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12/09/2010 | 

Des femmes et des hommes

Nous sommes désormais rentrés dans nos laboratoires et la partie « analyses » va pouvoir commencer. Un autre voyage, une autre aventure…

Vous avez compris que si nous avons réussi à atteindre Verkhoïansk et à y mener notre travail à bien, c’est parce que nous avons bénéficié d’une longue chaine d’entraides et de soutiens dont nous vous avons entretenu, à Toulouse, Strasbourg, Moscou, Iakoutsk, et Verkhoïansk. En dehors de ces soutiens, si nous avons pu développer ces programmes, c’est parce que des femmes et des hommes ont cru en nos projets mais aussi en nous. Aussi il nous est agréable de remercier :

Au Ministère des Affaires Étrangères, Monsieur Jean-François Jarrige Président de la Commission consultative des Recherches archéologiques à l'étranger, Messieurs Pierre Lanapats, conseiller des Affaires Étrangères, Jean-Michel Kasbarian, responsable du pôle archéologie ainsi que Madame Catherine Delobel.

A l’Institut Polaire Français Paul Emile Victor, le directeur, Monsieur Frenot ; l’ancien directeur Monsieur Gérard Jugie qui initia avec le MAE cette mission dans l’Arctique et à qui nous devons beaucoup, Monsieur Dominique Fleury, responsable des opérations scientifiques  « arctiques » et ses collaborateurs et Monsieur Damien Lecoq du service de communication.

Au CNRS, Madame Françoise Gaill, directrice de l’Institut Écologie et Environnement et Monsieur Robert Chenorkian, directeur adjoint

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Toute l'équipe

09/09/2010 | 

Hergé et Verkhoïansk


Bien des « Hergéologues » vous le diront et bien des tintinophiles vous le préciseront, l’une des plus belles cartes qu’ait jamais dessiné Hergé fut celle de l’Asie pour le petit « Vingtième ». Cette carte annonçait les aventures de Tintin en Orient, aventures que nous connaissons sous les titres Les cigares du pharaon puis Le Lotus bleu.  Ne croyez pas que je sois un super tintinophile prêt à répondre sur ce blog à des questions telles que le nombre d’apparitions de Séraphin Lampion dans les albums de Tintin même si quelques questions ayant trait à l’archéologie m’ont toujours tenu à cœur et resteraient à explorer ( à ce propos je les tiens à la disposition de tous les éditeurs lisant ce blog !). Je regrette simplement que la maître n’ait guère envoyé, sauf chute d’aérolithe, son fameux reporter dans l’Arctique bien que, dit-on, il ait envisagé à un moment de lui faire parcourir l’Alaska. Si cette carte m’a interpellé, c’est qu’en dehors d’un intérêt graphique certain, elle est datée du premier décembre 1932 et qu’elle donne une vision du monde l’année de la naissance de mon père. En dehors de cette piété filiale,  la région de Verkhoïansk y est représentée et à son emplacement sont figurés (de mémoire) un igloo, un esquimau et un traineau à chiens. Si elle a été dessinée à une époque ou Hergé commençait sérieusement à se documenter sur les régions où il allait envoyer son encore jeune reporter accompagné de Milou, dans le cas de Verkhoïansk il s’était entremêlé les pinceaux. Les documents relatifs à cette région étaient rares en Occident à cette époque et dans ce cas, comme dans d’autres antérieurs –il faut que jeunesse se passe et elle le fut-, le maître ne faisait que reprendre les préjugés du moment. Cette représentation était tirée de l’inconscient populaire et si elle a été réalisée en 1932, elle ne semble guère avoir été modifiée par la suite, le pôle mondial du froid ne pouvant être habité que par des esquimaux…Pour vous lecteurs assidus ou occasionnels, la présence des Iakoutes éleveurs de vaches et de chevaux, est peut-être le message à retenir de ces moments passés ensemble. Elle démontre les formidables capacités d’adaptation humaine et les erreurs répétées au cours des temps des préjugés.

