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19 mars 2013 |

Robert Castel

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Le sociologue Robert Castel est décédé brusquement à Vincennes, le 12 mars dernier, à l’âge de 79 ans, alors qu’il continuait toutes ses activités de recherche et de vulgarisation des sciences sociales. Né à Brest dans un milieu ouvrier, formé à l’apprentissage, marqué par la tragédie dès son plus jeune âge (il a dix ans quand sa mère meurt d’un cancer ; deux ans plus tard, son père se suicide), il s’intéresse très tôt « aux gens vulnérables, aux trajectoires incertaines et tremblées » (Le Monde, novembre 2011). Cette sensibilité va le conduire, après une thèse sous la direction de Raymond Aron, à enquêter sur le monde de la psychiatrie puis avec Pierre Bourdieu, sur celui du salariat (Les Métamorphoses de la question sociale, Fayard, 1995), avant de devenir, ces dernières années, l’observateur critique le plus avisé des transformations sociales vers la précarité, le déracinement, le déclassement. La montée des incertitudes (Le Seuil, 2009) était précisément sous-titré « Travail, protection, statut de l’individu », tandis qu’à « La République des idées », il publiait coup sur coup deux essais majeurs, L’insécurité sociale en 2003 et La discrimination négative en 2007 (140 p., 11, 50€) qui s’appliquait à penser en même temps, et à prendre à la lettre, l’arrivée de Rachida Dati au ministère de la Justice « en accomplissement des principes républicains, et les jeunes de banlieue en incarnation de la dangereuse asocialité d’individus complètement étrangers à nos valeurs et à nos manières d’être ».

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Le portrait du Monde évoquait l’importance, pour Robert Castel, de l’enseignement de liberté reçu par un professeur de mathématiques du collège technique de Brest, ancien déporté à Buchenwald. Dans un texte autobiographique publié par Esprit, Robert Castel rendit lui hommage et rappela à cette occasion jusqu'où les discriminations pouvait mener. Il put voir le camp de Buchenwald à l'occasion d'une conférence à Iéna, méditant la résistance dans cet enfer de son ancien professeur, imaginant toujours « comment les petits individus que nous sommes avec leurs petites histoires sont traversés par une grande histoire qui les façonne ». L'effort obstiné pour penser l'écrasement des individus allait constituer, sous la plume de Robert Castel, des chemins de liberté pour les générations présentes et futures, tandis que l'existence des disparus prenait avec lui plus de sens et de vérité.  

Vincent Duclert

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