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26/08/2010 |

Le point de vue féminin

Les petits à côté

 

Auteur2-Annie  Lorsqu’Eric, notre bienaimé chef de mission, m’ordonna cette chronique, je restais quelque peu perplexe. Non pas que le féminin me soit étranger, bien au contraire, mais il me semble que dans ces contrées sauvages où se situe notre campement (au sein d’un microvillage d’été Iakoute), le concept de féminité soit quelque peu ébranlé pour ne pas dire cisaillé. Je manie la lingette avec une ardeur certaine, renouvelée consciencieusement chaque matin avec une connaissance en constant progrès. Un petit conseil pour celles qui auraient l’immense bonheur de quelques vacances ou expéditions haut de gamme en camping grand luxe nouvelle tendance (vous savez sans eau ni électricité) au fin fond de la Iakoutie à 50 km au Nord du Cercle Polaire, un petit conseil pratique disais-je : ne surtout pas utiliser les lingettes « au lait » qui au fil des jours vous laissent une espèce de 2e couche type enduit qui colle à la peau, mais préférer les lingettes «à l’eau nettoyante » à compléter par un indispensable brumisateur d’eau pour la fraîcheur.

L’opération lingette n’a eu cependant qu’un succès mitigé et elle a donc été associée à l’opération Bagna. La remise en état du Bagna a d’ailleurs généré une certaine effervescence au sein du micro-village, les femmes me regardant manier le balai et la pelle avec une certaine hilarité,  non dénuée me semble-t-il d’une certaine compassion et faisant preuve d’une réelle efficacité en mobilisant les quelques hommes présents pour replanter le tuyau d’évacuation des fumées du fourneau (d’une étanchéité plus que relative), en nous fournissant 2 baquets (un pour l’eau chaude, un pour l’eau froide) ainsi qu’un mitigeur d’eau –marque iakoute déposée- constitué d’un seau et d’une écuelle. Le sol en bois « échardé » fût élégamment habillé d’un tapis de bain composé d’une couverture de survie pliée.

C’est donc avec un immense plaisir que je me dirigeais vers ce Bagna qui me faisait rêver (allez savoir pourquoi) à une bonne veille thalasso avec des boues odorantes aux effluves d’essences essentielles bien différentes de la boue du fond des tombes qui colle et alourdit les godasses. C’est donc avec un immense plaisir, disais-je, que je me dirigeais vers ce Bagna, lieu supposé de détente et de barbotage. Quand soudain, à l’ouverture de la porte, me voici plongée dans le « fournil de Patrick », avec une chaleur incandescente, mes petits pots de crème (un pour le corps, un pour le visage, un parfumé, un pour le soleil etc… qui alourdissent inconsidérément mon excédent bagage) fondant comme neige au soleil et moi me transformant en quelques secondes en un homar bien cuit. Je fis donc, en cet instant, l’acquisition d’un nouveau protocole intégrant en quasiment une seule étape le déshabillage, savonnage, rinçage, séchage et rhabillage : 4 minutes chrono. L’air vivifiant à la sortie du Bagna ramenant ma température corporelle à un niveau acceptable.

C’est d’ailleurs une constante ici, l’alternance chaud-froid et cela passe du très très chaud l’après-midi au bord des tombes (qui bien évidemment se situent toujours à distance de l’ombre bienfaitrice des arbres alentours) au très très froid qui transforme en statues de glace (très artistiques au demeurant) vos vêtements lavés et minutieusement étendus la veille.

Ce qui m’amène toujours à la question du choix cornélien du petit matin « Mais que vais-je mettre aujourd’hui ?, pour finalement m’emmitoufler et affronter le froid matinal tout en emportant une petite tenue d’été pour l’après-midi.

Et c’est avec une certaine allégresse que je suis le groupe pour une petite ballade en forêt, pour les trajets plus longs, notre chef bien aime Eric a prévu pour nous la gent féminine, des mini-croisières en barque (pour nous certes, mais également plus prosaïquement pour le groupe électrogène : 30 kg au bas mot qui, par ailleurs, a obstinément refusé de démarrer !). Et cette petite ballade dans les bois me fait prendre conscience de mon état de citadine peu entraînée aux conditions environnementales du Nord Sibérien.

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Et notre féminité apprécie grandement les marques d’élégance de nos collègues masculins y compris les Iakoutes (qui, sous des airs un peu rudes, font preuve d’une réelle délicatesse), ces collègues masculins donc qui ne nous laissent jamais porter un sac trop lourd, nous tendent une main secourable lorsque nous sommes en déséquilibre entre deux bulles de permafrost, nous aident à monter nos tentes etc., etc. .

Et nous voici arrivés sur la 1ère tombe et la terre pelletée par nos efficaces collègues masculins se transforme partiellement mais abondamment en poussière qui se mêle à votre fond de teint artistement appliqué le matin même pour donner une couleur , non pas « Terre de Sienne » des autres Chanel, Guerlain et consort mais une couleur improbable, comment dire, « Terre de Sibérie » que je me propose, en excellente ou médiocre (à vous de voir) femme d’affaire, de labelliser.

Ainsi donc, notre chef bien aimé (toujours le même Eric) n’avait pas si tort, le féminin même s’il est fragmenté dans ses contrées hostiles reste toujours bien accroché.

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AG


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Commentaires

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bien mon bonjour à tous !
J'ai lu avec un gd intéret tout votre blog et j'ai ressenti un goût cuisant de "déja vu", comme si j'avais été parmi vous cette année; mis à part sans doute l'aspect plus frisquet. Je vois que l'humour est tjrs de mise et c'est tant mieux. Mais au fait quand bossez vous réellement sur le terrain et non sur l'ordinateur non d'une pipe !!!...???
Bon, on verra ça au retour. En ce jr je vous envoie quelques chaleurs puisque Tlse a enregistré hier qq 38 degrés à l'ombre bien sûr !
Toutes mes amitiés. je pense bien à vous.
Gilles

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