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EC

08/09/2010 | 

Fouiller

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Pour paraphraser un pêcheur à la truite fameux je dirai que je fouille parce que j’aime fouiller ; parce que j’aime ces moments de découverte et d’excitation intellectuelle intense même s’ils sont précédés de longues phases de préparation et parfois suivis inévitablement de moments de déception, vite oubliés car suivis de nouveaux espoirs. J’aime les lieux splendides où nous sommes passés et les personnages que nous y avons rencontré. J’aime suivre Vassili au soleil couchant lorsqu’il m’entraine vers l’une de ses nouvelles découvertes, une tombe, il en est certain, extraordinaire, à fouiller dès l’aube, dans quelques heures. J’aime arriver sur un plateau et y découvrir surplombant une rivière, un tombeau médiéval, une fosse, un lieu d’autrefois. La fouille est pour moi une inépuisable source de joies et de connaissances et à un moment ou tant d’entre nous perdent leur vie dans la mise au point de théories bâties sur du déjà connu ou sur des hypothèses guères étayées, la fouille renouvelle nos connaissances, notre vision du monde, du passé, de l’environnement mais aussi des autres. Si la Sibérie, terre exotique pour nombre d’entre nous, a été l’occasion de ce blog, la joie a toujours été la même, en Egypte avec Béatrix, en Mongolie avec Pierre-Henry, mais aussi près de Carcassonne quand Henri nous apprenait les bases de l’ostéologie et Jean Guilaine celles de l’archéologie, sur le Larzac avec Rémi et l’ami Jean lorsque nous fouillions une sépulture collective et trouvions des tumulus par dizaines, en milieu urbain, à Montpellier lorsqu’avec Jean-Claude Hélas nous nous lancions dans la fouille des cimetières médiévaux, à Toulouse lors de la fouille d’enfeus et dans la vallée du Rhône lorsqu’avec Alain Beeching m’initiait aux fouilles extensives lors de ce que l’on appelait encore « l’archéologie de sauvetage ». Chaque terrain apporte ses joies, ses découvertes, ses déceptions, ses à côtés qui constituent « le voyage ». Des histoires de chamans m’ont été racontées en tous lieux mais je ne les ai saisies qu’en Sibérie, à la tombée du jour lorsque celui qui les disait, sobre et sincère, commençait par « la nuit dernière, j’ai entendu les tambours… ». Quant à la bière, qui remplace si bien l’eau bouillie des petits lacs croupis, elle restera, jusqu’au bout du chemin, délicieuse servie dans un gobelet en fer émaillé à la lueur d’un feu de camps.

 

EC

07/09/2010 | 

Mort blanche

Le contact entre les premiers arrivants russes et les autochtones fut à l’origine de toute une série d’épidémies dont l’histoire a gardé peu de traces car les nouveaux arrivants ne rentraient pas dans les zones contaminées. Variole, peste et peut être grippe sont souvent citées, sur la base d’anciens témoignages interprétés de façon médicale par les ethnologues et les exilés politiques du 19e siècle. Une maladie qui sévit de façon endémique au 20e siècle est pourtant bien arrivée elle aussi précocement avec les premiers voyageurs et explorateurs : la tuberculose. Elle est due à un bacille dont la signature génétique varie suivant les souches. Sur la base d’analyses on peut ainsi distinguer une tuberculose d’origine africaine, européenne, asiatique. Ici, elle est européenne, comme ceux qui l’introduisirent, en Iakoutie. Tuant les sujets en quelques mois ou quelques années, elle semble avoir moins marqué les esprits car elle n’est jamais citée. Si la forme pulmonaire est bien connue, c’est sa forme osseuse que les anthropologues repèrent le plus facilement. Ce fut le cas sur presque tous les sujets du début du 18e siècle que nous avons fouillé en Iakoutie centrale, jamais sur ceux postérieurs. Cette fréquence étonnante signe une phase épidémique de la maladie, celle qui sévit dans une population vierge où tous seront atteints mais où tous ne mourront pas. Ceux qui survivront auront une descendance plus résistante ce qui amènera l’instauration au cours du temps d’une phase endémique (cas isolés) de la maladie. A Verkhoïansk, sur les onze sujets que nous avons fouillés, les trois datés de la fin du 17e et/ou du début du 18e ne présentent aucun signe de la maladie. En revanche, un enfant de trois  ans et un adulte  de la fin du 18e siècle sont porteurs de nombreuses lésions de tuberculose osseuse. Hasard ou signe d’une diffusion plus tardive de la maladie, de « la mort blanche »,  dans ces contrées du nord ?

 

EC, AG

 

Le cimetière des éléphants

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Il y a un moment que j’aurai aimé partager entre tous avec les étudiants ou mieux encore avec des élèves de collège que je me serais vu confier pour des travaux pratiques grandeur nature. Il aurait éveillé en eux un intérêt à vie pour la biologie, voire une passion pour la paléontologie. Ce moment a égaillé notre dernier jour sur l’Adytcha en attente des bateliers puis du retour vers Batagay, Iakoutsk et la France. Un chasseur nous avait bien évoqué une « île aux ossements » et Patrice qui conduisait une des missions de prospection nous avait parlé d’ossements de mammouths sur une île. Découverte qui échappe à notre centre d’intérêt et découverte qui semble connue des paléontologues venus il y a quelques jours et dont nous nous souvenons du passage. Ils ont considérablement fait augmenter les ambitions financières de l’administration locale et de certains de ses administrés…

