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septembre 2013

27 septembre 2013

Océans. La grande alarme

  Blog océans

Réuni depuis le début de la semaine à Stockholm, le GIEC devrait rendre son 5e Rapport sur le réchauffement climatique. On annonce une hausse prévisible des températures de 5° d’ici la fin du siècle. Ses effets les plus immédiats se notent sur les océans, un milieu extrêmement fragile qui connaît une augmentation de son volume et une montée des eaux, dues notamment à la fonte des glaces et affectant particulièrement les régions tropicales. A cela s’ajoute l’impact destructeur de la surpêche et les phénomènes de pollution industrielle ou maritime.

Professeur de conservation marine à l’université d’York et professeur associé à l’université Harvard, créateur du premier réseau mondial pour les zones sanctuarisées en haute mer, Callum Roberts fait le point sur les Océans dans une somme très documentée qui lance un cri d’alarme et appelle à un « New Deal pour les océans ». Flammarion en propose la traduction (par Thierry Piélat avec le soutien du Centre national du Livre, 492 p., 24 €). La première des responsabilités éthiques consiste à examiner avec lucidité la réalité, et tirer de cette observation, non le renoncement ou le désespoir mais au contraire des bases pour comprendre et agir. Le livre de Roberts nous y incite fortement. Dans toutes les librairies le 2 octobre.

V.D.

24 septembre 2013

Séquence BD. L'enfant Staline

Blog lefranc
Pape de la « ligne claire » et des héros d’aventure, d’Alix à Guy Lefranc, Jacques Martin est décédé en janvier 2010. Mais son univers survit grâce à de nouveaux scénaristes et dessinateurs. Thierry Robberecht a imaginé une histoire de clonage dans l’URSS de Staline, ce dernier rêvant d’asseoir son pouvoir dans l’éternité (L’enfant Staline, coll. « Jacques Martin », Casterman, 48 p., 10,95 €).

En 1952, les Occidentaux parviennent à exfiltrer, par la Mer noire et la Turquie, le directeur du département de génétique de l’Institut de recherche scientifique de Moscou. Ils découvrent alors les intentions diaboliques du « petit père des peuples ». Une opération est menée par la CIA pour tenter de ramener aux Etats-Unis « le fils de Staline, un enfant né du clonage et dont le cerveau est chargé de toute l’histoire du tyran, afin qu’il puisse lui succéder avec la plus parfaite continuité idéologique. Se mêlant à une tournée moscovite d’écrivains communistes de l’ouest, un agent occidental est chargé de l’opération avec l’aide d’une jeune généticienne du même Institut de recherche. Alors que le groupe visite l’université de Moscou, l’anglais Andrew Byrnes s’éclipse à la rencontre de Paulina. Mais l’alerte est donnée. Guy Lefranc, qui suit la tournée des écrivains pour son journal, décide d’aider Byrnes en récupérant un dossier aux informations cruciales. Bientôt, le petit réseau des dissidents antitotalitaires est décapité. Lefranc se retrouve seul ou presque pour tenter d’arrêter l’engrenage fatal, alors que dans le secret de sa datcha, Staline décède.. Le dessin de Régric et les couleurs de Bruno Wesel nous entraînent dans l’hiver soviétique, des palais de Moscou au fin fond de la Géorgie, dans la ville natale de Staline où a été édifié le laboratoire secret abritant « l’enfant Staline ». Un graphisme saisissant pour une intrigue surprenante.

Vincent Duclert

NB. Le lien accroché au mot -rencontre- l'est en dehors de toute intention de la rédaction...

17 septembre 2013

Hubert Reeves

Blog reeves
Hubert Reeves, complice d’Albert Jacquart dans leurs nombreux combats communs, publie au Seuil, dans la collection « Science ouverte » (dirigée par Jean-Marc Lévy-Leblond) un essai sur l’étrangeté du monde, qui emprunte son titre à un vers du poète allemand Friedrich Hölderlin, « Là où croit le péril… croît aussi ce qui sauve » (170 p., 17 €). Cet essai très personnel et inspiré de l’astrophysicien s’emploie à réconcilier la « belle-histoire » de nos liens avec le cosmos d’où nous sommes issus, et la « moins-belle-histoire » du « saccage de la planète par l’activité humaine, appuyée par la puissance technologique que notre intelligence nous a permis d’atteindre [et qui] nous plonge aujourd’hui dans une grande crise écologique fort menaçante ». Les propositions en faveur d’une éthique qui « élargit notre responsabilité humaine à la nature tout entière » porte, pour Hubert Reeves, les espoirs pour l’avenir. Pour fonder ces espoirs, il s’agit d’accepter de voir la réalité en face, de connaître les faits, même les plus dérangeants ou les plus désespérants. A ce titre seulement, dit encore le savant, « leur connaissance peut nous venir en aide ».

Vincent Duclert

13 septembre 2013

Albert Jacquard

Blog jacquard magum

Décès d’Albert Jacquard avant-hier 11 septembre, à l’âge de 87 ans. Une personnalité engagée, attachante, attentive aux déshérités et aux persécutés, infatigable combattant des injustices du monde. Et aussi un chercheur qui a longtemps cherché sa voie avant de devenir un généticien de réputation internationale, ouvert aux sciences sociales comme à la recherche médicale, soucieux de transmettre sans appauvrir.

