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avril 2013

30 avril 2013

Géographies imaginaires de Patrick Modiano

Blog modiano
Pour celles et ceux qui connaissent Annecy et les rives du lac, Villa triste, le quatrième roman de Patrick Modiano, qu’il écrivit en 1975 à l’âge de trente ans, a un fort parfum de mélancolie. L’écrivain décrit parfaitement l’atmosphère d’une ville pleine de la modernité des années soixante et en même temps alanguie sur un lac d’une exceptionnelle beauté. Cette « station thermale » que décrit l’auteur est un refuge pour le narrateur, qui a fui Paris « avec l’idée que cette ville devenait dangereuse pour des gens comme moi. Il y régnait une ambiance policière déplaisante. Beaucoup trop de rafles à mon goût ». Modiano parle de la guerre d’Algérie, il évoque aussi son propre malheur d’adolescent livré à la violence du monde et des familles. Après un véritable emprisonnement à Thônes dans un établissement religieux, il revient à Annecy pour passer son baccalauréat. Il semble qu’il ait vécu ce moment comme un ravissement incertain. En tout cas, le lecteur accompagne le narrateur dans ses promenades au charme suranné, dans la lumière des nuits d’été, au long de l’avenue d’Albigny, vers le Sporting où l’on se baigne et découvre la jeunesse dorée de la ville, « sage et romantique jeunesse qu’on expédierait en Algérie ».

Les premières pages de Villa triste décrivent très précisément la topographie des lieux. Ainsi, « à la hauteur du Sporting, de l’autre côté de l’avenue d’Albigny, commence le boulevard Carabacel. Il monte en lacet jusqu’aux hôtels Hermitage, Windsor et Alhambra, mais on peut également emprunter le funiculaire. L’été, il fonctionne jusqu’à minuit et on l’attend dans une petite gare qui a l’aspect extérieur d’un chalet ». Le lecteur avisé l’aura noté, Modiano vient ici de quitter les réminiscences anneciennes pour celles de Nice et de son boulevard de corniche Carabacel. Cette géographie imaginaire, retravaillée par l’écrivain, révèle encore davantage la mélancolie d’Annecy qui apparaît bel et bien comme un refuge, rapprochant le sentiment des lieux que l’auteur, ou le narrateur, évoque par petites touches lumineuses*. 

Villa triste ouvre aujourd’hui la série des romans de Patrick Modiano que publient les éditions Gallimard en collection « Quarto » (1088 p., 23, 50 €). C’est une heureuse initiative. De nombreuses photographies introduisent les pays imaginaires de Modiano qui confie, à propos de cette réédition :

«Ces "romans" réunis pour la première fois forment un seul ouvrage et ils sont l'épine dorsale des autres, qui ne figurent pas dans ce volume. Je croyais les avoir écrits de manière discontinue, à coups d'oublis successifs, mais souvent les mêmes visages, les mêmes noms, les mêmes lieux, les mêmes phrases reviennent de l'un à l'autre, comme les motifs d'une tapisserie que l'on aurait tissée dans un demi-sommeil.
Les quelques photos et documents reproduits au début de ce recueil pourraient suggérer que tous ces "romans" sont une sorte d'autobiographie, mais une autobiographie rêvée ou imaginaire. Les photos mêmes de mes parents sont devenues des photos de personnages imaginaires. Seuls mon frère, ma femme et mes filles sont réels.
Et que dire des quelques comparses et fantômes qui apparaissent sur l'album, en noir et blanc? J'utilisais leurs ombres et surtout leurs noms à cause de leur sonorité et ils n'étaient plus pour moi que des notes de musique.»

V.D.

* Voir l’excellent site Le Réseau Modiano http://reseau-modiano.pagesperso-orange.fr/le_fardeau_du_nomade_3.htm

24 avril 2013

Sur les traces du génocide

Ce 24 avril désigne chaque année le jour anniversaire du déclenchement du génocide des Arméniens. Il sera particulièrement commémoré en France, mais aussi, depuis peu, en Turquie où de courageux démocrates défient le négationnisme d’Etat et les lois officielles pour se souvenir qu’il y a presque un siècle, le 24 avril 1915, débutait, par l’arrestation et la mise à mort de plusieurs centaines d’intellectuels, l’irréparable, l’extermination de la minorité arménienne par les dirigeants unionistes de l’Empire ottoman.