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Les prix flambent au pays du mammouth. Nous décidons, en suivant le fleuve, de rejoindre à pieds la fameuse île qui apparait finalement séparée de notre berge que par un mince filet d’eau ; nous sommes en fin de la période d’étiage. Si les ossements sont nombreux sur l’ile, ils sont des milliers sur plus de 500 m de long et 200 m de large dans ce qui est presque devenu un bras mort de l’Adytcha. Spectacle hallucinant pour qui s’intéresse aux fossiles ou tout simplement aux mythes des cimetières d’éléphants ! Cris d’enfants un matin de Noël, même agitation, même excitation. Chacun cherche les pièces les plus extraordinaires parmi  ces paquets d’os enveloppés dans de la boue et parmi  les bassins, les omoplates de mammouths qui émergent de l’eau. En quelques minutes, Erwan a suffisamment trouvé d’ossements de chevaux fossiles pour en reconstituer l’évolution sur plusieurs millénaires, Sylvie a gagné le concours du plus beau bucrane d’aurochs, d’autres à l’instinct de collectionneurs de trésors accumulent sur la plage les défenses et fragments de défense, dont certains de plus d’un mètre de long. Edward improvise un cours magistral sur les restes de rhinocéros laineux. Photos les pieds dans l’eau, défenses ou os de patte de mammouths dans les mains. Certaines de ces bêtes étaient immenses, ce qui signe en Sibérie leur ancienneté, leur hauteur au garrot ayant diminué au cours du temps. Après cette phase d’excitation, nous effectuons un balayage à la recherche (improbable) d’ossements humains et d’une compréhension du site. Les inondations de ces dernières années qui ont érodé les berges en amont sont responsables de cette accumulation hétéroclite qui regroupe des animaux de différentes périodes. Une fois ce TP géant effectué, les os rangés en rang au fond de la rivière (le trafic d’ivoire est sérieusement contrôlé et les surpoids bagages Batagay/Iakoutsk empêchant le transfert de ces pièces vers la capitale) notre expédition devenue le temps d’un matin une salle de TP qui aurait eu à sa disposition un muséum d’histoire naturelle, repart les yeux brillants.

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EC

06/09/2010 | 

La guerre de la breloque et du scalpel

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Entre Kiki, dessinatrice haut de gamme, qui « crobarde » et dessine plus vite que son ombre, mes collègues archéologues et moi, les discussions sont parfois houleuses mais toujours empruntes de respect. Les nœuds m’intéressent lorsqu’il s’agit de liens de strangulation, de pendaison, de ligotages, mais les nœuds dit de couturière beaucoup moins et y donner un grand coup de scalpel pour accéder plus rapidement au cadavre ne m’aurait pas fait battre un cil. Mais il a fallu composer. Les tissus, les coupes de vêtements, le type de boutonnage, la succession des couches, etc., revêtent pour mes collègues une importance tout aussi grande que pour moi les traces de poudre péri-orificielles ou un vêtement perforé, déchiré, voire remis à l’envers. Et voici que l’évolution du natasnik (slip) du 17e au 18e siècle en Sibérie, sous les explications pointues de Kiki et corrélées à quelques examens gynécologiques (si, si je vous assure, certains hymen momifiés ont encore parfois quelque chose à raconter), le natasnik donc s’en vient titiller ma curiosité. Alors, je rentre en formation continue sur les nogovitse (jambières), les accroches en breloque façon porte-jarretelle, les pièces montées de manteaux en fourrure, les fermetures de ceux-ci à droite, à gauche, au milieu, les chapkas (bref, la liste est longue, très très longue !). Et vint Le grand moment pour moi, une découverte : la perle avec un grand P ou les perles avec un grand L, des bleues, des noires, des blanches, des petites, des rondes, de allongées, des en métal qui ornent les vêtements sibériens avec un seul mot d’ordre : jamais seules mais toujours groupées, et quand je dits groupées c’est non pas par dizaines mais bien par milliers, bref à en cauchemarder la nuit ! Et j’ai appliqué à la « perlouse » les rudiments de la médecine légale : la bonne vieille dissection plan par plan. Et ma côte a considérablement remonté dans l’appréciation de mes collègues qui au départ, redoutaient souvent, pour ne pas dire toujours, de me voir approcher avec mes scalpels et mon couteau. La guerre de la breloque et du scalpel n’aura pas lieu.

 

 