Blog jacquard

Son Eloge de la différence, paru en 1978, réédité en 1981 en Points Seuil (217 p., 6 €) est la démonstration de la diversité de l’humanité et de l’imposture de la racialisation. Et enfin un homme qui n'a rien oublié de sa jeunesse fracassée dans un accident de voiture, qui n'a rien perdu de l'histoire de vie qu'il construisait, de combats intellectuels en luttes morales.  

V.D.

Photographie Magnum
10 septembre 2013

L'art de gouverner

Blog glor

Avant que nous ne rendrions compte, dans ces pages et dans celles du mensuel, du prochain essai au Seuil de Christophe Bonneuil et de Jean-Baptiste Fressoz, L'événement anthropocène, La Terre l'histoire et nous, manifeste inaugural de la nouvelle collection «Anthropocène», mentionnons l’ouvrage collectif qui paraît presque au même moment à La Découverte, dans la série inaugurée par François Gèze des « autres » ou « contre » histoire revisitant les fausses certitudes du passé, Une autre histoire des « Trente Glorieuses ».

Le sous-titre imaginé par ses trois concepteurs, Christophe Bonneuil, Sezin Topçu et Céline Plessis, dévoile d’emblée l’ambition du projet : « modernisation, contestations et pollutions dans la France d’après-guerre » (312 p., 24 €). Il s’agit d’ « en finir avec les “Trente Glorieuses” » ou plus exactement d’en finir avec le mythe positiviste de la croissance d’après-guerre, et de confronter cette période phare avec les problématiques actuelles de la résistance des sociétés et de la critique du progrès. Le résultat est saisissant, il s’agit bien d’une lecture radicalement nouvelle d’une histoire que l’on croyait connaître. Au cœur des interrogations se situe la question du pouvoir, du gouvernement et des institutions. Celles-ci ont pu mener à bien le redressement national et la modernisation de la France. Mais elles n’ont pas intégré, comme aujourd’hui dans les pays démocratiques grâce aux contestations civiles, le point de vue de « l’autre », le social, l’environnement, la planète, le cadre de vie, …   

Blog sezin

Cette question du gouvernement des choses et des sociétés est au cœur de la recherche de Sezin Topçu sur le mouvement antinucléaire français. Issue d’une thèse de sociologie, La France nucléaire. L’art de gouverner une technologie contestée (350 p., 21 €) qui paraît au Seuil souligne qu’il y a beaucoup à apprendre de ces contestations, « en termes de formes d’action à (ré)inventer et d’analyse politique à mener vis-à-vis des “pouvoirs” nucléaires, en vue de repenser les rapports entre atome, démocratie et société ». Ce à quoi « l’auteure de ce livre espère, à sa façon avoir contribué ». Ainsi la recherche en sciences sociales ne se limite-t-elle pas à des résultats et des données empiriques. Elle peut aussi modifier le réel sur lequel elle travaille, par la construction et la transmission d’une connaissance nouvelle et fondée. Ces rapports à repenser commencent par l’accès à l’information. A lire Sezin Topçu, il semble que les organismes nucléaires publics aient développé des procédures visant à décourager l’accès aux sources, pourtant par la loi sur les archives. « La difficulté d’accès aux archives […] doit dans ce cadre être soulignée », insiste Sezin Topçu. Cette contrainte a encouragé la chercheuse à plus d’audace dans la question des sources.

Vincent Duclert 

03 septembre 2013

Classes préparatoires

Blog darmon

Premier jour de la rentrée, et traditionnellement rentrée des classes pour les livres sur le système scolaire et l’enseignement. Le Livre du Mois de La Recherche (n°479, septembre 2013, 6,40 €) est consacré à l’enquête de Muriel Darmon. Sociologue des processus d’individuation – auteur de Devenir anorexique en 2003 -, elle s’attaque ici au vaste sujet, souvent décrié, toujours débattu, des « prépas ». Elle connaît intimement la question puisqu’elle en est elle-même issue. Le recrutement de cette formation aussi sélective qu’élitiste, « loin de s’être démocratisé depuis la Seconde Guerre mondiale, révèle au contraire une accentuation des inégalités d’accès »,  observe-t-elle dans le fil des travaux de Monique de Saint-Martin et surtout de Pierre Bourdieu. La Noblesse d’Etat (1989) s’intéressait à la fonction sociale des classes préparatoires, le mérite intellectuel consacrant le privilège social. Le processus d’autoreproduction sociale par la réussite scolaire permet néanmoins à des élèves de milieux moins favorisés d’accéder aux grandes écoles ou du moins d’être formés dans des cursus d’excellence, au prix parfois de grandes souffrances pour les intéressés. De ces expériences extrêmes sont nées des légendes « noires » ou « dorées » que relève Muriel Darmon et qu’elle souhaite dépasser afin de porter l’enquête, non plus seulement sur la fonction sociale mais aussi sur la fonction technique des « prépas », ce qu’elle nomme « les processus de la socialisation institutionnelle préparatoire ». On pourrait la désigner plus simplement comme l’apprentissage d’un éthos qui ne se limite pas aux qualités scolaires et qui forge une identité sociale. Se déploie alors l’enquête, publiée sous le titre : Classes préparatoires. La fabrique d'une jeunesse dominante (La Découverte, coll. « Sciences humaines/Laboratoire des sciences sociales », 280 p., 24 €). A lire dans La Recherche.

Vincent Duclert