Blog perrier
Pour se souvenir, pour comprendre, pour apprendre aussi l’évolution de la société turque qui commence de regarder lucidement le passé, on dispose désormais d’une enquête de toute première main, d’une haute qualité intellectuelle et journalistique, due à deux correspondants de presse française à Istanbul, Laure Marchand (Le Figaro, Le Nouvel Observateur) et Guillaume Perrier (Le Monde et le Blog Au fil du Bosphore). Fondé sur un travail préparatoire de grands reportages mais les dépassant dans une synthèse achevée, La Turquie et le fantôme arménien (Actes Sud-Solin, 219 p., 23 €) démontre combien la démocratisation de la Turquie dépend du travail que sa société mènera sur son propre passé et sur celle d’une nation née dans sa forme actuelle le 29 octobre 1923. L’arménité de la Turquie, qui a beaucoup apporté à la civilisation turco-ottomane, ne peut plus exister seulement comme un fantôme que l’on cache, parce qu’avec cette dissimulation, la Turquie se mutile elle-même. Le travail de Laure Marchand et Guillaume Perrier est une contribution majeure dans le processus de vérité-réconciliation qui adviendra un jour. Le livre porte bien son sous-titre, il emmène le lecteur « sur les traces du génocide », présentes au plus profond des familles, à travers les destins d’orphelines ou d’orphelins arméniens, et occultées au point de devenir un véritable traumatisme de la conscience collective. L’intellectuel turc d’origine arménienne Hrant Dink, avait expliqué cela avant de finir assassiné le 19 janvier 2007 par le bras armé de l’ultra-nationalisme, au pied de l’immeuble de son journal bilingue Agos. Il est très présent dans le livre, de même que les justes de Turquie qui, au péril de leur vie, sauvèrent des Arméniens de l’extermination programmée.  

Dans un article Revue arménienne des questions contemporaines (décembre 2012, pp. 75-85), le grand spécialiste du génocide des Arméniens Raymond Kévorkian constate que l’historien, lorsqu’il aborde un dossier sur les violences de masse, « ne peut échapper à une réflexion sur sa dimension politique, sur son actualité contemporaine, sur les représentations de l’événement portées par les descendants des victimes et des bourreaux ». Il encourage en conséquence à étudier en profondeur l’ « arrière-plan politique et géopolitique qui est consubstantiel de la nature même des crimes d’Etat » (p. 85). Cette étude, l’historien turc Taner Akçam, précurseur des meilleures recherches actuellement menées sur le génocide, l’esquisse brillamment pour la Turquie dans sa préface à l’enquête de Laure Marchand et de Guillaume Perrier.

Vincent Duclert

Séquence BD. Le Convoi

Blog convoi 1
Le Convoi
imaginé par Denis Lapière et dessiné par Eduard Torrents débute dans les années 1970 à Montpellier. Angelita prend un verre avec l’un de ses collègues qui lui parle avec chaleur de son petit accent espagnol, puis rentre chez elle. Le lendemain matin, le téléphone sonne, son beau-père l’avertit que sa mère est hospitalisée à Barcelone. Elle s’y précipite avec René. Dans le train, elle commence à lui raconter son enfance, l’âge de huit ans en Catalogne dans les derniers feux de la guerre d’Espagne, le choix de son père de continuer à se battre pour défendre la ville, puis le départ vers la frontière, le passage des Pyrénées en convoi dans une nuit glacée, l’arrivée au Perthuis, la séparation des hommes et des familles, la dernière fois qu’elle voit son père, l’enfer sur la plage au camp d’Argelès, enfin l’hébergement d’elle et de sa mère chez un boulanger, un autre travail dans un atelier de confection et pour la petite fille le début d’une difficile intégration dans la France de Vichy et de la Libération. « On me faisait comprendre que je n’avais pas le droit d’être ici ». En mars 1946, elle apprend que son père est mort, déporté à Mauthausen un an plus tôt. Sa mère se remarie. Son existence de jeune orpheline se déroule désormais à Montpellier, elle s’y marie, elle devient mère de deux enfants, la vie s’écoule…..

Blog convoi 2
Arrivée à Barcelone, se précipitant à l’hôpital, elle découvre sa mère sous respirateur artificiel, et près d’elle, son père …. La seconde partie du Convoi raconte alors l’histoire de son père tel qu’il se livre longuement à sa fille. Elle sort dans la ville. Soudain des klaxons retentissent dans la ville endormie, un jeune Catalan la prend dans ses bras. « Franco ha mort ! ». Nous sommes le samedi 20 novembre 1975.

