu et un lien. Un lieu de production et d’échange d’idées neuves en Europe et dans le monde. Un lien entre les personnalités, les organisations, les publications qui défendent la force des idées comme moteur de l’activité humaine », est-il écrit sur le site officiel * de ce groupe de réflexion qui joue un grand rôle dans la vie intellectuelle nationale. Outre un média en ligne de grande qualité, « La vie des idées », la République des idées publie une collection d’essai du même nom aux éditions du Seuil. « Chacun de ces essais fait le point sur une question centrale de l’actualité et attire l’attention sur un problème émergeant du monde contemporain. Ils sont rédigés par des personnalités intellectuelles et des experts de premier plan. » Plus d'une cinquantaine de ces précieux opuscules, très accessibles par leur prix, et de surcroît bien édités, ont déjà été publiés. 

Blog bourgu
Pour son dixième anniversaire, cette collection imaginée par Pierre Rosanvallon et Thierry Pech, aujourd’hui dirigée par le premier associé à l’historien Ivan Jablonka, publie un essai exemplaire de ce qui est produit par cette équipe, La mondialisation de l’inégalité, par François Bourguignon (106 p., 11,80 €). Cet économiste aspire à détacher la mondialisation de tous les maux qui l’accablent en soulignant comment elle amplifie les inégalités dès lors surtout que celles-ci existent et s’amplifient à l’échelle des pays. Ces dernières expliquent en premier lieu l’effet accélérateur que provoque la mondialisation. « La mondialisation n’est pas mauvaise en soi », assure le directeur de l’Ecole d’économie de Paris. Mais la conjonction des deux phénomènes transforme alors l’inégalité en une menace globale dont il faut prendre toute la mesure afin d’imaginer les moyens de la repousser, d’abord au niveau national, grâce à l’impôt ou aux politiques éducatives, mais aussi au niveau mondial, « pour éviter que l’écart ne se creuse entre [les pays les plus pauvres] et les pays émergents ». Il achève sa démonstration en rappelant le coût social, politique et même économique de l’inégalité, dans la veine des thèses de Joseph Stiglitz (voir le billet consacré ici à son ouvrage récemment traduit aux éditions des Liens qui libèrent, Le prix des inégalités). L’un des intérêts puissants de l’ouvrage est au final de démontrer qu’il demeure encore aux mains des politiques, dans chaque pays, des moyens politiques d’agir. En luttant contre les inégalités nationales pour commencer, en défendant pour continuer « une mondialisation équitable ». Accabler la seule mondialisation constitue ainsi une manière de se défausser de ses responsabilités.  

Vincent Duclert

* http://www.repid.com/-Qui-sommes-nous-.html  
08 octobre 2012

Droit romain

J'ai profité d'un samedi maussade pour lire Le procès de Valérius Asiaticus que Christian Goudineau, professeur émérite au Collège de France (où il a longtemps occupé la chaire d'Antiquités nationales) a publié en 2011 aux éditions Actes Sud (440 p., 23€). Après Le voyage de Marcus (http://bit.ly/ThCNb3) et L'enquête de Lucius Valerius Priscus (http://bit.ly/SLOVes), c'est son troisième roman historique. Comme les deux autres, il se déroule au Ier siècle de notre ère, et pour une bonne partie en Gaule.

Blog Goud
Le scénario est cette fois fondé sur un fait rapporté par les historiens romains Tacite et Dion Cassius. En 47 de notre ère, Valérius Asiaticus, sénateur romain d'origine gauloise, né à Valence, fut jugé et condamné à mourir par l'empereur Claude. Il semble que Messaline, alors épouse de ce dernier, ne soit pas étrangère à la condamnation : elle convoitait les jardins que Lucullus avait créés à Rome, et qu'Asiaticus avait achetés. Les luttes de pouvoir et d'influence auprès de l'empereur n'étaient pas pour rien non plus dans la sentence, Asiaticus ayant été impliqué dans l'assassinat de Tibère, prédécesseur et neveu de Claude.

Christian Goudineau utilise l'artifice d'un narrateur marseillais, le philosophe Charmolaos, pour nous faire découvrir une fois de plus les institutions politiques de cette époque de transition : la Gaule est romaine, et romanisée depuis le règne d'Auguste, un peu moins d'un siècle auparavant, mais elle conserve quelques particularismes. Quant à Rome, même si l'empereur Claude est né à Lugdunum (Lyon), elle répugne encore largement à accepter la montée en puissance de la noblesse étrangère dans ses institutions. Valérius Asiaticus, qui fut deux fois consul, est emblématique de cette réciprocité : les territoires conquis par Rome ont hérité de son organisation et de sa culture, tandis que l'aristocratie qui gouvernait autrefois ceux-ci de façon autonome investi les institutions impériales.

Charmolaos est le parfait Huron : Marseille n'est pas une cité gauloise ordinaire, puisqu'elle a été fondée par les Grecs. Toutes ses références intellectuelles appartiennent à cet univers. Ni vraiment gaulois, ni vraiment romain (même s'il gagne la citoyenneté dans l'affaire), il découvre, et nous avec lui, autant le fonctionnement de Valence, capitale de la cité des Allobroges, que celui du pouvoir totalitaire romain.