A. G.

Chroniques de Targana


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A notre arrivée à Targana, le campement comptait 23 âmes, certains vivant ici çà demeure, d’autre pour les vacances d’été ou selon Iena (récemment veuve) ce séjour permet de décompresser. Ce terme me parait difficile à cautionner, tant l’organisation du quotidien me semble compliquée. Le robinet d’eau claire c’est transformé ici en rivière en contrebas, l’approvisionnement étant effectué par un gros bidon monté sur roulettes qui nécessite une certaine énergie pour arriver jusqu’à la cuisine. L’eau qui après de gros bouillons nous parvient plus ou moins claire suivant les jours à un goût qui nous a conduit de plus en plus à apprécier la bière. Une après midi passée en compagnie des femmes, quelques mots d’anglais, un cahier et un crayon m’ont fait comprendre, que la vie ici bien qu’elle soit rude semble source d’un certain épanouissement dans la mesure où partage et entraide sont à leur organisation sociale ce qu’individualisme et méfiance sont à la notre. Je n’irai pas jusqu’à parler d’un petit paradis sur terre mais les enfants semblent heureux de patauger dans la gadoue, gambadent, crient, jouent. Les maisons du hameau sont constituées de cubes en vois (20 mètres carrés) totalement calfeutrés, les portes recouvertes de peaux de bêtes pour affronter l’hiver (moins 60°C parfois) et présentent une organisation interne rigoureuse car elles accueillent des familles complètes (parents-enfants) parfois élargies aux tantes, belles-sœurs, etc. Les lits se succèdent contre les parois avec au dessus un clou permettant de suspendre les petites affaires de chaque dormeur. Le coin cuisine comporte une batterie hétéroclite de tasses en fer, aux dessins allant des scènes galantes du 18e français à Mickey Mouse, des assiettes aluminium qui vous brulent les doigts lorsque la soupe est trop chaude, des pots (des grands, des petits), soigneusement rangés sur des planches en bois. Le four, élément essentiel pour toute bonne cuisinière n’est que très vaguement apparent à Electrolux. Il s’alimente au bon vieux bois (manuellement bien sûr), présent un design très épuré : rectangle posé sur pattes avec une tuyauterie très élancée jusqu’au plafond pour évacuer les fumées (efficacité garantie) et est constitué d’un matériau à faire pâlir d’envie César ou Gustave : du fer bien mieux que forgé, totalement rouillé. Quoi qu’il en soit, ce four réchauffe efficacement la maison mois moins efficacement votre pitance, du moins il prend son temps. Le micro village vit quasiment en autarcie, de peu d’ailleurs, avec quelques échanges avec le village voisin et le ravitaillement hebdomadaire à 2H 30 de matorka (une petite barque qui bon an mal an ne coule pas). Les 23 habitants dont 9 enfants se répartissent en 6 maisons, allant de Pronia le plus âgé, ancien pittoresque qui le premier jour s’est présent avec des lunettes, comment dire, conceptuelles, d’un rouge vif (qui n’aurait pas déplu à Lénine) au petit dernier Affonia, vingt mois, tout rond, bien campé sur ses deus jambes en mini short et torse nu qui se promène le sourire aux lèvres en suçotant des cailloux plein de terre et qui récure joyeusement le sol terreux de ses petits doigts. Et n’oublions pas les sousliks (écureuils de prairie) à l’œil vif et aux réflexes rapides qui se faufilent par les trous de la cuisine pour venir quémander du pain saisit délicatement entre vos doigts. On aurait bien envie de s’en ramener un chez soi, un p’tit souslik.

 

A.G.

04/09/2010 | 

Ecoliers et chasseurs

On n’insistera jamais assez sur le rôle des écoliers et des chasseurs dans l’archéologie nord-sibérienne. Avec trois millions de kilomètres carrés, plus d’un million (estimé) de lacs de toutes tailles la Iakoutie est difficile à explorer. La région  de Verkhoïansk avec ses forêts où un commando bien entrainé arriverait certainement à marcher cinq kilomètres par heure et où un archéologue français motivé et en forme (il en reste trois, fondateurs par ailleurs du swimming club de la Yana) arrive difficilement à en faire la moitié, est difficile à pénétrer. Même Vassili qui peut arriver à marcher 25 km par jour a besoin d’un point d’appel pour commencer ses prospections et la recherche des sites archéologiques. Si les photos satellitaires permettent de définir des zones de quelques dizaines de kilomètres carrés et a priori favorables à d’anciennes implantations humaines d’éleveurs de chevaux et de vaches, si les cartes russes nous renseignent sur la topographie et les zones où les hommes se sont implantés au moins au cours de ces cinquante dernières années, se sont les chasseurs qui nous précisent dans un premier temps la présence de cimetières chrétiens perdus au milieu des champs et des forêts. Ils marquent la présence d’anciens habitats d’éleveurs, souvent regroupés ultérieurement à l’époque soviétique dans des villages plus grands. Mieux que les chasseurs, mais plus rares, il y a les instituteurs et étudiants formés à Iakutsk et qui lors de leurs études se sont intéressés à l’histoire. Ils ont pu être envoyés par leurs professeurs effectuer des prospections, voire des sondages dans les territoires de leurs villages d’origine.

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Dans le cas de l’Adytcha où nous nous sommes rendus après Boronuk, les chasseurs ont dans un premier temps guidé nos pas. La zone de l’Adytcha avait été repérée par des photos satellites montrant de nombreux lacs, donc des zones de pâture, favorables à l’élevage et par les écrits d’un ethnologue du 19e siècle qui précisait qu’il y avait des Iakoutes dans cette région. Peu éloignée de Verkhoïansk (150 km), cette zone métrait d’être explorée. Après un trajet en véhicule tout terrain russe par « une bonne route » (expression locale qui, devions nous le découvrir, signifie simplement que l’on peut passer), les chasseurs locaux nous apprirent que toutes les zones de la rive gauche que nous avions repérées sur les cartes avaient été noyées il y a trois ans par une inondation de 14 m de haut. Les cimetières chrétiens qu’ils connaissaient dans cette zone avaient totalement disparus. Tout espoir de trouver un quelconque site archéologique dans la plaine alluviale devenait donc vain. Déception. Il restait donc à explorer la rive droite.