Le tome 1, de 64 pages, intègre un supplément historique et un carnet de croquis d’Eduard Torrents. L’ensemble, publié chez Dupuis (15,50 € chaque), est une réussite, tant sur le plan esthétique que narratif.  

Vincent Duclert

22 avril 2013

La mort de François Jacob

Blog jacob 0

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Comme nous l’apprend Le Monde.fr (confirmant une information de Huffington Post), l'ancien chancelier de l'Ordre de la Libération Fred Moore  a révélé dimanche soir la mort, vendredi 19 avril, à l’âge de 92 ans, du biologiste et professeur au Collège de France François Jacob, co-titulaire du Prix Nobel de médecine en 1965.

Né le 17 juin 1920 à Nancy (Meurthe-et-Moselle), François Jacob entra dans les Forces française libres (FFL) dès juillet 1940. Il combattit en Libye, en Tripolitaine, en Tunisie et en France. Pour ses hauts faits d’arme, il fut nommé dans l’Ordre de la Libération et en devint même chancelier de 2007 à 2001 (ce qui en faisait protocolairement le 16e personnage de l’Etat, rappelle aussi Le Monde).

Blog jacob 1
Cette histoire, jusqu’aux découvertes qui lui valurent avec Jacques Monod et André Lwoff le Prix Nobel, est restituée par lui dans un ouvrage d’une justesse inégalée, La Statue intérieure, le premier ouvrage à ma connaissance que sa fille Odile Jacob publia aux éditions du même nom en 1987. A la création de ce Blog des Livres de La Recherche, le 11 février 2008**, nous avions placé cette initiative de réflexion commune par la lecture et l’écriture sous l’inspiration de La Statue intérieure. Nous republions plus bas ce premier billet du Blog des Livres.

Blog jacob 2
La disparition de François Jacob nous renvoie encore plus profondément dans le passé, en novembre 2002, quand nos travaux collectifs (avec Alain Chatriot) sur la politique scientifique de Pierre Mendès France et du général de Gaulle, incarnée notamment dans la création de la DGRST, nous avait conduits à intervenir sur le présent, alors que la recherche publique française vivait de profondes remises en cause de la part du pouvoir politique. Avec François Jacob et d’autres pionniers de la mobilisation scientifique des années cinquante et soixante, nous avions pris l’initiative de lancer une vaste réflexion sur l’avenir de la recherche en France. Répondant à notre demande, François Jacob nous avait adressé un texte qui constitua le point de départ de l’entreprise. Nous le publions également plus bas, ainsi que la liste des contributeurs de Quel avenir pour la recherche ? (Flammarion, 2003, 349 p., 21, 40 €).

La mort de François Jacob ramène ainsi dans la lumière du temps tout un passé que l’on croyait lointain et qui n’avait pas cessé de vivre en nous.

Vincent Duclert

*Photo AFP 1986.

**Depuis, nous avons passé le cap des 900 billets et nous fêterons les mille en juillet prochain.

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19 avril 2013

Centenaire de Paul Ricoeur

Blog ric
Le centième anniversaire de la naissance du philosophe Paul Ricoeur a donné lieu à d’importantes manifestations scientifiques orchestrées notamment par l’équipe réunie autour du Fonds Ricoeur, dont Catherine Goldenstein, et par son biographe, l’historien François Dosse. Ces deux spécialistes ont rassemblé dans un ouvrage collectif, entre histoire et philosophie, les analyses produites à l’occasion d’un autre anniversaire, voici trois ans, celui des dix ans de l’ouvrage majeur de Paul Ricoeur, La Mémoire, l’Histoire, l’Oubli (Seuil). Entre deux anniversaires donc, et dépassant le cadre commémoratif, Paul Ricoeur : penser la mémoire (Seuil, 298 p., 25 €) permet d’approfondir les thèses d’un livre qui a invité au dialogue, et parfois à la controverse entre historiens et philosophes et au sein même des deux communautés. On lira à ce propos la contribution de l’historien de la philosophie François Azouvi sur « le thème de l’extermination des Juifs dans la réception de La Mémoire, l’Histoire, l’Oubli ». 

