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octobre 2008

17 octobre 2008

Des mots et des femmes

Blog_rene La féminisation linguistique, dévergondage langagier pour certain(e)s, revendication militante pour d’autres, la force du débat et les résistances « officielles » peuvent surprendre dans une langue où le genre est omniprésent et où l’on sait que « le neutre n’est jamais neutre ». Si les premiers ouvrages de référence, dictionnaires et encyclopédies, vecteurs idéologiques par excellence en ce qui concerne les représentations du féminin/masculin, ont été écrits par et pour des hommes, il a fallu attendre le milieu du 20 e siècle pour qu’une femme, Josette Rey-Debove, s’impose en lexicographie française. Un colloque en Italie lui rendant hommage explore plusieurs facettes des rapports foisonnants entre genre (au sens du gender) et langage : Des mots et des femmes : rencontres linguistiques, Actes de la journée d’étude tenue à l’Université de Florence (déc. 2006), Annick Farina et Rachele Raus, responsables des Actes, Firenze University Press, 2007, 145 pps., 17,50€. Le besoin des équipes mixtes (femmes/hommes), avec la participation des sociolinguistes pour des projets lexicographiques, l’influence indirecte des salonnières sur les premiers dictionnaires, les problèmes de traduction posés par les connotations dans des dictionnaires bilingues, le rôle précurseur des premières chroniqueuses au Canada français sont parmi les thèmes évoqués. Si la tendance actuelle confirme le triomphe de l’usage de la féminisation sur la norme prescriptive prônée par l’Académie française (voir l’étude de Marie-Marthe Gervais-le Graff sur la presse francophone en Europe et au Canada), le manque d’harmonisation pourrait toujours prêter à confusion…. 

Renée Champion, chercheure ou chercheuse ? l’usage tranchera !, CHSIM, EHESS

16 octobre 2008

L'affaire Hwang pour les nuls

Blog_milliez A la fin de l'année 2005, une spectaculaire affaire de fraude scientifique a défrayé la chronique. Les travaux du Coréen Woo-suk Hwang, qui avait annoncé quelques mois plus tôt le succès du premier clonage humain (cantonné à la division de quelques cellules), étaient falsifiés. La revue scientifique Nature qui les avait publiés s'était laissée prendre. L'enquête subséquente révéla que Hwang avait en outre contrevenu aux principes de l'éthique, en contraignant des femmes travaillant dans son laboratoire à donner elles-mêmes des ovules pour l'expérimentation. La Recherche avait à l'époque consacré un dossier complet au sujet (février 2006). Jacques Milliez, professeur de médecine, a décidé d'en faire la toile de fond de son premier roman, L'inconnue du Musée de l'Homme (éditions du Masque, 2008, 222 p., 6 €). Même s'il a transposé son récit de quelques années et changé quelques noms, de façon assez transparente, il reste assez crédible pour ce qui concerne la partie scientifico-médicale, ainsi que le déroulement de l'enquête du comité d'éthique coréen qui met à jour la supercherie. On a là, somme toute, un assez bon cours de rattrapage sur le clonage animal. Les dérives de certains escrocs, promettant aux couples en mal d'enfants de remédier à leur détresse via le clonage ne sont pas non plus pure invention : la secte des raëliens s'était assuré ainsi fin 2002 de la publicité à bon compte. Mais il tombe carrément dans la fiction la plus incroyable pour ce qui concerne l'enquête menée par un « journaliste de France-Soir ». Admettons que toutes les biologistes moléculaire qu'il rencontre lui apportent sans sourciller des informations confidentielles quant elles ne lui tombent pas dans les bras. Mais qu'il enchaîne sans sourciller les aller-retour Paris-Séoul, entrecoupés de voyages à Nantes ou à Rome! Quel quotidien français assumerait aujourd'hui la note de frais? Qui plus est, il prend l'avion pour aller à Nantes, alors que le TGV relie aujourd'hui cette ville à Paris en 2 heures! Quant au Musée de l'Homme, il est pourvu d'un « directeur des fouilles » bien improbable, à l'heure ou cette vénérable institution, en plein remaniement, ne produit plus guère de science. Au final, deux heures de lecture pas vraiment désagréables, mais quand on lit « Prix du roman d'aventure » sur la couverture, on frémit en pensant aux autres titres en lice.

