La chasse au balouchithère - jour 8

 Aujourd’hui, mardi 30 juin 2009, notre ami Stéphane est rentré à Paris, pour prendre quelques vacances. Bref, non seulement il nous abandonne lâchement, mais en plus il a fallu se lever plus tôt ; merci Stéphane!

Sevket, Greg et Levent ont accompagné Stéphane à l’aéroport et profité de l’occasion pour prospecter dans des dépôts rouges, connus sous le nom de formation de Kartal, qui affleurent aux alentours d’Ankara (photo). Quelques fossiles fragmentaires ont été trouvés dans ces dépôts exposés non loin du village de Saribeyler. Nos trois compères sont également passés chez Mehmet, un ami de longue date de Sevket, pour récupérer une pompe pour le lavage des sédiments. Cette opération devrait se faire en fin semaine. Sur le chemin de retour, ils ont en vain chercher de la toile de jute à Kirikkale pour consolider la coque de plâtre du crâne de Balouchithère. En fin d’après-midi, ils ont été à l’aéroport d’Ankara, accueillir les deux journalistes qui vont rester quelques jours avec nous afin de réaliser le Reportage du Siècle.

 

De leur côté, Sibel, Gerçek et Cenk ont poursuivi la fouille sur le site de Gözükizilli (photo), où malheureusement peu de fossiles ont daigné montrer le bout de leur nez. Vincent qui était aussi à Gözükzili, a ré-échantillonné la base d’une coupe (GKA) levée l’année passée par Gerçek et Levent sous forme de bloc orientés. Le choix de ce ré-échantillonnage s’est fait à la suite de l’analyse paléomagnétique réalisée sur les premiers échantillons de l’année dernière. En effet, la base de la coupe montre une très grande alternance d’inversion magnétique, et est donc par conséquent peu précise. Sevket et Vincent on donc décidé de ré échantillonner la coupe de manière plus précise : trois carottes tous les 50 cm. On espère ainsi avoir un meilleur enregistrement des inversions qui ont eu lieu lors du dépôt des sédiments.

Nous re-échantillerons de la même façon la coupe de GKB, levée elle aussi l’année dernière par Gerçek et Levent, et située à une centaine de mètre de GKA.

 

Demain si tous va bien on devrait sortir le crâne de Baluchithère à Bagdatli.

 

Chasse au Baluchithère - Jour 7

En ce nouveau jour de « chasse » à Baluchithère, quelques changements dans l’organisation. Il ne reste en effet plus beaucoup de travail sur le site de Bagdatli. Pour retirer le crâne de sa place, il faut finir de le plâtrer, mais pour cela nous attendons les journalistes de Science et Vie et Ushuaïa Magazine qui viennent de Paris demain soir. Seules deux personnes sont nécessaires pour finir le travail de dégagement avant le plâtrage. Sevket et Cengiz se sont donc chargés de finir la tranchée autour du crâne, qui sera plâtré et retiré mercredi. Cela les a amenés à dégager un peu plus les deux molaires supérieures découvertes il y a quelques jours (photo).
Quant à Vincent, il a fini l’échantillonnage pour la magnétostratigraphie de la coupe de Bagdatli.
Gerçek et Levent ont prospecté dans différentes formations de l’épaisse séquence de dépôts continentaux qui affleurent dans la zone où nous travaillons, le bassin de Çankiri-Çorum.  Ils sont revenus avec les poches pleines d’os, dont du Baluchithère.
Une équipe composée de Sibel, Cenk, Grégoire et Stéphane s’est rendue à Gözükizilli, site que nous avions visité le premier jour, et qui a livré des restes de Balouchithère, de ruminants, de rongeurs, etc., les années précédentes. L’un des gisements, GK2 (photo), est d’ailleurs prêt à être fouillé, ce qui nous a évité un travail de terrassage. Le sédiment sur ce site est plus meuble (sable plus ou moins induré alternant avec des niveaux plus argileux) qu’à Bagdatli. De ce fait, la fouille s’effectue principalement au couteau à huitre. Les quelques fossiles trouvés aujourd’hui (notamment tortue) proviennent d’une lentille d’argile grise (photo), dont la texture s’apparente à de la pâte à modeler.

