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06/09/2010 |

La guerre de la breloque et du scalpel

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Entre Kiki, dessinatrice haut de gamme, qui « crobarde » et dessine plus vite que son ombre, mes collègues archéologues et moi, les discussions sont parfois houleuses mais toujours empruntes de respect. Les nœuds m’intéressent lorsqu’il s’agit de liens de strangulation, de pendaison, de ligotages, mais les nœuds dit de couturière beaucoup moins et y donner un grand coup de scalpel pour accéder plus rapidement au cadavre ne m’aurait pas fait battre un cil. Mais il a fallu composer. Les tissus, les coupes de vêtements, le type de boutonnage, la succession des couches, etc., revêtent pour mes collègues une importance tout aussi grande que pour moi les traces de poudre péri-orificielles ou un vêtement perforé, déchiré, voire remis à l’envers. Et voici que l’évolution du natasnik (slip) du 17e au 18e siècle en Sibérie, sous les explications pointues de Kiki et corrélées à quelques examens gynécologiques (si, si je vous assure, certains hymen momifiés ont encore parfois quelque chose à raconter), le natasnik donc s’en vient titiller ma curiosité. Alors, je rentre en formation continue sur les nogovitse (jambières), les accroches en breloque façon porte-jarretelle, les pièces montées de manteaux en fourrure, les fermetures de ceux-ci à droite, à gauche, au milieu, les chapkas (bref, la liste est longue, très très longue !). Et vint Le grand moment pour moi, une découverte : la perle avec un grand P ou les perles avec un grand L, des bleues, des noires, des blanches, des petites, des rondes, de allongées, des en métal qui ornent les vêtements sibériens avec un seul mot d’ordre : jamais seules mais toujours groupées, et quand je dits groupées c’est non pas par dizaines mais bien par milliers, bref à en cauchemarder la nuit ! Et j’ai appliqué à la « perlouse » les rudiments de la médecine légale : la bonne vieille dissection plan par plan. Et ma côte a considérablement remonté dans l’appréciation de mes collègues qui au départ, redoutaient souvent, pour ne pas dire toujours, de me voir approcher avec mes scalpels et mon couteau. La guerre de la breloque et du scalpel n’aura pas lieu.

 

 

A. G.

Chroniques de Targana


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A notre arrivée à Targana, le campement comptait 23 âmes, certains vivant ici çà demeure, d’autre pour les vacances d’été ou selon Iena (récemment veuve) ce séjour permet de décompresser. Ce terme me parait difficile à cautionner, tant l’organisation du quotidien me semble compliquée. Le robinet d’eau claire c’est transformé ici en rivière en contrebas, l’approvisionnement étant effectué par un gros bidon monté sur roulettes qui nécessite une certaine énergie pour arriver jusqu’à la cuisine. L’eau qui après de gros bouillons nous parvient plus ou moins claire suivant les jours à un goût qui nous a conduit de plus en plus à apprécier la bière. Une après midi passée en compagnie des femmes, quelques mots d’anglais, un cahier et un crayon m’ont fait comprendre, que la vie ici bien qu’elle soit rude semble source d’un certain épanouissement dans la mesure où partage et entraide sont à leur organisation sociale ce qu’individualisme et méfiance sont à la notre. Je n’irai pas jusqu’à parler d’un petit paradis sur terre mais les enfants semblent heureux de patauger dans la gadoue, gambadent, crient, jouent. Les maisons du hameau sont constituées de cubes en vois (20 mètres carrés) totalement calfeutrés, les portes recouvertes de peaux de bêtes pour affronter l’hiver (moins 60°C parfois) et présentent une organisation interne rigoureuse car elles accueillent des familles complètes (parents-enfants) parfois élargies aux tantes, belles-sœurs, etc. Les lits se succèdent contre les parois avec au dessus un clou permettant de suspendre les petites affaires de chaque dormeur. Le coin cuisine comporte une batterie hétéroclite de tasses en fer, aux dessins allant des scènes galantes du 18e français à Mickey Mouse, des assiettes aluminium qui vous brulent les doigts lorsque la soupe est trop chaude, des pots (des grands, des petits), soigneusement rangés sur des planches en bois. Le four, élément essentiel pour toute bonne cuisinière n’est que très vaguement apparent à Electrolux. Il s’alimente au bon vieux bois (manuellement bien sûr), présent un design très épuré : rectangle posé sur pattes avec une tuyauterie très élancée jusqu’au plafond pour évacuer les fumées (efficacité garantie) et est constitué d’un matériau à faire pâlir d’envie César ou Gustave : du fer bien mieux que forgé, totalement rouillé. Quoi qu’il en soit, ce four réchauffe efficacement la maison mois moins efficacement votre pitance, du moins il prend son temps. Le micro village vit quasiment en autarcie, de peu d’ailleurs, avec quelques échanges avec le village voisin et le ravitaillement hebdomadaire à 2H 30 de matorka (une petite barque qui bon an mal an ne coule pas). Les 23 habitants dont 9 enfants se répartissent en 6 maisons, allant de Pronia le plus âgé, ancien pittoresque qui le premier jour s’est présent avec des lunettes, comment dire, conceptuelles, d’un rouge vif (qui n’aurait pas déplu à Lénine) au petit dernier Affonia, vingt mois, tout rond, bien campé sur ses deus jambes en mini short et torse nu qui se promène le sourire aux lèvres en suçotant des cailloux plein de terre et qui récure joyeusement le sol terreux de ses petits doigts. Et n’oublions pas les sousliks (écureuils de prairie) à l’œil vif et aux réflexes rapides qui se faufilent par les trous de la cuisine pour venir quémander du pain saisit délicatement entre vos doigts. On aurait bien envie de s’en ramener un chez soi, un p’tit souslik.

 

A.G.

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Commentaires

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Merci pour les petits clins d'oeil sur votre quotidien qui, visiblement est "un tantinet" rude! Bon courage pour la fin.

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