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27/08/2010 |

Enregistreurs déchainés

Au cours de mon histoire d’amour avec la Iakoutie et ses tombes gelées, avec une nette prédilection pour celles de la période médiévale, j’ai tout naturellement appris deux ou trois choses sur la façon de mener un terrain dans ces milieux particuliers pour  les archéologues des pays tempérés. Si pour la découverte de ces tombes et leur dégagement lorsqu’elles sont gelées mes collègues iakoutes sont toujours pour moi une source de connaissances quotidienne ; pour les corps gelés ou dégelés nous avons mis au point, au cours de ces années franco-russes passées au coude à coude, de nouvelles techniques. J’ai découvert dernièrement que Nossov, archéologue iakoute du Musée national Yaroslavsky, nous avait précédé intellectuellement il y a déjà plus de soixante-dix ans, sur le terrain de la Iakoutie centrale qu’il parcourut à cheval à la tête d’une expédition pluridisciplinaire durant les étés 1935 et 1937. Les années de folies et de désespoir qui suivirent (la plupart des hommes en âge de porter les armes étant décédés sur le front à Stalingrad) semblent avoir mis un terme à cette école de fouille naissante. Elle fut remplacée par une secte issue de l’étranger qui devint vite, grâce à différents foyers de propagation, une religion internationale : celle des enregistreurs déchainés. Si je respecte cette religion elle connut malheureusement des fondamentalistes pour qui l’archéologie se résumait à l’enregistrement, assimilé à de la compréhension. Il fallait lutter contre l’amateurisme et les interprétations farfelues basées sur une interprétation directe – y compris immatérielle- des vestiges mis au jour. Les « chers collègues » voulaient s’assurer que sur le terrain leur confrère enregistrait bien les éléments qu’ils dégageaient. Pour y arriver une contrainte fut instituée. Suivant les pays elle prit la forme de règlements drastiques ou de commissions exigeantes. Ils firent parfois oublier aux fondamentalistes le but ultime : restituer les vestiges mis au jour dans leur contexte d’origine. Si en plus cette restitution peut s’accompagner d’une reconstitution dynamique (comment une maison a été bâtie, dans quel ordre les objets et le corps ont été déposés dans une tombe) et de la prise judicieuse d’échantillons pour d’autres études, alors le but fixé à l’archéologie sur le terrain est atteint.

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EC

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