Chasse au Baluchithère - Jour 6

Cette journée de repos a été l’occasion de nous rendre au lac salé de Tuz Gölü, et de profiter des mets locaux. Ce lac salé s’étend sur plus de 100 km du nord au sud, et constitue le grenier à sel de Turquie. Ce lac est de couleur rose lilas et très peu profond ; durant la saison sèche, on peut marcher pendant des kilomètres sur ce lac. L’origine de cette accumulation gigantesque de sel reste encore mal connue. Il semble que cette dépression existe depuis la fermeture de l’océan Téthys (il y a environ 50 millions d’année). La couleur du lac est due à la présence d’algues rouges qui sont parmi les seuls organismes pouvant vivre dans un milieu hyper-salin extrême.

Pour le déjeuner, nous étions invités par les parents d’un des membres de l’équipe, Cengiz Öztürk, qui habitent le village d’Evren. Nous avons été reçus chaleureusement, et un festin nous attendait.

Demain, reprise de la chasse au Balouchithère…

Chasse au Baluchithère - Jour 5

En arrivant sur le site, nous avons pris une photo de l’équipe au complet afin d’immortaliser la mission 2009 (photo).

La fouille continue ; encore et toujours du balouchithère : fragments de mâchoires, dents isolées, vertèbre, côtes, et le crâne qui est encore en place. Avant de plâtrer ce dernier, nous tâchons de dégager les os qui l’entourent.

Nous avons retiré aujourd’hui deux molaires et une incisive isolées, mais que l’on suppose comme faisant partie du crâne, ainsi que plusieurs plaques de crocos et des os pas encore identifiés car toujours dans leur gangue ou abîmés par les prédateurs.

Baluchithère, oui, mais nous espérons aussi trouver des restes d’autres animaux, par exemple des carnivores, des ruminants ou d’autres ongulés, des rongeurs, insectivores, etc. Nos premières découvertes, les observations sédimentologiques (nature du sédiment qui s’apparente à une boue argileuse) et la présence de fossiles d’algues vertes permettent d’ors et déjà de proposer une ébauche de reconstitution paléoenvironnementale. Ici s’étendait probablement une plaine alluviale verdoyante, avec des lacs et des étangs éphémères, une végétation composée notamment de feuillus (nourriture principale de notre ami le Balouchithère), mais comprenant également des espaces plus ouverts (photo).

Une autre partie de l’équipe a effectué des relevés géologiques et topographiques dans la région afin de comprendre l’extension géographique de la formation Kizilirmak (Rivière rouge en Turc) qui livre les restes de Balouchithère. Ce travail est essentiel pour placer nos sites à Balouchithère dans une stratigraphie précise.

Demain, nous comptons faire un break au lac salé de Tuz Gölü, situé à environ 100 km au sud de notre camp de base.

 

Chasse au Baluchithère - Jour 4

Encore du nouveau à Bagdatli alors que nous dégageons toujours le crâne. L’un des fossiles énigmatiques a été plâtré et retiré du site ; il est maintenant au camp de base pour être minutieusement préparé. Il semble que ce fossile soit un fragment de bassin, probablement de Balouchithère. Parmi les autres pièces dégagées, un os du carpe parfaitement préservé qui ressemble à un galet oblongue (15 x10 cm), un fragment de côte. Par ailleurs, en continuant la tranchée autour du crâne, trois nouvelles dents de Balouchithère ont été mises au jour, dont l’une, une troisième molaire supérieure gauche, a été prélevée. A elle seule cette molaire est plus grosse qu’un poing. Dégagement, plâtrage des spécimens, … sont aussi l’occasion pour certains jeunes collègues turques de s’initier aux techniques de fouilles (photos 1 et 2).

Nos conditions de fouilles s’améliorent de jour en jour. Sous le soleil de l’Anatolie (il fait en effet chaud et beau depuis notre arrivée !), fouiller sans protection devient vite insupportable. Ainsi, dès le second jour, nous avions « expérimenté » le parasol ! Mais depuis hier, un système beaucoup plus sophistiqué nous permet de presque tous travailler à l’ombre (photo 3). En gros, c’est maintenant le grand luxe. Manquent plus que les glaçons et le pastis pour l’apéro de midi…

De leur côté, Levent et Gerçek ont emmené le sédiment prélevé hier sur le site de lavage, près de la rivière Kizilirmak, pour être séché. Ils ont ensuite passé leur journée à prospecter pour fossiles une formation géologique, Incik, plus ancienne que celle dans laquelle nous travaillons, et facilement reconnaissable dans le paysage par sa couleur rouge. Malheureusement sans succès, nous ont-ils appris en revenant en fin de journée.