Luc Allemand, La Recherche

15 octobre 2008

Introducing

Blog_besnard_intro_2 Introducing... Cette série de petits livres compte des dizaines de titres couvrant tous les domaines (Introducing Postmodernism, Introducing Einstein, Introducing Buddha, Introducing Evolutionary Psychology, etc.). Clairs, bien documentés, souvent drôles, leur principale caractéristique est de mélanger texte et illustrations, sollicitant ainsi simultanément les deux cerveaux. Sporadiquement, quelques titres furent traduits en français, les premiers aux défuntes éditions Maspero il y a quelques temps déjà (leur Einstein pour débutants, l'un des meilleurs notamment par ses illustrations terrygilliamesques, ne fut pas pour rien dans ma vocation scientifique) et quelques autres plus récemment chez Flammarion, comme Les maths sans aspirine (malheureusement affligé d'une traduction défectueuse). Et depuis rien... Un auteur et éditeur de vulgarisation scientifique, devant qui je m'étonnais de cette situation, me répondit que ces livres n'avaient jamais trouvé leur public en France. Je veux croire que cette situation n'est pas irrémédiable, et n’est pas le signe de la préférence définitive des français pour deux catégories d'auteurs nettement démarquées : les « sérieux » (aux prétentions volontiers littéraires) et les compilateurs d'anecdotes (aux prétentions volontiers littéraires). Quoi qu'il en soit, chacun pourra se faire une idée de l'objet en consultant gratuitement un exemplaire en ligne sur ce site : http://introducingbooks.blogspot.com/

Fabien Besnard, EPF

14 octobre 2008

Paul Krugman Prix Nobel d'économie 2008

Blog_krugman_0 Dans le post du 25 septembre dernier, consacré à la biographie en langue française de Barack Obama (de François Durpaire et Olivier Richomme, 2007, rééd. 2008, Démopolis, 224 p., 19 €), on conseillait en conclusion de lire The Conscience of a liberal de Paul Krugman, excellemment traduit par Paul Chemla mais affublé d’un titre médiocre, L’Amérique que nous voulons (Flammarion, 353 p., 22 €). « Dans cet ouvrage dense, écrit sur un rythme soutenu, l’auteur, économiste à l’université de Princeton et éditorialiste du New York Times suggérait entre les lignes la tâche qui attend le futur président démocrate : devenir un nouveau Roosevelt et ne pas se contenter de faire du Clinton ou d’incarner un nouveau Kennedy. Ce sera la clef de son éventuelle victoire. L’actualité économique et sociale oblige Obama à se saisir de la première des figures évoquées », écrivions-nous. Depuis hier, Paul Krugman est le nouveau Prix Nobel d’Economie, distingué pour son « analyse des schémas commerciaux et de la localisation de l’activité économique ». Voici une raison supplémentaire d’aller vers son livre qui est une belle contribution à l’esprit libéral américain, c’est-à-dire, très clairement aux Etats-Unis, un esprit de gauche. Afin d’éviter toute confusion avec la situation européenne où le terme libéral désigne au contraire (et souvent à tort) les milieux conservateurs de droite, hostiles à l’Etat-providence, aux dépenses sociales, à l’action réglementaire de l’Etat, Paul Chemla a opté, « dans les cas les plus délicats par "progressistes" (par exemple, "politique économique progressiste" pour désigner celle des liberals) ». On pourrait aussi faire le pari de l’acclimatation en Europe et en France du libéralisme politique à l’américaine, critique et démocrate, occasion d’amener la gauche à une réflexion sur elle-même, occasion aussi de mieux définir la droite et sa dérive ultra-conservatrice. Pour les Etats-Unis, l’analyse est lancée avec le livre de Krugman qui souligne le rôle de la National Review depuis un demi-siècle et la pénétration, chez les républicains, des idées et des pratiques les plus extrémistes.

Blog_krugman Le chapitre final de L’Amérique que nous voulons de Paul Krugman porte le titre de l’ouvrage en version américaine : « la conscience d’un démocrate ». Il constitue une belle évocation de l’Amérique des libertés et des combats démocratiques : « Les libéraux défendent des institutions bien établies comme la Social Security et Medicare, ceux qui se disent conservateurs veulent les privatiser ou les fragiliser. Les libéraux veulent le respect de nos principes démocratiques et de l’état de droit ; ceux qui se disent conservateurs veulent que le président ait des pouvoirs dictatoriaux, et ils félicitent l’administration Bush d’incarcérer des personnes sans inculpation et de les torturer. » Paul Krugman donne une autre illustration de l’idéologie ultra-conservatrice américaine qui torpille l’histoire des républicains faite de modération et de pragmatisme, à savoir leur rejet de tout pouvoir intellectuel et du principe de liberté d’expression. « Après le 11 septembre, l’administration Bush a tenté d’instaurer un climat politique profondément contraire à la tradition américaine, dans lequel toute critique contre le président serait perçue comme antipatriotique – et, à de rares exceptions près, les conservateurs américains ont applaudi ».