Blog ric 2
Aux éditions des Presses universitaires de France paraît au même moment l’étude du philosophe Johann Mitchell, membre lui aussi de l’équipe du Fonds Ricoeur et co-directeur des Etudes Ricoeuriennes/Ricoeur Studies, une étude consacrée aux « contemporains » du philosophe, visant à dépasser le truisme qui fait de Ricoeur « un philosophe du dialogue ». Ricoeur et ses contemporains (180 p., 19 €) circule entre ceux qui « ont fait l’objet de traitements conséquents » (Foucault et Derrida), « les auteurs rarement cités » (Bourdieu et Deleuze), et « ceux qui ne sont pratiquement jamais évoqués » comme Castoriadis. Mais on peut y ajouter aussi ces grands classiques convoqués par l'auteur, d’Aristote à Kant et Spinoza, en passant par Freud et Heidegger, et puis Levinas et Lévi-Strauss.

Vincent Duclert 
17 avril 2013

Histoire et mémoires

Blog jout
La nouvelle collection « Sciences humaines/Ecritures de l’Histoire » de La Découverte* est inaugurée par un ouvrage de Philippe Joutard, Histoire et mémoires. Conflits et alliance (344 p., 24 €). C’est une belle réussite, parce que l’auteur est l’un des chercheurs qui s’interroge le plus sur les questions de mémoire collective et de transmission -lesquelles ont profondément transformé les méthodes et le métier d’historien. Le livre est à la fois très clair, bien organisé, et d’une pensée profonde, qu’elle soit analytique ou personnelle. Philippe Joutard restitue son propre parcours, ses recherches et ses lectures qui l’ont conduit à élaborer une compréhension de l’histoire dans son rapport au phénomène des mémoires. Il exprime ses dettes, à ses maîtres comme aux plus jeunes dont Ivan Jablonka, auteur d’une prodigieuse enquête pour « retrouver » ses grands-parents qu’il n‘a pas eus, disparus dans la Solution finale (Le Seuil, coll. « La librairie du XXIe siècle »).

La fonction de l’historien s’éclaircit, devant le XXe siècle, « siècle des extrêmes » (Eric Hobsbawm), de l’extrême violence, de l’inhumanité extrême. « Le crime parfait ne veut laisser aucun témoin, aucun indice, écrit Philippe Joutard. Modestement, obstinément, l’historien recherche une part de vérité sans laquelle il n’y a pas d’humanité ».

Ces quelques lignes disent la gravité du livre, et sa justesse.

Vincent Duclert

*dirigée par Christian Delacroix, François Dosse et Patrick Garcia. Dans la même collection est paru un deuxième ouvrage, d’Olivier Forlin, Le fascisme. Historiographie et enjeux mémoriels (408 p., 26 €).


 

11 avril 2013

Le piège identitaire

Blog descom
Le mot « identité », qui s’est massivement répandu dans les sociétés contemporaines, allant jusqu’à désigner dans les guides touristiques le caractère typique d’un quartier populaire, « dit aujourd’hui quelque chose de plus », expose le philosophe Vincent Descombes dans une étude intitulée, Les embarras de l’identité (Paris, Gallimard, coll. « NRF Essais », 2013, 282 p., 21 €). Comment ce vocable peut-il porter tant de significations jusqu’à dire « une chose qui possède la vertu d’être elle-même alors qu’elle aurait pu ne pas encore être elle-même ou ne plus être elle-même ». Pour le philosophe, il y a une énigme lexicale qu’il va s’appliquer à résoudre : « pourquoi est-ce le mot “identité” qui s’est trouvé chargé de signifier l’enjeu de l’objet de tels conflits ? ». L’identité, concept de nos jours si prégnant et englobant, enferme autant qu’il libère. Il est temps d’y mettre un peu de raison et de clarté. C’est la tâche du philosophe.

Blog agier
L’anthropologue est aussi convié à cette réflexion comme s’y emploie Michel Agier dans La condition cosmopolite résolument sous-titré : « l’anthropologie à l’épreuve du piège identitaire ». En face de cette tentation du repli, l’anthropologue plaide pour le passage des frontières et une construction de soi à l’échelle du monde. Pour ce faire, il mobilise de nombreux travaux et enquêtes dans un livre empirique autant que programmatique (La Découverte, coll. « Sciences humaines », 216 p., 20 €).   