Quant à Vincent, il continue à faire ses petits trous sur la colline. Et lui n’a que son chapeau pour se protéger du soleil ! (photo 4)

Ce soir, comme c’est l’usage, nous avons ouvert un vin turc, un peu jeune certes, mais délicieux après une journée de labeur. Ces soirées nous permettent de faire le bilan de la journée, d’organiser la prochaine et d’écrire ces quelques lignes.

Chasse au Baluchithère - Jour 3

Ce matin, Sevket, Vincent, Cengiz et Levent ont terminé l’échantillonnage pour la magnétostratigraphie sur la coupe TEPE 641.

Le reste de l’équipe est de retour à Bagdatli, le site à Balouchithère que nous fouillons. Nous avons continué de dégager le crâne et les autres os associés sur la zone. Certains os ne sont pas encore suffisamment dégagés ou trop fragmentaires pour être identifiés avec certitude. Cependant, deux dents dégagées par Stéphane sont clairement identifiées comme des prémolaires supérieures de Balouchithère. Appartiennent-elles au crâne découvert le premier jour ? Nous en saurons plus dans les prochains jours (photo 1). Le marteau pneumatique permet de faciliter le travail de dégagement, le travail final de préparation étant effectué avec des outils de type couteau à huitre, ou micro-burin. Certains des os en cours de dégagement sont très fragiles et fracturés, et nécessitent donc d’être consolidés avec des colles liquides. Ces fossiles doivent également être protégés, avant d’être extrait de la roche, et d’être transportés dans les meilleures conditions. On fabrique une coque avec des bandes de toiles de jute trempées dans du plâtre (photos 2 à 4), et appliquées sur les fossiles au préalable recouverts de papier humidifié, afin d’en faciliter le dégagement une fois au laboratoire.

Dans l’après midi, l’échantillonnage pour la magnétostratigraphie sur la coupe de Bagdatli a été commencé par Vincent. Gercek et Levent ont quant à eux prélevé des sédiments dans un niveau stratigraphique situé à environ 5 mètres au dessus du niveau à Balouchithère. Ces sédiments seront par la suite lavés et tamisés afin d’extraire des restes de la microfaune. Davantage d’observations sédimentologiques sont nécessaires sur cette coupe afin de comprendre l’environnement dans lequel vivait le Balouchithère.

Un orage arrivant en fin d’après-midi a précipité notre départ… (photo 5 et 6). Le retour au bercail a été salvateur pour Sevket (photo 7) !

 

Chasse aux Baluchithères - jour 2

Aujourd’hui mercredi 24 juin, le groupe s’est divisé en 3 équipes.
Levent et Gerçek sont partis ce matin à Ankara chercher le matériel de lavage-tamisage du sédiment pour la microfaune (tamis, pompe, bâche, tuyauterie, etc) et récupérer en soirée notre ami Greg qui arrive de Paris.
Une autre équipe a continué de fouiller autour du crâne découvert hier. Pour savoir à peu près où taper, nous l’avons dégagé un peu et consolidé les parties apparentes : palais, dents, condyles, etc. Comme souvent, en dégageant le pourtour du crâne (le but étant de le retirer entier en un seul bloc), nous avons trouvé d’autres fossiles plus ou moins complets : fragment de carapace de tortues ou d’écaille de crocodiles, mais aussi d’autres os de Baluchithère : un métapode, quelques vertèbres et, en fin de journée, 2 nouvelles dents (apparemment des prémolaires) appartenant probablement à une mandibule qui est encore dans sa gangue, donc invisible. Est-ce que cette mandibule appartient au crâne ? Mystère…Demain, nous espérons sortir quelques uns de ces os. Pour le crâne, nous verrons bien.