 

EC, PG

L’expansion iakoute

 

Dans notre petite troupe, pour la marche, trois tendances héritées par quelque atavisme des grandes traditions de l’infanterie sont rencontrées : les bottes et chaussettes russes chez certains de nos collègues Iakoutes, bottes et chaussettes chez quelques uns d’entres nous, chaussures de marche et pantalons en nylon camouflables (version chasseur russe qui sèchent vite) chez les autres. Les bottes permettent de traverser les mouillères à pieds secs, plus difficile avec les chaussures mais les risques d’entorse et la fatigue de fin de journée sont moindres. Lorsque la mouillère dépasse les genoux et arrive jusqu’au slip, des débats d’orientation agitent la troupe. Jusque où faudra t-il continuer pour la contourner ? Si la distance est trop longue, deux solutions sont adoptées « on y va », chez ceux qui ont des chaussures et « on se déshabille et on se rhabille de l’autre côté » chez les porteurs de bottes.  Ces choix nous ont occupés pendant trois jours et l’exploration de la rive droite de l’Adytcha sur 20 km de long en amont du village du même nom. Le camp fut implanté à 18 km du village après un trajet en barque dont ceux qui furent sur celle des trois qui tomba en panne se souviendront. L’automne touche à sa fin, le temps s’est radoucit, nous n’avons plus de glace sur nos tentes le matin, mais il pleut. Nous explorons des zones occupées l’été pour les fenaisons et pour la chasse au canard et au lièvre en ce moment. Divisés en deux groupes, l’un explorant le nord, l’autre le sud, l’équipe recensa les sites de terrasse et de bas de terrasse susceptibles d’avoir accueillit des tombes « à la mode iakoute ». Dans un terrain détrempé par les pluies d’automne qui nous permirent de voir les mélèzes devenir jaunes en quelques jours, plusieurs sites du 19e siècle furent identifiés. Une tombe isolée repérée grâce à un sondage sur une avant terrasse et fouillée par l’équipe qui s’y rendit en totalité livra une tombe chrétienne…Afin de savoir si les Iakoutes s’étaient implantés dans cette région avant le 19e siècle, une dernière tentative fut effectuée. Il s’agissait d’atteindre une terrasse isolée, très visible dans le paysage qui devait avoir accueillit des tombes de l’élite à toutes les époques. La marche d’approche de plus de cinq heures fut entrecoupée de mouillères, de lacs et de bras mort en eau de l’Adytcha. Légèrement avant le sommet, une tombe chrétienne, imposante et toujours entourée de crânes de chevaux, preuve de l’attachement des locaux à son égard, domine le paysage. De tombes antérieures, pas la moindre trace. Ces constatations, devraient nous permettre d’affiner nos connaissances sur l’expansion iakoute qui ne pourrait avoir occupé les zones au nord et à l’est de Verkhoïansk qu’au 19e siècle.

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EC, PG

03/09/2010 | 

Trois à un

Les fouilles de Boronuk amenèrent votre chroniqueur/blogueur à envisager sa reconversion dans l’archéologie industrielle du kolkhoze milieu 20e siècle, elles poussèrent l’équipe -habituellement d’un sérieux exemplaire- à la boisson nocturne, elles firent entendre à certains d’entre nous les tambours de chaman, et elles virent notre défaite trois à un face au chaman local. Laissez-moi-vous expliquer cela.

La première structure repérée s’avéra être un arangas effondré au sol. Comme je vous l’ai raconté il y a quelques jours, les anciens Iakoutes n’inhumaient qu’exceptionnellement leurs morts. Ils les déposaient sur des plates-formes (les arangas), aux constructions variées, à des hauteurs pouvant atteindre deux ou trois mètres. Les inhumations étaient réservées à ceux dont on se méfiait, quant aux arangas, il pouvait arriver que lors de leur chute les corps ou les restes soient récupérés pour être inhumés. La découverte d’arangas est rarissime, les incendies de forets les ayant presque tous faits disparaitre. Celui que nous dégageâmes, en bordure de bois, est dans un état de conservation rare, La fouille des sédiments accumulés sous lui ne livra que les restes d’un pot en bouleau. Manifestement le corps avait été récupéré il y a plus de deux siècles. Un peu déçu par l’absence de momie mais heureux d’avoir reconstitué cette pièce de musée, nous nous dirigeâmes vers un endroit magique, au point de vue exceptionnel. Il domine la Yana, il est en contrebas d’un petit sommet et le regard embrase d’un coup toute la plaine alluviale avec au fond la « montagne mère -1723m- chère aux anciens et aux actuels habitants de la région. 


