Vous êtes sur BLOGS > Le blog Astroparticulier
 
02/05/2014 | 

D’AUGER à JEM-EUSO, EN PASSANT PAR EUSO-BALLON (1)

Quelles sont les sources des rayons cosmiques d’ultra-haute énergie ? Quel mécanisme physique peut les accélérer à des vitesses si proches de celle de la lumière ?  C’est un des grands mystères de l’astrophysique. Qu'il s'agisse de protons ou de noyaux d'atomes plus lourds, leur énergie en fait les particules les plus énergétiques de l’univers connu. Cette énergie peut dépasser les 10 puissance 20 eV et atteindre quelques dizaines de joules, une énergie macroscopique équivalente à celle d'une balle de tennis lancé à 150 km/h environ ! Pour achever leur portrait, ajoutons que  ces événements sont trèsShower rares : à peine plus d’un par kilomètre carré par millénaire aux énergies extrêmes ! Etienne Parizot, chercheur au laboratoire APC et professeur à l’Université Paris Diderot nous a mis sur la piste des réponses envisageables aujourd’hui et sur les moyens mis en œuvre.

Il y a deux techniques pour observer les rayons cosmiques : la détection des particules de la gerbe atmosphérique (qui résulte de l’interaction du rayon cosmique avec les particules de l’atmosphère terrestre) ou la détection de la lumière de fluorescence induite par ces particules secondaires de la gerbe. L'avantage du détecteur de fluorescence est qu'il permet d’observer la lumière d'une gerbe à distance avec un télescope couvrant un grand volume d’atmosphère : tout ce qui est dans le champ du télescope peut être observé, pourvu que la gerbe soit suffisamment énergétique. Ainsi, avec l’observatoire Auger, les détecteurs de fluorescence voient des gerbes à 40 km sans difficulté. Mais la technique de la fluorescence ne fonctionne que la nuit, dans un environnement pauvre en lumière parasite, soit 10 à 15 % du temps. L’observatoire Auger, qui utilise ces deux techniques, a étendu considérablement la capacité de détection, le handicap de tels instruments au sol étant qu'il leur faut couvrir une très grande surface (dans le cas d’Auger, il y a 1600 détecteurs répartis sur 3000 km²). Si on veut multiplier par 10 la surface, il faut alors multiplier par 10 le nombre de détecteurs, et cela devient vite impossible, pour des raisons pratiques autant que logistiques.

Le projet JEM-EUSO est la transposition dans l'espace, pour la détection des rayons cosmiques d'ultra haute énergie, de la technique de fluorescence. Le passage dans l'espace représente un challenge technologique, mais semble la meilleure façon d'augmenter significativement la statistique sur les rayons cosmiques dits « d’ultra-haute énergie ». L'idée de JEM-EUSO, pour accroître de manière significative le nombre de rayons cosmiques ultra-énergétiques détectés, c’est de prendre du Euso2recul… en prenant de l'altitude ! La meilleure façon d’observer un immense volume d’atmosphère est de se placer dans l’espace. L’ISS (la station spatiale internationale) est en orbite à 400 km d'attitude et permet donc, en regardant vers le sol dans un champ de 30° d’ouverture, de couvrir près de 200 000 km2 avec seul instrument ! L’idée est donc de se placer dans l'espace non pas pour s'affranchir de l'atmosphère, mais pour mieux l’observer, et détecter ainsi, en prenant du recul, les particules d’ultra-haute énergie qui proviennent de l'espace.

Comme il s’agit de la technique de détection par fluorescence, l’instrument ne pourra prendre des données utiles que la nuit. Mais la surface couverte est telle que la capacité d’observation de l’instrument sera de l’ordre d’une dizaine de fois celle de l'observatoire Pierre Auger. Rien n’empêche d’imaginer plusieurs détecteurs en orbite autour de la Terre, ou de se placer plus loin encore de l’atmosphère, pour en couvrir un plus grand volume. JEM-EUSO pourrait ainsi n’être que la première étape d’une nouvelle voie ouverte, dans l’espace, pour l’observation de ces fameuses particules de l’extrême…

Bien sûr, rien n'est simple. D’abord, parce que ça n'a encore jamais été fait. Ensuite, comme la détection se fait à grande distance, la lumière est très ténue et il faut un détecteur qui soit sensible au « photon unique ». De surcroit, on ne peut voir que les gerbes les plus énergétiques. Là, par contre, ça tombe bien, ce sont pour elles avant tout que l’on cherche à accroître la capacité de détection.

