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27 août 2013 |

« Je n’ai jamais abandonné sa poursuite »

Blog audoin
Demain paraît en librairie un nouvel ouvrage de Stéphane Audoin-Rouzeau intitulé Quelle histoire (EHESS-Gallimard-Le Seuil, coll. « Hautes études », 2013, 145 p., 17 €).

L'historien a étudié la manière dont la Grande Guerre a percuté, au sens mécanique du terme, trois générations, qu’il connaît de très près puisqu’elles forment sa famille jusqu’à son père, Philippe Audoin. Cet impact de forte intensité sur les sociétés, dans la longue durée du siècle, a laissé des traces, écrites, qui décrivent le trauma de la guerre sur les êtres. Plus que la guerre même, c’est le monstre qui sommeille en elle, le tueur d’humanité, qui a frappé successivement ces générations. Mais la chaîne de l’écrasement a été interrompue par la quatrième génération et le travail historien poursuivi par le fils de Philippe. Il peut écrire à juste raison : « Le tueur qui avait fracassé les relations des pères et des fils sur trois générations, je n’ai jamais abandonné sa poursuite ».

Pour ce faire, il a choisi une écriture différente de la pratique académique, plus littéraire sans aucun doute, au service d’« un récit de filiation » comme l’indique le sous-titre. Le tueur fracassant les vies et les existences a rempli les générations du goût entêtant de la défaite. L’historien a arrêté la spirale de l’effondrement, par les mots, par la méthode historienne qui autorise à s’en affranchir pour se mettre en danger et prendre tous les risques d’écriture. En cela, Audoin-Rouzeau s’est rapproché de très près de la guerre, du tueur qui est en elle et du deuil éternel qu’elle impose aux vivants. Et, alors, il a terrassé le monstre en le projetant dans la lumière.

Audoin-Rouzeau est un ami. Aux amis, on peut dire la vérité profonde des choses. Audoin-Rouzeau a écrit un petit livre, mais un grand livre. Il démontre que les sciences sociales peuvent sortir d’elles-mêmes pour prétendre à l’œuvre d’art. Il n’avait pas le choix du reste. Son père Philippe compte parmi les grands surréalistes français, le plus méconnu aussi. On n’écrit pas impunément sur son père.

Vincent Duclert  

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