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Un endroit où notre imagination place, dans une mise en scène toute hollywoodienne, quelques prêtres ou chamans blancs ou noirs pour des rites sacrés. La fosse repérée par Vassili, creusée dans le schiste, risque d’être très difficile à dégager car nous n’avons pas de pioche…Après discussion, j’assume, après tout il nous faut tenter des structures a priori inconnues. Le dégagement dura huit heures et fut harassant sous un merveilleux soleil d’automne. L’on vit même dans l’enthousiasme général le médecin légiste manier (peu de temps) la pelle. Le soir venu, une fosse d’1,8 m de long, 60 cm de large, sous 70 cm de schiste anguleux, recouverte de rondins mal conservés laissait supposer une tombe antérieure au 16e siècle, voire plus ancienne. La soirée fut heureuse, le swimming club repris son activité, notre déjà dernière bière fut ouverte, notre vie de trappeurs connut ses meilleurs moments et la nuit fut peuplée de rêves pour ceux qui n’avaient pas trop creusé. Tôt le matin, une fois les rondins retirés, du sédiment rougit par le feu apparu, le fond de la fosse était atteint et il n’y avait rien, strictement rien à espérer de plus. Il nous fallut 5 mn pour comprendre que la tombe (si c’en était une)  avait été faite pour un personnage déposé ou mort ailleurs ou pour un objet virtuel. Les mystères de l’archéologie. Il nous fallut une heure pour nous en remettre surtout que le rebouchage fut rude et mené sans enthousiasme. Il fut décidé dans la foulée, après tout il était encore tôt, de gagner un endroit situé face au village à une heure de marche où une splendide tombe attendait croyions nous, les archéologues. Dès l’arrivée, malgré une promenade, certes nous étions chargé, dans un sous bois rouge, jaune blanc (lichens), vert, des discussions vives animèrent l’équipe. DSC_6161 Les arguments étaient divers,  fosse visible au sol, beaucoup trop grande pour une tombe, proximité de bâtiments d’un kolkhoze abandonné, étaient les plus recevables. Les miens, finalement acceptés, reposaient sur le flair de Vassili, sur un morceau d’écorce de bouleau d’un petit sondage préliminaire et en dernier ressort sur nos capacités «  on décape, on observe, on s’adapte ». Huit m3 après, il fallut en convenir, cette fosse devait être en relation avec le kolkhoze.

L’adaptation fut facile, profil bas et retour vers la dernière tombe repérée. Après trois heures de décapage, elle se présentait comme une tombe chrétienne selon les plus pessimistes d’entre nous. Exténues par cette trop longue journée nous rentrâmes au camp. Vodka générale et chants lancèrent la soirée.  Il fallait en convenir, si la première structure était intéressante malgré l’absence de corps, la seconde garderait à jamais son mystère, quant à la troisième elle nous rendait ridicules…C’est alors que vint l’explication de la part d’un collègue respectable, formé pourtant à la dure lors de l’époque soviétique. Il n’avait pas bu. « Depuis hier, dans les bois, j’entends les tambours et ils nous désorientent », « il y a à Boronuk une chamane puissante, elle nous suit et elle fait envoler les corps la nuit avant la fouille », « si la tombe que nous fouillons est chrétienne, il y aura une momie, sinon, elle la fera disparaitre cette nuit ». La chamane menait trois à zéro face à notre équipe supposée scientifique. Le matin fut rude. Les prévisions étaient mauvaises, la vodka achetée à Verkhoïansk ne devait pas être une grande marque et nous n’arrivions pas à contacter un batelier pour nous extraire de cet endroit idyllique aux couleurs de l’été indien. L’après midi fut glorieux, l’honneur était sauf, la science, le flair de Vassili,  notre ténacité l’avaient enfin emporté sur l’obscurantisme ! Il y avait une fosse funéraire, elle contenait un coffre aux dimensions imposantes dans lequel un tronc évidé, soigneusement fermé, livra un grand adolescent. Inhumé avant la période chrétienne comme le démontrèrent l’absence de croix et les dépôts funéraires. Ses vêtements purent être identifiés et reconstitués ; son autopsie livra la cause de décès.

 

Il n’y a plus rien à boire, pas grand-chose à manger, Biquet (surnom de l’un d’entre nous, pour des raisons obscures oubliées depuis trente ans et notre première rencontre) maigrit, Erwan (l’une des forces de l’équipe et un archéologue remarquable) a faim et j’espère perdre quelques kilos malgré que je puisse manger des gaufrettes pendant des jours en attendant mieux. Qualité ou défaut suivant des avis éclairés. Nous avons (enfin) trouvé un batelier de la Yana. Demain nous repartons.