Vous allez me dire, mais pourquoi donc s’intéresse-t-on tellement à ces fameux rayons ? Je sais, le suspense est à son comble, mais vous devrez attendre la prochaine publication pour connaître la réponse…

A bientôt.

 

15/04/2014 | 

Opération KM3NeT : only for your eyes !

Notre invitée de cette semaine est Véronique Van Elewyck, enseignante chercheuse au laboratoire APC, sur le campus de Paris Diderot. Elle travaille sur les neutrinos depuis sa thèse. Après les avoir étudié d'un point de vue théorique, en particulier autour de la question de leur masse, elle s’est tournée vers la détection des neutrinos de (très) haute énergie avec l’Observatoire Pierre Auger (ici lien vers une entree blog précédente sur Auger si opportun ?) puis dans le cadre des expériences ANTARES et du projet KM3NeT qui en est la continuation. Qui mieux qu’elle pouvait nous éclairer sur la chasse aux neutrinos cosmiques ?

Neusun1_superkLe neutrino est une particule mystérieuse qui tient en haleine les théoriciens aussi bien que les expérimentateurs depuis plusieurs décennies. Bien que ce soit la particule la plus répandue dans l'univers, ses propriétés sont encore mal connues, en particulier parce qu'elle interagit très faiblement avec la matière. On sait maintenant qu'il existe trois saveurs de neutrinos,  « électronique, muonique et tauique », et qu’une fois produits les neutrinos se propagent sous forme de mélanges de ces trois saveurs, un phénomène que les physiciens appellent l'oscillation. Ce mécanisme implique que les neutrinos ont une masse, mais celle-ci est si faible qu'il a encore été impossible de la déterminer.

Les neutrinos sont produits dans des processus très variés, allant des différents types d’interactions nucléaires dans les centrales ou à l'intérieur du soleil, jusqu'aux phénomènes astrophysiques violents. Les expériences comme Antarès aujourd'hui, et KM3NeT demain, visent justement à valider les modèles d'émission qui situent l'origine des neutrinos cosmiques dans certaines sources comme les sursauts gamma, les galaxies à noyau actif ou les restes de supernovae par exemple. L'observation de tels neutrinos permettrait également d'identifier de manière non ambigüe les sources de rayons cosmiques de très haute énergie qui restent encore mystérieuses à ce jour.

Le télescope à neutrinos ANTARES a consisté à déployer un réseau de détecteurs de lumière à 2500 m sous la mer, au large de Toulon. Ce qu'on cherche à observer, c'est la trace lumineuse laissée par les particules chargées résultant de l’interaction des neutrinos avec la matière ambiante. Paradoxalement, Antarès est un instrument qui regarde le ciel à travers la terre, celle-ci jouant le rôle de filtre qui ne KM3net 1laisse passer que les neutrinos ! Antarès occupe un volume de 40 millions de mètres cubes, soit l'équivalent d'à peu près 40 000 piscines olympiques…
KM3NeT aura un volume environ cent fois supérieur : compte tenu de la  faiblesse des flux attendus de neutrinos, il est nécessaire de disposer d'un volume instrumenté très supérieur à celui d'ANTARES. Le nouveau télescope sera réparti sur au moins deux sites dans les eaux françaises et italiennes, les premiers éléments du nouveau réseau de détection devant être déployés dans les prochains mois. Chaque ligne est composée d'un ensemble de modules optiques et ressemble à un collier de perles. Là où les modules d‘ANTARES ne comportaient chacun qu’un seul détecteur de lumière de grande taille, les nouveaux modules (de même volume) en possèdent trente et un plus petits ! Une avancée technologique majeure qui permettra notamment d’améliorer la résolution directionnelle du détecteur.

KMEnet 2 PMA l’heure actuelle, outre l’analyse des données d’ANTARES, le groupe KM3NeT d'APC est particulièrement impliqué dans l'étude du prototype de ce module qui fonctionne déjà en test depuis quelques mois sur le site d'Antarès.

La chasse aux neutrinos cosmiques est ouverte, pas de quartier !

 

30/03/2014 | 

LE MONTREUR D'OURS POLAIRE

Bicep2 vient d’annoncer avoir mis en évidence des ondes gravitationnelles primordiales. On connaît moins Polarbear, « l’autre » expérience qui fait dans les ondes gravitationnelles primordiales, et vient de son côté de faire la première détection directe des modes-B de la polarisation du fond diffus cosmologique aux petites échelles angulaires. Polarbear est un radiotélescope installé sur le plateau de Chajnantor au Chili, à 5200 m d'altitude, un des plus hauts télescopes du monde, à côté de l'observatoire ALMA. Il fonctionne depuis 2012 et son objectif est de détecter et caractériser un nouveau signal cosmologique, les modes B en polarisation du rayonnement fossile. A noter : la seule équipe en France qui travaille sur Polarbear, est au laboratoire APC, dirigée par Radek Stompor.