La troisième équipe s’est chargée de commencer l’échantillonnage pour la magnétostratigraphie. Nous voilà donc parti Sevket, Cengiz et Vincent, sur une coupe située à un kilomètre du lieu de découverte du crâne. Cette coupe, nommée Tepe 641, a déjà livré quelques fossiles de micromammifères et de ruminants (cf. photo 1).
Le but de la magnétostratigraphie ici est de dater précisément ce gisement et de le positionner par rapport aux autres gisements fossilifères du bassin, entre autres ceux qui ont livré le Baluchithère. Cette opération consiste à prélever des carottes de sédiments afin d’en déterminer la polarité magnétique enregistrée par les minéraux magnétiques lors de la formation des couches.
Pour cela on a décidé de faire un maillage relativement serré : 3 carottes tous les mètres afin d’obtenir un résultat fiable, mais aussi d’éviter de rater un inversion magnétique.
L’échantillonnage se déroule en 3 étapes :
1)    On dégage l’affleurement à la pioche et au marteau (cf. photo 2), pour forer sur une roche non altérée et non fissurée.
2)    Une fois bien dégagé, on fore 3 carottes à l’aide d’une petite foreuse portative thermique (cf. photo 3).
3)    Chacune des carottes est alors orientée (déclinaison, inclinaison) grâce à une boussole montée sur un petit appareil (cf. photo 4), et le tout est soigneusement noté sur le carnet de terrain, ainsi que sur la coupe stratigraphique que notre ami Levent a déjà levée.
Malgré un démarrage un peu tardif, et laborieux (ça fait un petit moment qu’on n’avait pas foré et il a donc fallut se refaire la main), ainsi que le départ de Sevket pour le site de fouille l’après midi, le travail a bien avancé (environ 18 m de coupe échantillonnés). On devrait donc finir demain matin.

Il est 22h30, nous dégustons un pinot gris… Faut pas se laisser aller ! Après ça, il sera bien temps d’aller nous coucher. Une petite pensée pour notre ami Greg, qui vient bien d’atterrir mais pas avec tous ses bagages !

Premier jour de chasse au Baluchithère

En ce premier jour de mission, commençons par présenter l’équipe au grand complet. Côté français (Museum national d’Histoire naturelle-CNRS), par ordre alphabétique: Grégoire Métais, qui arrivera le 24, Stéphane Peigné, Vincent Rommevaux et Sevket Sen, qui dirige la mission. Côté turque: Levent Karadenizli, Gerçek Saraç, Sibel Karaman, Cenk Karaca, Umit Seydagil, Fehmi Aslan, Cengiz Öztürk de la Direction de Recherches géologiques et Minieres (MTA).

Ce matin, tout ce monde s’est donc entassé dans 2 véhicules tout terrain, avec le matériel de fouilles; direction Gözükizilli, nom du village 'a proximité de quelques uns des sites 'a Baluchitheres. Dans un premier temps, l’objectif est de constater l’état des gisements afin de déterminer si il faut rafraichir le niveau fossilifère. En gros, avons nous besoin de faire venir une pelle mécanique ou non? Cette question résolue, nous partons vers le site découvert l’an dernier, à quelques kilomètres de la. En 2008, l’équipe y a en effet découvert une mandibule presque complète d’un Baluchithère mâle adulte ainsi que quelques ossements du squelette. Sur place, nous prospectons un peu autour du locus de la découverte, découvrons d’ailleurs quelques fragments de dents et os "oubliés". Et puis… Gerçek donne quelques coups de marteau dans le sédiment meuble. Et la surprise ! Stop, Gerçek crie Sevket… A moins d’un metre de l’endroit où avait été découverte la mandibule en 2008 apparaissent les condyles occipitaux d’un crâne de Baluchithere.

Cette partie du crâne, qui s’articule avec la colonne vertebrale, est véritablement imposante. Si complet, ce crâne devrait mesurer pas moins de 135 cm de long. Mais ne nous emballons pas… peut etre n’y a–t-il que les condyles. Evidemment, malgré une chaleur presque insupportable pour nous pauvres petits français, nous avons passé la journée à dégager ce fossile prometteur. 22h : nous fêtons notre découverte au champagne. Bien sûr nous n’avons pas fini de dégager ce crâne, d’autant plus qu’en fouillant, d’autres os sont apparus, compliquant "un peu" notre travail. Mais nous n’allons pas nous plaindre. La campagne a commencé sur les chapeaux de roue et se promet riche de découvertes. Demain, au programme, poursuite du dégagement du crâne, échantillonnage pour la magnétostratigraphie… et un aller-retour à Ankara pour aller chercher le dernier de l’équipe, Grégoire.