EC


02/09/2010 | 

Rotor retord

Je vous parlais dernièrement de notre départ. Notre destination prévue de longue date était initialement Tomtor sur l’une des deux rivières qui forment la Yana. Le repérage de l’an dernier avait été accueillit avec joie, crème fraiche, confitures maisons et chasseurs locaux. La meilleure destination de la région de Verkhoïansk pour une expédition comme la notre pour qui une sortie du corned beef serait une ouverture vers l’abondance. Hélas, depuis le maire a décidé de redorer son blason par une action d’éclat. La lutte contre les étrangers de toutes origines : Iakoutes de Iakoutie centrale, français et archéologues semble lui avoir semblé assez facile à développer. Argument électoral que l’on pourrait croire éculé mais qui marche toujours et en tous lieux… Si nous pouvons passer outre, nous ne souhaitons pas camper en pleine forêt pour faire des fouilles nocturnes…Nous avons donc choisi de poursuivre directement sur Boronuk, situé après la jonction des deux rivières formant la Yana et face à Verkhoïansk. L’endroit vit la construction du premier ostrog (fort) russe aux débuts du 17e siècle, preuve d’une occupation humaine qui devait être d’importance.

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Après une journée assis dans la prairie à attendre l’hélicoptère, il arriva enfin (mardi 24 aout). Dans un élan d’enthousiasme, les treize compagnons embarquèrent leur matériel et le produit de leurs fouilles en moins de trois minutes dans le gros porteur. Il s’envola vers … Vingt minutes après le décollage Patrice, toujours vigilant, aperçu par le hublot la jonction des deux rivières à l’origine de la Yana mais point de virage de l’appareil. Darya, détachée par le chef de mission dans le vacarme assourdissant qui caractérise ces engins, ouvrit donc la porte du poste de pilotage dont elle fut sortie illico presto, la main sur la gorge, blanche, par un technicien angoissé. Un quart d’heure plus tard, l’hélicoptère atterrissait comme un avion sur l’aéroport de Batagay. « Commandant vous vous êtes trompés de destination ! » ; « vous êtes en vie, soyez heureux ! » furent les moments les plus sympathiques de notre échange. Apparemment victime d’un ennui de rotor qui l’empêchait de faire du « sur place », et donc de se poser dans un champ, il s’était détourné vers le seul aéroport régional.

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L’aéroport de Batagay à huit heures le soir (en fait la piste  en terre de l’aéroport) est moins fréquenté que le hameau dont nous venions, où au moins il y avait les ours. Situation difficile quand vous avez 500 kg de bagages. Heureusement le président de région contacté par téléphone satellitaire à dix minutes de là nous envoya le car de ramassage scolaire. Après une discussion dont il ne restera aucune facture, chère à nos gestionnaires, il accepta de nous emmener par une mauvaise piste à Verkhoïansk dont le maire, fort sympathique, nous fit ouvrir l’hôtel, avec électricité mais sans eau, de onze lits. Après une courte nuit, une photo avec le maire, une visite au musée, l’administration nous mit en rapport avec un malfrat local, qui accepta de nous transporter en bateau ; négociations digne des meilleurs taxis égyptiens ou marocains. Après quatre allers-retours, notre camp fut installé près de Boronuk dans une boucle de la Yana, un endroit splendide, à distance de la berge dissimulé derrières des arbrisseaux aux couleurs d’automne. La Yana, voie de circulation, peut être aussi dangereuse –voire plus, les « accidents de chasse » sont fréquents-, que certaines de nos banlieues.