Josquin Errard est un jeune chercheur qui travaille à Berkeley sur Polarbear. Il insiste sur le fait que la première saison d'observation n'a pas consisté à faire une mesure de l'univers primordial, mais plutôt une mesure des propriétés des grandes structures (amas de galaxies, filaments de matière noire, etc.). Polarbear se sert du fond cosmologique qui est déformé par ces grandes structures pour obtenir des informations sur la PolarBear-xsphysique gouvernant leur formation, en particulier la masse totale des neutrinos ou encore l'équation d'état de l'énergie noire.
Polarbear, à l’instar de Bicep2, est complémentaire du satellite Planck qui a regardé le ciel dans sa totalité alors que les deux expériences au sol observent de très petites régions du ciel, mais beaucoup plus profondément. Un des objectifs de Polarbear est de nettoyer les effets de lentilles gravitationnelles de ses données, afin d'accéder à l'univers primordial – toutefois, il s'agit pour l'heure de mesures avec un niveau de confiance encore assez faible. Le rôle de Josquin dans la collaboration Polarbear, consiste à faire les cartes à partir des données temporelles qui viennent du télescope. Il travaille par ailleurs sur les prévisions scientifiques à plus long terme : quoi faire à l'avenir avec les données du CMB, compte tenu des performances des instruments qui seront opérationnels dans cinq ou 10 ans ?

Josquin se sent bien à Berkeley : « Je suis arrivé il y a un an et demi et je vis très bien ici. La vie en Californie et très agréable. J'avais déjà eu l'occasion auparavant de faire un stage à Berkeley et j'étais tombé amoureux de cet endroit. Au début, on est quand même un peu perdu : on sort de la thèse, qui est une période très intense, on n'a pas le temps de souffler et il faut entrer dans une nouvelle vie avec de nouveaux projets scientifiques, dans un pays complètement différent. Mais la douceur de vivre permet de s'adapter très vite en fait. Une belle recherche, de belles rencontres… C'est bien ».

Après une thèse de doctorat à APC en cosmologie observationnelle, sur des simulations théoriques, il est parti à Berkeley comme post-doctorant, pour faire l'analyse et l'exploitation scientifique des données obtenues avec Polarbear. Il est installé au Computational Cosmology Center (C3) qui analyse les grands volumes de données de cosmologie observationnelle pour en extraire des informations sur la physique gouvernant notre Univers.

« À Berkeley, j'ai trouvé une façon de travailler assez différente de la France : entre travail et famille, il reste peu de place pour les relations d'amitiés qu'on peut parfois tisser entre collègues chez nous. EBerkn France, mes meilleurs amis étaient des collègues, ce qui n'est pas le cas là-bas où je ne me suis pas vraiment fait beaucoup d'amis au labo … Prendre un café ensemble après le déjeuner ou une bière après le travail, ça n'existe pas vraiment. Je me suis quand même fait des amis par ailleurs, et je suis très heureux à Berkeley. La vie et les gens sont plus calmes, plus détendus, moins stressés. »

« J'ai la possibilité de faire une année de plus à Berkeley et bien que j’y sois très bien, je commence à avoir envie de revenir. Je vais voir… Je suis maintenant entré dans la spirale infernale bien connue des chercheurs, celle des concours du CNRS … C'est d'autant plus difficile qu'on est en compétition avec les gens de notre génération, on se connaît tous, et beaucoup sont des amis … »

En chevauchant une onde gravitationnelle, Josquin ne devrait pas tarder à retrouver la recherche en France...

En savoir plus sur Polar Bear

Derniers résultats

 

16/03/2014 | 

POURQUOI LA NUIT EST-ELLE NOIRE ?

Aujourd'hui, petite récréation... scientifique. Vous êtes-vous jamais demandé pourquoi la nuit est noire ? La réponse a l’air simple : Le soleil est parti se coucher et il fait nuit... noire !  Simple, non ? La nuit, par ciel sans nuage et sans lune, que voit-on ? Des étoiles, des milliers de petits soleils qui brillent dans le ciel.  Maintenant, regardons autour de nous : l’éclairage Infinipublic aussi, diffuse sa lumière et il éclaire toute la rue. Mais ça n’est pas vrai pour les étoiles puisque la nuit reste désespérément noire. Etrange, non ?