Blog_krugman_1 Krugman a expérimenté personnellement cette offensive ultra-conservatrice pour étouffer la dissidence libérale. « Après l’élection présidentielle de 2004, j’ai subi des pressions : je devais cesser de passer mon temps à critiquer l’administration Bush. "Les urnes ont parlé", m’a-t-on dit. ». Mais Krugman a tenu, encouragé il est vrai par l’équipe du New York Times et, en son sein, Gail Collins (photo), la responsable de la page des éditoriaux entre 2001 et 2006, « qui m’a soutenu, écrit-il dans ses remerciements, durant une période où s’est exercée une énorme pression pour que les adversaires de l’administration Bush se taisent. » L’obstination toute new-yorkaise de Krugman est une confirmation des mécanismes de la légitimité démocratique analysée récemment par Pierre Rosanvallon (Seuil, coll. « Les livres du nouveau monde », 2008, 383 p., 21 €), et sur laquelle nous reviendrons prochainement, l’exigence de réflexivité et le besoin d’une critique des élus. Le comité Nobel a ainsi honoré à travers Paul Krugman, non seulement un économiste talentueux mais aussi un intellectuel courageux.

Vincent Duclert, EHESS

13 octobre 2008

L'histoire des sciences

Blog_braunstein_2 L'histoire des sciences, méthodes, styles et controverses (Vrin, 2008, 384 p., 12 €) est un choix de textes présenté par Jean-François Braunstein (Université Paris1 Panthéon-Sorbonne et chercheur à l'Institut d'Histoire et de Philosophie des Sciences et des Techniques), que Georges Canguilhem dirigea naguère. J.-F. Braunstein est connu pour avoir renouvelé les études canguilhemiennes en y intégrant les écrits de jeunesse de l'auteur de La connaissance du vivant, pour repenser la totalité de son oeuvre dans le cadre de l'école française d'épistémologie historique. En son temps, Georges Canguilhem (1904-1995) avait contribué à l'élaboration collective d'une Introduction à l'Histoire des Sciences (1971). Il s'agissait également de morceaux choisis et commentés. Mais la comparaison entre les deux recueils s'arrête là : en épistémologie beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis 1971. On trouve donc dans l'ouvrage de Braunstein des philosophes des sciences comme Lorraine Daston ou Ian Hacking. Mais également des auteurs plus anciens comme Auguste Comte, Pierre Laffitte, ou Paul Tannery : la modernité consiste aussi à jeter sur les classiques un regard novateur. L'introduction aux textes est passionnante. De la « Préhistoire de l'histoire des sciences », qui s'achève avec Auguste Comte, au « Style français en histoire des sciences », Braunstein ne cesse d'étonner : « (...) Canguilhem ne rencontre que fort tard dans son oeuvre l'influence de Bachelard » ; c'est que « (...) ses motifs initiaux sont sans doute plus à chercher dans des engagements éthiques de jeunesse, étayés ensuite sur la médecine, que dans l'histoire des sciences ». L'ensemble de ce nouveau livre est aussi décapant que le passage dont il vient d'être question : il sera donc fort utile au profane aussi bien qu'au lecteur aguerri. Mais au-delà de l'utilité il leur donnera beaucoup de plaisir. Vraiment. 

Pascal Acot, CNRS-IHPST

10 octobre 2008

Le Clézio Prix Nobel de littérature 2008

Blog_le_clezio J’étais à Nice hier quand on a appris la nouvelle de la réception par l’écrivain Jean-Marie Gustave Le Clézio du Prix Nobel de littérature 2008. C’est une excellente nouvelle pour un certain esprit des lettres qu’on trouve répandu dans le monde entier et assez peu en France en définitive, le souci de s’armer de la langue pour aller au plus profond de la connaissance du destin des personnes dont aucune trace ne semble témoigner de l’existence. La littérature de La Clézio ramène au monde et au temps des existences qui, sans cela, seraient promises à l’oubli et à la disparition, comme les paysages qui parcourent ses œuvres et dont il révèle la vérité profonde. Ce Prix Nobel est une excellente nouvelle aussi pour les éditeurs et les libraires inquiets pour la survie du livre et pour la situation présente, la crise et le sentiment de la crise affectant profondément ce marché fragile. Ce n’est pas, en revanche, une bonne nouvelle pour les étudiantes de Nice qui avaient pris l’habitude, dans le passé, d’aller à la bibliothèque municipale car Le Clézio y travaillait de longues après-midi, éclairant les travées de sa beauté grave. Il va davantage voyager désormais !