Vincent Duclert

10 avril 2013

Cinéma et science

Alliage, la revue qui croise culture, science et technique, s’intéresse dans sa dernière livraison au cinéma et à la science, moins pour leurs éventuelles similarités que pour leurs différences. Approfondir les identités de l’un comme de l'autre, c’est permettre de mieux comprendre leurs relations, par exemple autour du documentaire mais aussi de la fiction et bien sûr du film de science-fiction. Loin du poncif « Art-Science », Alliage explore les mondes de l’image animée et des mythes hollywoodiens (n°71, hiver 2012-2013, 215 p., 21 €)

V.D.

(en couverture - image à venir-, Anna Karina dans Alphaville de Jean-Luc Godart). 
08 avril 2013

La Découverte a 30 ans

Blog la découv
On ne se lasse jamais de lire Isabelle Stengers, qui se renouvelle autant qu’elle maintient une critique philosophique radicale du mouvement des sciences contemporaines. Pour cela, nous avons choisi de la mettre à l’honneur du Livre du Mois d’avril de La Recherche, pour son essai intitulé Une autre science est possible ! Manifeste pour un ralentissement des sciences (Les empêcheurs de penser en rond/La Découverte, 215 p., 16,50 €). On pourra lire ce compte rendu plus bas, dans une version légèrement augmentée, l’impitoyable mais toujours juste dans sa sagesse légendaire rédaction en chef ayant procédé aux coupes réglementaires. Nous concluons par un regret, celui que le livre ne soit finalement que peu édité. Il est possible que cette forme « brute » d'Une autre science constitue un choix délibéré des Empêcheurs de penser publiant aux Editions La Découverte. Mais à l’heure où cette dernière, indissociablement identifiée à son directeur et fondateur François Gèze, fête ses « 30 ans d’essais et de documents », nous lançons un cri du cœur : « François, ne baisse pas la garde, demeure la vigie des sciences humaines et sociales tel le granit émergeant de la plaine ! ».

En guise de contrition peut-être, François Gèze et la Découverte ont décidé d’offrir pour tout achat de deux ouvrages un livre qui réunit un ensemble de préfaces, Préface (s) à 30 ans d’édition préfacé par François Cusset.  

V.D.

 

 

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05 avril 2013

La conscience malheureuse

Blog fondane
La « conscience malheureuse » du poète Benjamin Fondane, c’est la douleur existentielle de l’être contemporain qui tente de rapprocher deux mondes qui s’éloignent, celui de la raison et de la croyance, le divorce en d’autres termes entre Athènes et Jérusalem. Paru en 1936 chez Denoël, l’œuvre a aussitôt marqué la pensée d’Albert Camus, de Jean Grenier ou, plus proche, d’Yves Bonnefoy, comme le rappelle Olivier Salazar-Ferrer, le préfacier de cette nouvelle édition publiée par Verdier (368 p., 20,50 €). Benjamin Fondane fut un profond et brillant penseur de l’entre-deux-guerres parisienne, né en Roumanie en 1898 dans une famille juive très éduquée de Jassy (Moldavie). Installée d’abord à Bucarest où il collabore à de nombreuses revues littéraires et créé le théâtre d’avant-garde Insula (« L’île ») et où il subit l’antisémitisme qui grandit en Roumanie, il arrive à Paris en décembre 1923. En quelques années, il devient un intellectuel de premier plan, jusqu’à son arrestation le 7 mars 1944 par la police française, en même temps que sa sœur Line. Ils sont internés à Drancy. Suite à différentes démarches, Fondane est autorisé à sortir du camp. Mais il refuse de quitter Drancy sans sa sœur, Line, qui est encore citoyenne roumaine. Ils sont déportés à Auschwitz le 30 mai (l’avant-dernier convoi de Drancy no 75). Le 2 ou le 3 octobre, comme le mentionne la chronologie proposée par le site des Editions Verdier*, Fondane est assassiné dans la chambre à gaz d’Auschwitz-Birkenau.

Son dernier texte philosophique Le Lundi existentiel et le Dimanche de l’Histoire est remis aux éditions Gallimard qui le publieront en 1945 dans L’Existence, volume dirigé par Jean Grenier.

  Blog fond 2

Si l’importance des lettres françaises pour la culture roumaine est souvent attestée, on doit souligner encore et toujours la contribution des consciences roumaines aux lettres et à la philosophie françaises (ainsi qu’au cinéma, Fondane s’y intéressait beaucoup).

Vincent Duclert
* http://www.editions-verdier.fr/v3/auteur-fondane-1.html