Disons tout de suite que ça n’a rien à voir avec la matière noire, l’énergie noire ou même les trous noirs ! Pour comprendre, il faut revenir un peu en arrière : au moyen âge, les européens sont persuadés que les étoiles sont comme des luminaires accrochés à un dôme ou une coupole, à un espace fini donc. Un peu plus tard, à la Renaissance, Marignan 1515, vous voyez à peu près, on commence à penser que les lumières célestes pourraient se situer dans un espace infini et non pas accrochées par des fils invisibles à un plafond céleste…. Mais alors, me direz-vous et vous aurez raison, espace infini veut dire aussi nombre infini d’étoiles qui comme notre éclairage public devraient illuminer le ciel  la nuit.  Eh bien non, nous dit le grand Johannes Kepler lui même, le père des célèbres lois du même nom ! Nous restons dans le noir et il faudra quelques siècles encore pour voir le bout du tunnel.

En 1826, un médecin Allemand, Heinrich Olbers reformule le problème, le porte au rang de paradoxe, mais sans apporter pour autant de réponse à la question qui énerve, pourquoi le ciel est-il noir la nuit. Ca devient agaçant, non ? Bien qu’on sache depuis 1676 que la lumière se propage à une vitesse finie, ce fait attesté continue Bizarrement d’être ignoré dans le débat.

Etonnamment, c’est un écrivain et poète, Edgar Poe, qui déduit de cette limite que, si l’Univers a un âge fini, seule une petite partie est accessible à l’observation, ce qui résout le problème. Suivons le raisonnement (lumineux) d’Edgar : si la vitesse de la lumière est limitée dans l’univers, et si celui-ci a un commencement, une partie seulement doit être accessible à l’observation. Et c’est bouclé, emballé, CartPlanckc’est pesé, Comme on dit, il suffisait d’y penser.
Le véritable dénouement survient à partir de 1929 : le physicien Georges Lemaître formule la théorie du big bang. En fixant un début à l’univers, cette théorie aurait pu permettre de contourner le paradoxe d’Olbers, mais seulement dans le cas d’un univers statique. Or l’Univers est en expansion, à partir d’un état initial très chaud : à l’époque de la recombinaison, 400 000 ans après le big bang, le fond du ciel est bel et bien d’un éclat comparable à celui de notre Soleil ! Au cours des 13,7 milliards d’années d’expansion qui suivent, il subit une perte d’éclat d’un facteur mille milliards et laisse ainsi place à l’obscurité nocturne qui nous est familière…
Ouf !

 

03/03/2014 | 

LES BELLES HISTOIRES « D’ONCLE PAUL »…

A quoi peut bien tenir une vocation, scientifique de surcroît ? Nous avons posé cette question à Jacques Paul, conseiller scientifique au CEA, chercheur en astrophysique spatiale, qui a œuvré au laboratoire APC pendant plusieurs années.

Herge-on-a-marche-sur-la-lune_txdam18770_9dd4e4L'auteur de bandes dessinées qui l’a le plus marqué dans sa jeunesse, me dit-il, est surement EP Jacobs, le père des célèbres Blake et Mortimer. J’ai été pris par les personnages, mais surtout par le style et l'esprit qui souffle dans cette BD. J'ai tout d’abord découvert EP Jacobs avec la fin du « Secret de l'Espadon » qui paraissait en épisodes dans le journal de Tintin auquel j’ai été abonné à cette époque. Il y avait aussi « Objectif Lune », qui paraissait en même temps. Tout ça était très orienté vers la science, le voyage vers la Lune étant d'ailleurs très bien fait du point de vue scientifique. Blake et Mortimer, c’est d’abord un état d'esprit, qui donne envie de s'intéresser à la science ou à l'astronautique à travers ces mythes de sites de recherche secrets, cachés au fin fond des montagnes.

Mais l'album que j'ai lu avec le plus d'intérêt, c'était « le Mystère de la Grande Pyramide », qui nous apprend presque tout sur l'Égypte ancienne et le culte d'Akhenaton. Le héros, Mortimer, est un savant avec tous les signes extérieurs du savant de l'époque, la barbe, la pipe, la blouse, etc. Il a ce côté touche-à-tout des savants qui m’a tJacobs-Edgar-P-Blake-Et-Mortimer-T-4-Le-Mystere-De-La-Grande-Pyramide-T-1-Livre-424565830_MLoujours fasciné. Même si dans cet ouvrage il est plutôt archéologue, au départ c'est un savant atomiste, sachant que la grande pyramide a toujours fasciné les savants : perfection de la forme, alignement avec les objets célestes… Mais il y a aussi la figure du « savant fou », avec le professeur Septimus dans la « Marque Jaune », le professeur Miloch dans le «Piège diabolique » qui exploite les voyages dans le temps ou  « SOS météores » qui traite du dérèglement météorologique.