Blog_le_clzio_dsert Apprenant que Le Clézio avait reçu le Nobel, distinction rare et solennelle, je me suis retrouvé plus de vingt ans en arrière lorsque, étudiant, je le lisais, avec la certitude confuse d’y rencontrer la langue la plus sûre et l’écriture la plus belle couplées à l’horizon des êtres et des mondes. Désert (Gallimard, 1985, coll. Folio, 439 p., 7,40 €) particulièrement m’avait marqué, et c’est de ces lointains souvenirs, ici écrivant à Nice, que je voudrais partir pour rassembler quelques idées à destination des lecteurs de La Recherche. Lire Le Clézio, c’est d’abord entrer dans une littérature qui est un véritable acte ethnologique, l’écrivain se portant vers des mondes presque perdus, des personnes oubliées, des peuples fragiles au point de pouvoir disparaître sans bruit. S’il fallait chercher un successeur à Claude Lévi-Strauss, c’est peut-être du côté de Le Clézio qu’il faudrait chercher. Evidemment les méthodes et les résultats ne sont pas les mêmes, mais le mouvement de l’écriture est comparable et l’inquiétude de la conscience presque semblable. Le Clézio est aussi un grand observateur des paysages, et particulièrement des déserts, là où la singularité de l’existence humaine apparaît plus forte à cause de sa rareté, là où la destruction des fragiles équilibres naturels devient si évidente. C’est un écrivain monde également, habitant plusieurs lieux dont le Nouveau-Mexique, et c’est la langue qui unit ces points de vue, ces univers. Le français langue universelle s’impose pour le définir parce qu’il a su construire avec elle une patrie proche et ouverte. Son choix de se porter vers ceux qu’on pourrait appeler des exclus et l’humanité qu’il reconnaît en eux repoussent, bien mieux qu’un long discours, les idéologies du nationalisme et de l’enfermement. A tous, chercheurs ou lecteurs ordinaires, il transmet la conviction que le souci pour le plus lointain, le plus étranger, et le pouvoir de la langue de capter les vérités fragiles, n’appartiennent pas aux vaines illusions.

Vincent Duclert, EHESS

09 octobre 2008

Anne-Claire Déré

Blog_dr Anne-Claire Déré, du Centre François Viète, est décédée avant la parution de Autour du chimiste Louis-Jacques Thénard (1777-1857), ouvrage auquel elle a consacré, en compagnie de Gérard Emptoz, beaucoup de son temps de chercheur en histoire des sciences. Dans ce livre parfaitement documenté (publié par l’Université pour tous de Bourgogne, 2008, 30 euros), les auteurs ne se limitent pas à une biographie scientifique traditionnelle. Il s’agit d’un projet plus ample d’analyse des « grandeur et fragilité d’une famille de notables au XIX e siècle », ainsi que l’annonce le sous-titre. Dessein emblématique des préoccupations d’Anne-Claire qui souhaitait rendre compte de la complexité des savants et de leur inscription dans l’Histoire. Sa vaste culture l’aidait dans cette tâche ardue. Anne-Claire Déré était une grande dame de l’histoire des sciences qui jouait, avant la maladie, un rôle moteur auprès des chercheurs du Centre François Viète. Mettant la grande rigueur de sa démarche au service de tous, elle était une lectrice recherchée d’articles ou mémoires auxquels ses critiques constructives donnaient un souffle nouveau. Son dynamisme était un exemple qui permettait de surmonter les découragements : plus d’un doctorant a puisé dans ses conseils l’énergie pour aller au bout de la thèse. Le Centre François Viète, qui sait ce qu’il doit à Anne-Claire, perpétuera son souvenir par la poursuite des travaux dans lesquels elle était engagée, ainsi que l’a fait Gérard Emptoz pour « son » Thénard.