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EC


01/09/2010 | 

Des doigts dissimulés

DSC_6005 L’étude du corps de la vieille dame dont je vous parlais hier débute par des prélèvements biologiques effectués dès l’ouverture. Une attention particulière est portée aux fosses nasales afin d’étudier les germes qui y séjournaient de son vivant. C’est l’histoire des maladies et de leur évolution qui est en jeu. Un examen externe permet de décrire les  vêtements du dessus : manteau en peu de renne, boa en queues d’écureuils, chapka en zibeline, tarbaza –éléments  en cuir fumé de cheval entourant les pieds et serrés sous les genoux et aux chevilles par des liens en cuir-, chapka en zibeline, tout comme le suaire qui lui recouvre la face. Lors de l’examen externe, le réchauffement du corps au contact de l’air décolle un fil qui entoure la main gauche. Christiane et Edouard entament alors une discussion spécialisée sous les yeux ébahis des fouilleurs, épuisés par le démontage de la superstructure et la fouille de la tombe, déçus par l’absence de mobilier et qui du haut de la fosse ne voient qu’une main noirâtre dépassant de vêtements assez classiques pour qui a fouillé en Iakoutie. Si pour Christiane ce fil signerait les restes d’un manchon semblable à ceux qui enserraient les mains des chamans, pour Edouard, il aurait simplement glissé d’un manteau sous-jacent. La partie allait être rude pour l’anthropologue et le médecin légiste d’autant plus que nous avions convenu, au vu de son excellent état de conservation, de ne pas abimer le corps. Le démontage de l’épaule pour une dissection fine au soleil, fut donc rejeté et suivant l’expression de nos collègues légistes, ce fut une autopsie foraine, in situ. Une dissection fine et un passage au plan sous jacent s’imposent toutefois, l’après midi déjà bien entamée sera longue…Vassili repart chercher des tombes, les fouilleurs tirent de l’eau à la rivière pour faire du thé, une après midi à la campagne au soleil débute pour eux, tandis que au fond du trou, à genou sur le permafrost qui commence à fondre, Annie travaille avec comme aide Eric, qui passe échantillons et constatations aux deux compères assis au bord de la fosse, prêts à en découdre. Les photographes attendent les détails qui expliqueront sans nul doute la discussion. Le soleil bas entraine cependant l’équipe à l’ombre, il fait plus de 28°C. Le réchauffement, décolla de l’autre main un fil semblable qui permit de remonter à un second manteau en soukno (laine d’importation) pris sous celui en peau de renne. Le remontage du puzzle en 3D dont nous vous entretenions l’autre jour démontra que ni Christiane ni Edouard n’avaient totalement raison ni totalement tord.  Point de manchon, mais point de glissement depuis le manteau sous jacent.  Les manches du manteau en soukno avaient été tirées sur les mains, le tissu décoloré avait adhéré à celles-ci, s’était en grande partie décomposé mais les fils des coutures étaient restes collés sous l’effet de la lyophilisation. Ces mains cachées renvoient à une pratique antérieure, celle des mains cousues dans les manches chez les sujets redoutés dont les doigts étaient réputés aussi dangereux que ceux des forgerons (proverbe iakoute). L’après midi n’était pas terminée pour autant. La bonne préservation de l’ensemble des vêtements permis une observation fine, et assez rare, des modes d’attache des nogovitzes (jambières) au nataznik (slip). Les représentations de nos prédécesseurs laissaient en effet découvert  l’anneau maintenant la jambière au slip, ce qui semblait assez étrange, le haut de la cuisse ne devant guère apprécier en hiver d’être à - 50°C. Il apparu que l’anneau du nataznik (slip) s’insérait, non pas en haut de la jambière mais plusieurs centimètres sous celle-ci protégeant donc la totalité de la peau. Détail de vêtement, mais détail d’importance pour qui s’intéresse à l’acclimatation au froid…

 

Alors qu’Annie épuisée par le froid de la tombe et le rhabillage du corps remonte en surface, la tombe est rebouchée et reconstituée dans son état initial. La partie de campagne se termine durement, et le camps est bien loin. La tombe de la vieille femme édentée aux doigts pris dans les manches de son manteau domine toujours la Yana.


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EC, PG, AG

30/08/2010 | 

La sixième tombe

La sixième tombe mise au jour cette année, sur un éperon qui domine un coude de la rivière Yana d’une vingtaine de mètres, est aux pieds d’une montagne couverte de mélèzes. Grandiose. Surmontée d’une structure en bois effondrée, épargnée grâce à cette situation des incendies, ses restes donnent un charme tout particulier au paysage. L’endroit n’a pas été choisit au hasard et c’est surement la tombe d’un homme ou d’une femme d’importance qui a laissé son empreinte dans les mémoires. Elle semble avoir attiré quelques tombes plus récentes (fin 18e) regroupées autour d’elle. L’une l’a même dépassé sur le promontoire et sous l’effet du réchauffement qui effondre les berges elle va basculer dans le vide d’ici un à deux hivers. Aujourd’hui, jour de grand soleil, déjà très bas sur l’horizon en cette saison nous avons décidé de la fouiller. Le style de la structure, formée d’un parallélépipède de trois rondins de hauteur surmontés de deux piquets soutenant une poutre centrale qui sert de charpente à des tuiles en bois fixées au rondin supérieur par un astucieux mode de calage, est souvent retrouvé en Iakoutie centrale à plus de 1000 km de là. Les chevaux stylisés sculptés sur les angles des montants nord et sud sont encore bien visibles et signent une structure du 18e siècle. La fouille s’attache à retrouver la structure initiale grâce à un démontage et à un relevé classique (photo, dessins) en archéologie. Une attention particulière est portée au mode d’assemblage afin de permettre une reconstitution de l’ensemble et de ses détails par ordinateur par l’ami Senegas à Toulouse, architecte es structures funéraires iakoutes.

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Le coffre massif, situé à plus de 80 cm de profondeur livre le corps parfaitement bien conservé, séché par le froid, lyophilisé, d’une vieille femme édentée, inhumée sans aucun mobilier funéraire. Ce type d’inhumation est un mystère, qui se repose à nous pour la troisième fois au cours de nos neuf années iakoutes. Nous avions déjà en Viliouï noté ce fait : alors que la christianisation s’installe, le mobilier funéraire se raréfie et deux types d’inhumations sont privilégiés : celles des enfants et des vieilles femmes. Ces dernières sont inhumées, non pas face aux prairies de leurs familles (règle générale) mais dans des endroits surélevés face à des étendues aquatiques, lacs en Viliouï, fleuve ici. En Viliouï, les tombes étaient associées à des oiseaux en bois utilisés lors de cérémonies chamaniques, ici rien de ce type ; le mystère persiste.

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EC, PG, AG