J'ai évoqué précédemment les principales fonctions de l'IMU. Pour moi elles sont toutes essentielles donc j'espère vraiment me rendre utile sur tous ces points. J'espère aussi améliorer la visibilité de l'IMU afin qu'elle puisse accomplir ses missions de manière plus efficace. Enfin, l'IMU doit contribuer à donner une vue d'ensemble des actions menées dans le monde en faveur des mathématiques, afin qu'une expérience ayant fonctionné dans un pays soit également profitable à d'autres et que chaque initiative ait finalement plus d'impact.
On sent que Claire Voisin essaye de commencer doucement, en définissant les variétés complexes. Il n'empêche que, très vite, je trouve l'exposé ardu, ne serait-ce qu'à cause du vocabulaire spécifique (structure de Hodge, classe de cohomologie, variété khälerienne, nombres de Betti, classes de Chern...) que je ne maîtrise pas ou n'intègre pas assez vite malgré les rappels de définitions. Je pourrais conclure en disant que décidément, on peut toujours parler de géométrie algébrique, mais pas avec n'importe qui. Pourtant, même à mon (très faible) niveau, cet exposé parle de quelque chose et comporte un aspect foncièrement fascinant.
Claire Voisin semble assez nerveuse, pas vraiment à l'aise. Plus exactement : pas contente d'elle-même. Pas même lorsqu'elle évoque des théorèmes importants qu'elle a démontrés. C'est loin d'être le cas de tous les mathématiciens qui défilent à l'ICM (et après tout, on peut bien avoir le sourire aux lèvres quand on évoque un résultat, une théorie, un objet mathématique qui porte son propre nom). Paradoxalement, quelque chose de très fort se dégage de la conférencière et donne envie de la suivre, face au vent, jusqu'au bout de l'exposé. C'est de l'ordre de la lutte âpre, de l'escalade d'une montagne imposante par la face Nord, mais (comme pour l'alpinisme extrême, j'imagine) c'est justement parce que c'est âpre que c'est intéressant.Je me rappelle la réponse de Claire Voisin à une question banale que je lui avais posée en interview, à savoir "quelle qualité est indispensable pour faire des mathématiques ?". Au lieu des habituelles "créativité", "rigueur" ou "persévérance", elle avait prononcé le mot "insatisfaction". C'est peut-être de cela qu'il est question ici, au delà de la théorie de Hodge : la force de l'insatisfaction, son rôle moteur dans la recherche, sa puissance de fascination.
Pour en revenir à la question de populariser les mathématiques, je me demande quand même si l'insatisfaction est un bon argument de vente. Peut-être pour les amateurs de sports extrêmes...Introduit par son président de séance Hillel Furstenberg, le lauréat a présenté ses travaux, qui établissent des liens entre la théorie ergodique (qui étudie les transformations préservant la mesure) et la théorie des nombres (on retrouve une fois de plus cette qualité de bâtisseur de ponts entre théories mathématiques). C'était l'occasion de découvrir la conjecture de Furstenberg-Margulis (qui s'intéresse à l'action du sous-groupe des matrices diagonales positives sur l'espace des réseaux unimodulaires, et qui dit que les seules mesures préservées par cette transformation sont les cas triviaux) et ses applications à la conjecture de Littlewood, un problème ouvert qui s'intéresse à l'approximation diophantienne (c'est à dire l'approximation des nombres réels par des rationnels).
Malgré les qualités d'orateur d'Elon Lindenstrauss, l'exposé devenait vite difficile pour qui ne maîtrise pas le vocabulaire propre à ces théories.
Après cette table ronde, il était naturel d'enchaîner sur la conférence de Simon Singh, un des rois de la vulgarisation mathématique. Egal à lui-même, Singh livre une prestation pleine d'humour et d'énergie, montrant des extraits de son film sur Andrew Wiles (on revoit cette séquence exceptionnelle des larmes de Wiles alors qu'il se remémore le moment où il pense avoir trouvé LA démonstration du grand théorème de Fermat), expliquant comment et pourquoi il a truqué une interview de Conway, racontant comment il a convaincu Katie Melua, une chanteuse pop à succès de modifier les paroles scientifiquement ineptes d'un de ses tubes... Frais et enthousiasmant !
Stanislav Smirnov (Université de Genève, Suisse) était le premier Médaillé Fields à donner sa conférence à l'ICM 2010, le vendredi 21 août. Clair, dynamique, illustré, son exposé est l'occasion de découvrir les fonctions préholomorphes, qui sont des fonctions harmoniques holomorphes définies sur des sous domaines du plan complexe et des surfaces de Riemann.
L'approche suivie par Smirnov est historique et recense les apparitions de ces fonctions. Ainsi, on les retrouve aussi bien dans les travaux du physicien Kirchhoff à la fin du XIXe siècle, que dans des questions de pavages de rectangles par des carrées dans les années 1940. Aujourd'hui, ces fonctions jouent en particulier un rôle important dans la physique statistique.