Colette Le Lay, Centre François Viète, université de Nantes

08 octobre 2008

Over

Blog_over Ce livre tombe à point nommé, si l’on peut dire, pour souligner le caractère autodestructeur de l’American Way of Life, non seulement pour l’équilibre écologique – et c’est le thème du très bel ouvrage publié à La Découverte, Over (360 p., 59 €) -, mais également pour le système économique et la civilisation américaine tout entière. En effet, les clichés aériens d’Alex MacLean, architecte de formation et grand photographe mondial, démontrent l’indifférence du développement industriel, routier et urbain à la dimension naturelle du territoire, et, en conséquence, les risques considérables qu’il fait porter au cadre sans lequel il n’y a plus de « rêve américain ». Car celui-ci repose précisément sur un rapport individuel et philosophique aux espaces naturels, pensons à des films événements comme Easy Rider et les images emblématiques des paysages de l’Ouest. Cet imaginaire est en danger, de même que le système qui a permis cette destruction. Le caractère de plus en plus démesuré de l’habitat et de l’urbanisme vient de rencontrer brutalement ses limites, son absurdité, avec la crise immobilière précipitant la crise financière. Pour insister sur l’extrême intérêt de cet ouvrage, on voudrait souligner aussi l’importance de l’image et de l’approche géographique pour penser le monde. Voir une photographie, lire une carte, et c’est un monde de connaissances, et de connaissances critiques, qui s’ouvre. Les géographes le savent bien. Cet ouvrage le démontre parfaitement. C'est une leçon de méthode autant qu'une thèse forte.

Blog_pelican_2 On est loin en tout des espérances portées par le cinéma d’Hollywood lorsqu’il s’agissait d’illustrer le combat pour la préservation des espaces et des espèces naturels, comme en 1994 avec L’affaire Pelican (The Pelican Briefe) du réalisateur Alan Pakula, d’après le thriller de John Grisham, mettant en scène une jeune étudiante en droit et un journaliste noir partant à l’assaut du capitalisme sale et du droit gouverné par la finance, afin de protéger le vol des pélicans sur les rivages préservés et garder vivant l’imaginaire d’une nation.

Vincent Duclert, EHESS

07 octobre 2008

Prix Nobel de médecine 2008

Blog_montagnier Le Prix Nobel de médecine a honoré hier trois découvreurs de virus, l’Allemand Harald zur Hausen pour ses travaux sur le cancer du col de l’utérus, et les Français Françoise Barré-Sinousi et Luc Montagnier, co-découvreurs du virus du sida en 1983. On voudrait ici faire trois remarques. Si Luc Montagnier est bien connu d’un large public, ses ouvrages comme Des virus et des hommes (Odile Jacob, 1994, 20€30) l’y aidant, Françoise Barré-Sinoussi l’est moins mais elle fut décisive dans la découverte du virus grâce à son travail de laboratoire. C’est la reconnaissance de l’obstination patiente et discrète, et de ces carrières, souvent féminines, dans les équipes de recherche. Le Prix Nobel couronne aussi des découvertes qui ont plusieurs dizaines d’années, preuve qu’en recherche scientifique, le temps a parfois une autre valeur que celui de l’actualité la plus immédiate couplée à l’oubli le plus profond sitôt passé le moment de l'information. Le comité Nobel a la mémoire longue et c’est très bien ainsi. Enfin, le Nobel est aussi une excellente nouvelle pour la recherche française à l’heure où les pouvoirs publics et politiques veulent la réduire à de aspects de plus en plus marchands et dominés par des marchés dont on voit aujourd’hui où ils mènent. Enfin, mentionnons que Luc Montagnier, qui a écrit à plusieurs reprises dans les pages livres de La Recherche et qui avait publié une contribution remarquée, « Où va la recherche biomédicale française ? » dans l’ouvrage Quel avenir pour la recherche ? (Flammarion, 2003, 349 p., 21 €, ici pp. 59-69) s’est aussi engagé dans sa jeunesse contre la torture dans la guerre d’Algérie, dans le comité Maurice-Audin notamment. A l’heure où l’injonction vient du haut pour que la France ne s’intéresse qu’aux « pages glorieuses » de son passé, l’exemple de Luc Montagnier rappelle que la « gloire » est aussi et d’abord d’agir pour les droits de l’homme et la vérité.

Vincent Duclert, EHESS

…. Et toujours, Les prix Nobel, numéro d’octobre de La Recherche, 114 p., 6,40 €.

06 octobre 2008

Edgar Morin

Blog_morin L’activité éditoriale concernant Edgar Morin ne se dément pas. Après la parution en début d’année de La Méthode en édition complète (deux volumes sous coffret, Le Seuil, 59 €), une œuvre voulue totale sur la nature, la vie, la connaissance, les idées, l’humanité et l’éthique, après la réédition de L’esprit du temps avec une nouvelle préface de l’auteur (Armand Colin, coll. « Médiacultures », 224 p., 22 €), voici que paraissent chez Fayard des entretiens réalisés avec le journaliste Djénane Kareh Tager, Mon chemin (366 p., 20 €). Le livre s’achève sur les maximes de vie du penseur dont l’ultime est « Renaître et renaître jusqu’à la mort ». En tout cas, les éditeurs participent fortement à cette renaissance publique et intellectuelle d’Edgar Morin.

Vincent Duclert, EHESS