Ces ouvrages sont extraordinaires de précision, ce qui permettait de recréer des ambiances par la qualité du trait, du scénario et de la documentation, ce qui fait qu'il y a une grande exactitude scientifique. On n'y retrouve aussi des aspects prémonitoires de « Star Wars » dans « l'Atlantide », par exemple, du même Jacobs. Je me rappelle cette image d’un cratère des Açores qui s'ouvre à la fin de l'album : on se croirait déjà dans « la Guerre des Etoiles ». L'idée, c'était de donner le goût des sciences avec ces publications pour la jeunesse. Il y avait Couv_158922également, dans le même esprit, « les histoires de l'oncle Paul » dans le journal de Spirou, qui m'ont tout appris. Ça aurait presque pu remplacer l'école…

Ce qui me passionnait à l'époque, c'était l'astronomie bien sur, mais aussi tout ce qui était exploration. Au final, j'ai pu satisfaire ce désir diffus grâce à des projets spatiaux comme Sigma :  dans l'astronomie gamma, tout était à découvrir. Quand on a  vu les premières images, on a vu des sources qu'on ne connaissait pas. J'imagine que les explorateurs qui découvraient quelque chose d'inconnu devaient avoir des émotions de ce genre. C'est ce que j'aimais, c’est l'exploration et la science-fiction, que j'ai trouvé aussi dans les livres de Jules Verne. Un savant, c'était pour moi quelqu'un qui devait faire des découvertes, par ce que ce qui est passionnant c'est d'explorer : retrouver les sources du Nil, effacer les zones blanches, découvrir des terres inconnues… Sur la Terre aujourd'hui, c'est un peu terminé.

Tout ça, c'est d'abord une passion égoïste. Christophe Colomb a certainement utilisé la soif de l'or pour motiver ses commanditaires, comme les chercheurs aujourd'hui vont raconter des histoires à leurs organismes financiers pour les convaincre de financer leurs projets ! Lui, ce n'était pas la soif de l'or qui le poussait. Il était dans un plaisir totalement égoïste, comme l’est  et le reste avant tout la recherche scientifique…

A lire sans restriction :

Les Aventures de Blake et Mortimer par E.P. Jacobs:
- Le Secret de l’Espadon
- Le Mystère de la Grande Pyramide
- Le Piège Diabolique
- L’énigme de l’Atlantide

Les Aventures de Tintin par Hergé :
- Objectif Lune
- On marché sur la Lune

Amateurs, à vos BD !

16/02/2014 | 

FIGHTING SPIRIT

En plein Tournoi des Six Nations, il était tentant d'avoir le témoignage d'un physicien venu des îles britanniques, chercheur à APC, à lumière de son intérêt pour le ballon ovale, bien sûr. Ed Porter, est un irlandais fier de ses origines et il a deux passions : l'équipe nationale de rugby et la physique. Théoricien des ondes gravitationnelles, il travaille sur le projet spatial LISA. Si vous lui demandez ce qui est le plus important pour lui de la physique ou du ballon ovale, ce natif de Cork, dans la province Irish3du Munster, vous répondra que le rugby est au moins aussi important que la science ! Pour lui, les deux domaines ont un certain nombre de points communs, comme l'exigence de discipline ou du travail en équipe. Il pointe également une analogie au niveau national entre les clubs ou les laboratoire, ou celle au niveau international entre les équipes de chaque pays en rugby et les collaborations sur de grands projets dans la recherche. Il insiste par contre sur une différence notable : les physiciens ne peuvent pas régler leurs comptes sur le « terrain » comme cela peut se faire en sport…

Pour lui, il y a aussi une similitude quant à l'esprit qui préside à la pratique des deux disciplines, à savoir une volonté permanente de jouer "à la limite", autrement dit de jouer avec les règles : c'est ainsi que se construisent les grandes victoires ou les grandes découvertes. Dans les deux domaines on rencontre également des personnalités qui DChooz-0511recadrressortent du lot, des leaders, des meneurs, des gens dotés d'un certain charisme et qui peuvent tirer leurs équipes vers haut... ou qui auront plus de facilité pour aller chercher des financements de projets. Ed fait encore un parallèle entre les éléments du jeu et ceux de la recherche. Il compare ainsi un essai en rugby à une publication scientifique, une pénalité à un article dans des proceedings, ou un drop à une présentation dans un colloque ou un séminaire. Il pointe les similitudes fortes qu'on retrouve dans chaque domaine quant aux caractères propres à chaque culture : si Anglo-Saxons et Européens du Continent savent prendre des décisions rapides, les insulaires sauront enchainer avec une mise en œuvre dans les meilleurs délais, tandis que les Continentaux ne sauront pas toujours procéder à un début d'exécution avant plusieurs années… Le temps qu'ils arrivent à se mettre d'accord. Chez les Français on rencontre aussi fréquemment un souci du spectaculaire, du "coup", trait qu'on retrouve dans le fameux « French flair » en rugby. Ce n'est par ailleurs un secret pour personne que le tempérament « chaud » des pays latins, France ou Italie par exemple, les incline à des comportements souvent brillants mais plutôt désorganisés, ce qui n’est pas le cas chez les scientifiques, plus disciplinés, qui viennent d'autres horizons.

