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19 mars 2010 |

La mémoire désunie

Blog wieviorka
Historien de la Résistance, connu pour ses travaux sur le réseau Défense de la France et son étude du débarquement de juin 1944, Olivier Wieviorka a transformé pour les éditions du Seuil une expertise demandée par le ministère de la Défense sur les politiques publiques de la mémoire de la Résistance en une recherche historienne importante. L’ouvrage qui en est issu comble un vide sur l'objet de la Résistance resté saillant depuis la publication en 1990, déjà au Seuil, de l’étude décisive d’Henry Rousso, sur son symétrique, la mémoire de Vichy (le Syndrome de Vichy, de 1944 à nos jours).

Dans La mémoire désunie (Le souvenir de la Seconde Guerre mondiale 1944-2009, coll. « L’Univers historique », 310 p., 20 €), l’auteur se saisit de la problématique de la mémoire et de sa gestion publique, problématique dominante depuis les années 1990, pour analyser rétrospectivement le rapport des pouvoirs publics avec les résistants au sens large. La question est ici posée de la difficulté à construire la catégorie d’ « ancien combattant » qui ne put s’inscrire, au cours des années de la Libération, dans l’héritage de la Première Guerre mondiale. Car la Seconde Guerre mondiale avait multiplié pour la France les zones grises et les espaces sombres, occultés ensuite par la mémoire publique. La multiplicité des acteurs, résistants de l’Intérieur, forces françaises combattantes, déportés politiques, déportés raciaux, requis du STO, … a empêché qu’une définition du combattant de la guerre puisse s’élaborer. Et l’histoire savante a souvent accompagné dans le passé les choix officiels plus qu’elle ne les a questionnés ou même critiqués. La construction d’une mémoire publique fondée sur la reconnaissance de l’histoire, amorcée par Jacques Chirac lors de ses mandats présidentiels, apparaît aujourd’hui compromise avec les instrumentalisations politiques et la confusion des récits caractéristiques du mandat de son successeur. De vives critiques civiques sont portées actuellement sur son action, en témoigne par exemple la publication du Programme du Conseil national de la Résistance qui serait menacé par les entreprises sarkozystes (Les Jours heureux. Le programme du Conseil national de la Résistance de mars 1944. Comment il a été écrit et mis en œuvre, et comment Sarkozy a accéléré sa démolition, La Découverte, 204 p., 14 €). La controverse est à nouveau à son comble.

Vincent Duclert

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