On passe donc sans problèmes sur les quelques invraisemblances de l'histoire (quelques coïncidences vraiment trop improbables) et l'on se laisse porter avec plaisir de Marseille à Valence, puis à Rome. On aperçoit également au passage quelques aspects de la vie quotidienne, de l'alimentation (les protagonistes boivent en particulier force coupes de vin), des transports, etc. J'ai seulement été surpris de quelques expressions familières dans le récit, étonnantes sous la plume d'un philosophe, même s'il est censé ne tenir un journal que pour lui-même.

Et le dénouement, que l'on n'attendait pas, est un plaisir supplémentaire. Christian Goudineau a dû bien s'amuser à concevoir la machination complexe qu'il nous dévoile. Son plaisir est communicatif.

Luc Allemand

03 octobre 2012

Eric Hobsbawm dans le siècle

Eric Hobsbawm, l’historien britannique qui a transformé la compréhension du XXe siècle européen, est mort lundi 1er octobre à l'âge de 95 ans. Il était né le 9 juin 1917 à Alexandrie d'une mère autrichienne et d'un père anglais, avait connu Vienne et Berlin avant de quitter la capitale allemande pour fuir le nazisme en 1931. Installé à Londres, il adhéra en 1936 au Parti communiste de Grande-Bretagne et débuta une longue collaboration (jusqu'en 1991) à la revue Marxism Today. Après des études à l’université de Cambridge, il entama une carrière d’historien de réputation internationale. D’abord professeur en 1947 au Birkbeck College de Londres, il fréquenta de nombreuses universités américaines tout en bâtissant une œuvre consacrée à l’histoire européenne au regard du nationalisme et de l’impérialisme d’une part, des phénomènes révolutionnaires de l’autre. Tirant du marxisme une méthode d’analyse mais aussi – ce que lui reprochèrent de nombreux chercheurs, une pensée dogmatique de l'histoire accompagnant la révolution bolchevique et ses conséquences historique -, il élabora la notion de « long XIXe siècle » allant de la Révolution française à la Première Guerre mondiale qu’il articula avec celle d’ « âge des extrêmes » pour qualifier « le court XXe siècle » (1914-1991).

Blog hob ex
Ce dernier essai, paru en 1994 en Grande-Bretagne, ne fut traduit et publié en France qu’en 1999, après que les éditions Gallimard aient refusé le manuscrit. Editeur d’Eric Hobsbawm, Pierre Nora s’en expliqua dans une livraison de la revue Le Débat (janvier-février 1997). L’historien (très francophile et francophone) analysa à son tour l’ « affaire » dans un article du Monde diplomatique (septembre 1999) où il se défendait d’avoir écrit un ouvrage de polémiste :

« Au vu de ces arguments [ceux de Pierre Nora], le lecteur pourrait s’attendre à découvrir essentiellement, comme dans Le Passé d’une illusion, de François Furet, une longue polémique politique et idéologique. Mais L’Age des extrêmes n’a pas été écrit dans cet esprit. Le lecteur s’en apercevra aussitôt : ce n’est pas du tout le même genre de livre. Il s’agit d’une histoire d’ensemble du XXe siècle (et du dernier volume d’une série commencée il y a de longues années, qui se présente comme une Histoire du monde depuis la fin du XVIIIe siècle, c’est-à-dire « L’âge des révolutions ») : c’est à cette aune qu’il convient d’en juger les mérites. Il a été reconnu et pris au sérieux dans des pays aux régimes et aux modes intellectuelles aussi différents que ceux de la République populaire de Chine et de Taïwan, d’Israël et de la Syrie, du Canada, de la Corée du Sud et du Brésil, pour ne dire mot des Etats-Unis. Le plus souvent à la grande satisfaction financière de l’auteur et de ses éditeurs, il s’est aussi très bien vendu - et lu - sur trois continents. On observera au passage que les éditeurs de pays au moins aussi profondément « stalinisés » en leur temps que la France, et exposés à une « décompression » encore plus spectaculaire, à savoir les anciens Etats communistes, n’ont pas hésité à le publier (à l’époque communiste, les ouvrages historiques de l’auteur n’avaient jamais été publiés en Russie, en Pologne et en Tchécoslovaquie). » (http://www.monde-diplomatique.fr/1999/09/HOBSBAWM/12431 )

Au terme de son article, Eric Hobsbawm saluait les éditions Complexe, de Bruxelles, d’avoir assuré, avec l’aide du Monde diplomatique, la publication de l’Âge des extrêmes. André Versaille, fondateur des éditions, s’était particulièrement impliqué dans cette entreprise de traduction. Après avoir perdu la direction de Complexe, il créa les éditions André Versaille, republia l’Âge des extrêmes (2008, 810 p., 23,30 €) et les derniers ouvrages d’Eric Hobsbawm dont L'Empire, la démocratie, le terrorisme : Réflexions sur le XXIe siècle (2009, 178 p., 20,20 €) Blog Hob démocratie

 

Blog Hosb bandits
, tandis que la collection « Zones » de La Découverte prenait en charge son étude consacrée aux Bandits dans les sociétés et les imaginaires (2008, 216 p.) et les éditions Aden (Bruxelles) son travail sur les Rébellions. La résistance des gens ordinaires : jazz, paysans et prolétaires (2010).

Blog franc ti
Cette vie et cette carrière engagées, Eric Hobsbawm y retourna dans un essai autobiographique paru en 2002 et traduit en France en 2005 (éditions Ramsay, puis, en Hachette, coll. « Pluriel », 519 p., 11 €).

Vincent Duclert