IrlandeMais en définitive, ce qui rassemble les adeptes du ballon ovale et les chercheurs de l'infiniment grand ou de l'infiniment petit, c'est un même sentiment de passion pour leur pratique quotidienne, qu'elle soit sportive ou scientifique.

Ajoutons pour faire bonne mesure, qu’un grand labo d’astrophysique français a les mêmes initiales que la fédération irlandaise de rugby, l’IRFU… Alors, coïncidence ou reconnaissance ?

 

04/02/2014 | 

UNE ONDE "DE CHOC" !

Matteo Barsuglia, chercheur à APC, travaille sur l’observatoire franco-italien Virgo, près de Pise. Il fait partie de ces astrophysiciens qui tentent d’observer les ondes gravitationnelles, l’un des Graal de la physique actuelle. Alors c’est quoi ces ondes gravitationnelles ?

Pour comprendre, nous dit Matteo, il faut remonter un peu en arrière : depuis la découverte des lunes de Jupiter avec la lunette de Galilée, l'astronomie a surtout utilisé la lumière: la lumière visible d'abord, puis la lumière infrarouge, les UV, les rayons X, les ondes radio et les rayons gamma. Grâce à cette astronomie électromagnétique, de plus en plus perfectionnée et couvrant tVirgo1outes les fréquences accessibles, l'Univers s'est peuplé, s'est élargi et a été mieux compris : planètes, étoiles, galaxies, quasars, supernovae, planètes extrasolaires, mais aussi le fond cosmologique primordial, souvenir du big-bang.

Malgré ces cinq siècles de découvertes, cette astronomie a d’abord ouvert des questions fondamentales : on sait aujourd’hui que 5% seulement du contenu de l'Univers est fait de la même matière que celle qui constitue les êtres humains et les étoiles, les 95% restant étant associés aux mystérieuses matière noire et énergie sombre. Par ailleurs, plusieurs phénomènes astrophysiques ne sont pas encore bien compris, comme la source des sursauts gamma et d'autres objets n’ont été observés que de façon indirecte, à l’instar des trous noirs par exemple.

Il semble pourtant qu’il puisse y avoir des possibilités d’observer l’Univers par d’autres moyens que le spectre électromagnétique : rayonnement cosmiques, neutrinos ou ondes gravitationnelles. Ces dernières, en particulier, sont susceptibles de contribuer à la solution de certaines énigmes de l’astrophysique et de la cosmologie. Dans quelques années, on peut espérer que les détecteurs d'ondes gravitationnelles Virgo et LIGO puissent devenir de nouveaux yeux pour regarder l'Univers, sans parler des projets de détection des ondes gravitationnelles dans l'espace, grâce au futur satellite LISA, un projet pour 2030, il est vrai…


OndesG2Mais que sont au juste ces ondes gravitationnelles ? Prédites par Einstein en 1916 dans le cadre de sa théorie de la Relativité Générale, ce sont des vibrations de l'espace-temps.  En présence d'un phénomène cosmique violent, comme la fusion de deux étoiles, la gravité change soudainement et une impulsion d'ondes est émise. L'espace-temps, cet objet déformable qui est au cœur de la relativité d’ Einstein, se met à vibrer comme l'eau à la surface d'un étang et la vibration se propage dans l'espace. Au cours de leur voyage de plusieurs milliers d'années lumière, l'amplitude des ondes gravitationnelles diminue. Une fois arrivée sur terre, elles déforment les distances seulement d'un millième de milliardième de milliardième de mètre. Quantité infime, certes,  mais néanmoins mesurable grâce à l’interférométrie.

Alors que la lumière transporte la force électromagnétique, les ondes gravitationnelles transportent la force de gravité. Regarder l'Univers « à travers » les ondes gravitationnelles donnerait accès à des informations très différentes et complémentaires. Ce serait comme regarder un film en noir et blanc et soudainement voir apparaitre les couleurs ou comme regarder un film muet et tout à coup entendre un dialogue entre deux personnages…

Tout ça nécessite des interféromètres dont les bras se mesurent en km pour les détecteurs au sol comme Virgo ou en million de km pour les détecteurs spatiaux comme LISA. Alors, amateurs d’ondes gravitationnelles, à vos interféromètres…

En savoir plus ur Virgo :
http://www.apc.univ-paris7.fr/APC_CS/experiences/virgo
https://wwwcascina.virgo.infn.it/

 

16/01/2014 | 

UNE DISPARITION QUANTIQUE ?

Connaissez-vous Ettore MAJORANA ? La vie de ce physicien, qui a disparu à l’âge de 32 ans sans laisser la moindre trace est tout simplement improbable… Sa vie, et plus encore sa disparition sont un vrai roman. Certains prétendent même qu’il aurait mis en scène sa disparition comme une sorte de suicide quantique !

La vie d’Ettore Majorana c’est l’histoire d’un homme d’exception et d’un scientifique hors du communEttore_Majorana ce que son compatriote, le prix Nobel Enrico Fermi exprimait ainsi : « Il y a de nombreuse catégories de scientifiques, des gens de deuxième ou de troisième ordre qui font de leur mieux mais sans pouvoir aller très loin. Il y a aussi des personnalités de premier plan, qui font de grandes découvertes, essentielles pour les progrès de la science. Enfin, il y a les véritables génies, comme Galilée ou Newton. Majorana était l’un d’eux… ».

Ettore Majorana est d’abord passé à la postérité pour son génie visionnaire en matière (sic) de physique, au point qu’on appelle aussi le neutrino « la particule de Majorana », au point que 75 ans après sa disparition, certaines de ses prédictions théoriques restent encore invérifiées, ou qu’on a pu le considérer comme le Mozart de la physique !

Mais le mystère qui a entouré sa fin n’a pas peu fait pour construire un véritable mythe autour de lui. Le 27 mars 1938, il disparaissait sans laisser la moindre trace lors d’une traversée entre Palerme et Naples. Au cours des années, les hypothèses allaient faire florès : suicide d’un homme que son génie avait coupé du monde, suicide « scientifique » par refus de contribuer à l’apocalypse (nucléaire) à venir, réclusion dans un monastère, élimination ou enlèvement par des services secrets, émigration en Argentine ? L’hypothèse du suicide quantique est la plus romanesque, à défaut d’être la plus vraisemblable : E.M. aurait lui-même organisé sa disparition, de façon à devenir sa propre antiparticule ! Il n’en reste pas moins que le mystère reste complet sur sa dernière traversée de Palerme à Naples, au cours de laquelle il disparut…

Ecrire, c’est marquer son territoire. Ce peut-être aussi vrai en musique ou en peinture que dans les sciences, et ce territoire, c’est la vie elle-même. Graphomanie et cryptographie appartiennent à l'enfance et à l’adolescence : découverte de l'écriture, intériorisation et invention : un enfant écrit partout et un adolescent invente des écritures secrètes.  Nous avons, en tout cas certains d'entre nous, une œuvre qui nous est assignée, une œuvre qui ne fait qu'un avec la vie. Les exemples sont dans l’histoire : Mozart, Pascal, Rimbaud, Stendhal, Évariste Galois… et Majorana !

Pour en savoir plus, deux fictions sur le sujet :
- La disparition de Majorana, de Leonardo SCISCIA. Ed. Alia
- La deuxième disparition de Majorana, de Jordi BONELLS. Ed. Liana Levi

 

30/12/2013 | 

URGENCE PARADOXALE

Tout récemment, l'Agence Spatiale Européenne a sélectionné les deux thèmes de son programme Cosmic Vision pour les missions de type « Large Mission » : « Univers chaud » avec la mission ATHENA+ prévue pour un lancement en 2028 et « Univers Gravitationnel » avec la mission eLISA, prévue pour 2034, sont les deux thèmes qui ont été retenus.
Pierre Binétruy est Physicien, Professeur à l’Université Paris Diderot et Coordinateur de LISA France, il nous en a dit un peu plus sur le projet eLISA, seul concept réaliste pour la recherche des ondes gravitationnelles dans l’espace, qui sera testé dès 2015 grâce à la mission spatiale technologique LISA Pathfinder.

- Quel est l’objectif de LISA ?

- Mesurer les variations de distance  entre deux satellites provoquées par le passage  d’ondes gravitationnelles. Ces ondes sont des déformations de l’espace-temps produites par les mouvements violents de masses, comme lors d’une explosionELISAM d’une étoile en fin de vie, ou la fusion de deux trous noirs en un seul. C’est une prédiction d’Einstein dans le cadre de la théorie de la relativité générale, mais on ne dispose à ce jour que d'une preuve observationnelle indirecte de leur existence, preuve apportée par Hulse et Taylor, ce qui leur a valu de recevoir le prix Nobel en 1993. Ces variations de distance sont ultrafaibles, de l’ordre de 10-12 mètres pour un million de km, et nécessitent le recours aux techniques de l’interférométrie. La difficulté n’est pas tant dans la dimension infinitésimale de ces variations que dans le fait de s’assurer que les masses observées ne sont soumises qu’aux seules influences gravitationnelles… d’où la nécessité de la mission Pathfinder pour tester le principe de détection.

- eLISA, c’est pas pour demain ! 2034, c’est loin, non ?

- La mission LISA Pathfinder doit être lancée en 2015. C’est elle qui fixera le vrai calendrier en fonction de ses résultats.

- Dans le cas d’un perspective à aussi long terme, que ressent-on ?

- Paradoxalement, l’urgence ! Le travail dans les laboratoires se fait très à l’avance. Les dernières années sont complètement industrielles, les choix scientifiques et techniques se faisant très Coal TNen amont, dix ans, voire plus, avant la mission. C’est encore plus vrai pour une mission nouvelle, qui ouvre sur un domaine inexploré. L’analyse des données, par exemple, nécessite de rassembler toute une communauté qui va se pencher sur un domaine nouveau, une nouvelle fenêtre ouverte sur l’Univers, qui va entrainer de formuler de nouvelles questions, et de forger des outils communs à tous. Mille deux cents scientifiques ont ainsi soutenu la proposition LISA et c’est une richesse qu’il faut utiliser pour explorer ce nouveau domaine.

- Quels résultats peut-on obtenir grâce à LISA ?

- Tracer l’histoire des trous noirs super massifs au centre des galaxies et mieux les comprendre, tester la relativité d’Einstein très près des trous noirs, ou encore détecter éventuellement les ondes gravitationnelles primordiales émises juste après le big bang. La mission GAIA, qui vient d’être lancée, pourrait par ailleurs être d’une aide précieuse en identifiant beaucoup de sources d’ondes gravitationnelles garanties dans la fenêtre d’observation d’eLISA.

Les ondes gravitationnelles transportent avec elles des informations sur leur origine, qu’aucun autre outil astronomique ne peut fournir.

Pour en savoir plus :

http://www.apc.univ-paris7.fr/LISA-France/Accueil.html

https://www.elisascience.org/

 

16/12/2013 | 

TARANIS, OH SHOCKING !

Taranis est une mission spatiale qui sera lancée dans moins de deux ans. APC a la charge de réaliser l’un Taranis des instruments, qui répond au nom poétique de XGRE. Cette petite merveille de technologie aura pour tâche de détecter les rayonnements gamma émis au dessus des orages, leur face cachée en quelques sorte !

Récemment, nous étions à Toulouse, chez une filiale d’EADS, pour effectuer ce qu’on appelle communément les tests de résistance aux chocs. Il faut savoir que lors d’un vol spatial les satellites embarqués vont être soumis à des vibrations et des chocs impressionnants et qu’il est préférable de tester avant le lancement la robustesse et le bon fonctionnement des instruments, les collages, les joints etc. On fait donc subir à tout ce petit monde une batterie de tests qui décidera si oui ou non on accorde l’autorisation de décollage… Tout le monde est un peu tendu. XGRE utilise une nouvelle technologie de détection, avec le LaBR3, un cristal en bromure de lanthame qui n’a encore jamais été testé dans l’espace. Taranis ChocTiendra-t-il le choc ?
Donc, cette semaine, les tests de résistance aux chocs de l’instrument XGRE. Imaginez un bélier de 12,5 kg qui vient percuter la platine sur laquelle l’instrument a été fixé… et qui doit supporter 500 G pour être apte à voler ! Enlevons tout suspense à l’affaire, XGRE a passé avec succès cette étape, en attendant la suite avec, les tests en vibration.

Les tests en vibration, c’est soumettre l’instrument à l’intensité des vibrations qu’il subira lors des 2 premières minutes de vol, pendant et après le décollage, principalement à cause des moteurs du lanceur… Je peux déjà vous dire que je n’aimerais pas être à la place de XGRE !

Je vous tiens au courant. A bientôt et bonnes fêtes !

http://www.apc.univ-paris7.fr/APC_CS/experiences/taranis

http://smsc.cnes.fr/TARANIS/Fr/