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mars 2013

27 mars 2013

Quoi de neuf ?

Blog technique
Dans une substantielle étude que viennent de traduire les éditions du Seuil, Quoi de neuf ? (par Christian Jeanmougin, coll. « L’univers historique », 319 p., 22 €), David Edgerton a analysé l’impact des progrès technologiques sur les sociétés, adoptant un point de vue d’histoire globale des techniques défendu naguère par Lucien Febvre et Marc Bloch dans leur revue des Annales, en 1935. En s’appuyant sur de nombreux exemples (illustrés), cet historien britannique des sciences et directeur du Centre d’histoire des sciences, de la technologie et de la médecine à l’Imperial College (Londres) démontre l’ancienneté des transformations sociales engendrées par la technologie. Elles ne datent pas des dernières décennies. Et les enseignements de cette histoire méritent qu’on s’y attache.

Blog tech simond

Philosophe, Gilbert Simondon a quant à lui réédité dans une nouvelle édition revue et corrigée son essai sur le Mode d’existence des objets techniques (Aubier, coll. « Philosophie », 368 p., 23 €).

Vincent Duclert

26 mars 2013

Lettres roumaines, suite

Le Salon du Livre a fermé ses portes hier lundi 25 mars, avec une fréquentation en hausse de 3% (190 000 visiteurs).  Alors que les lettres roumaines étaient les belles invitées de cette 33e édition, des écrivains et des officiels roumains avaient décidé de boycotter le Salon, dont, par prudence, le Premier ministre Victor Ponta, convaincu de plagiat.

A lire l’article du Monde du 22 mars 2013 (« Des écrivains roumains boycottent le Salon du livre »*), dû à Mirel Bran, cette affaire relèverait donc d’un emblématique combat des héros de la liberté pourfendant l’obscurantisme incarné par Victor Ponta et ses sbires dont le fameux directeur de l’Institut culturel roumain surnommé « Mr. Radiateur ». Les choses sont quand même beaucoup plus compliquées que ne le présente le correspondant du journal à Bucarest. Si Ponta est effectivement coupable de plagiat (dans sa thèse de doctorat) et si son choix pour la direction de l’Institut n’est pas des plus heureux, il faut replacer cette tension dans le cadre de la lutte acharnée que mène l’actuel président de la République pour regagner un pouvoir personnel et autoritaire largement amoindri par l’action politique de Ponta.

C’est là où deux correctifs importants doivent être apportés à la présentation faite dans l’article du Monde. D’une part, le Premier ministre n’agit pas en dehors de « toutes les règles de l’Etat de droit », il a le soutien du Parlement et son parti a remporté les dernières élections. Aujourd’hui, 70% des parlementaires sont hostiles à l’actuel président Traian Băsescu que le correspondant du Monde qualifie benoitement de « centre droit ». Pour bien comprendre l’enjeu des luttes politiques et intellectuelles qui se jouent en Roumanie, il faut savoir d’autre part que Băsescu appartint au réseau politico-financier du système de l’ancien dictateur Ceausescu. Il a plaidé qu’il a changé et qu’il est devenu libéral. Or, de nombreux observateurs et beaucoup des intellectuels démocrates de Roumanie estiment que ce n’est pas le cas, qu’il tente de conserver un pouvoir exorbitant et qu’il utilise tous les moyens, légaux ou non, pour se maintenir (dont l’usage à des fins politiques des services de renseignement). La présidence a perdu un certain nombre d’outils d’action ou d’influence, le dernier en date étant l’Institut culturel roumain, ce qui a déclenché l’offensive sur le directeur nommé par le Premier ministre. Andrei Marga n’est probablement pas très adroit dans ses déclarations publiques, mais il ne se réduit pas non plus à la caricature que propose Le Monde, il a notamment occupé le poste de recteur de la prestigieuse université de Cluj. Les attaques qui le visent relèvent d’un nouvel épisode des campagnes menées par les hommes-liges du Président, ceux qu’on appelle à Bucarest les « intellectuels de Băsescu », contre le pouvoir concurrent de Victor Ponta. On peut regretter donc que Le Monde n’ait pas pris soin de mieux contextualiser ces affrontements internes à la Roumanie et de signaler que se joue quand même, dans ce grand pays ami de la France, un nouveau chapitre de la sortie du communisme dans l'ex-Europe de l’Est.

Blog istrati

On a en revanche bien davantage goûté la qualité du « Prière d’insérer » de Jean Birnbaum, responsable du Monde des Livres qui a rappelé, dans l’édition consacrée au Salon (22 mars 2013), les attaques violentes et même antisémites qu’infligèrent à l’écrivain Panaït Istrati les fascistes de la Garde de fer à Bucarest, mais aussi, depuis Paris, les communistes français ulcérés par son crime de lèse-stalinisme : en 1929, l’écrivain avait publié Vers l’autre flamme, « texte capital où il racontait son périple à travers l’URSS », une plongée hallucinante dans l’univers des « militants-racailles » et de la misère sociale née de l’injustice organisée.

 

Blog istri 2

Le témoignage édifiant de son compagnon de voyage, le romancier grec Nikos Kazantzaki, vient d’être publié par l’Institut Mémoire de l’édition contemporaine (Lignes/Imec, 344 p., 24 €).

Vincent Duclert  

*http://www.lemonde.fr/livres/article/2013/03/22/des-ecrivains-roumains-boycottent-le-salon-du-livre_1852815_3260.html

21 mars 2013

Le grand dépotoir

Blog salon
Le 33e Salon du livre a été inauguré ce soir porte de Versailles. Les lettres roumaines en sont les invitées de marque.

Parmi les récentes traductions, signalons chez Denoël celle du roman Groapa, que m’a offert un excellent ami de Bucarest. Il est vrai que ce livre concerne la capitale roumaine ou plus exactement ses marges ou la « zone » comme on appelait ces espaces du refoulé, de la misère et de la transgression. Son auteur, Eugen Barbu (1924-1993), s’est lui aussi compromis dans le « grand dépotoir », mais en plus sordide, se transformant en policier des lettres et auxiliaire zélé du régime de Ceauşescu. Pourtant, comme le souligne l’éditeur et la traductrice, Laure Hinckel, « si sévère que soit le jugement porté aujourd’hui sur l’auteur, ce livre demeure l’une des grandes œuvres de la littérature roumaine du XXe siècle » (coll. « Denoël et d’Ailleurs », 558 p., 24,50 €).  V.D.

Blog barbu

Robert Castel suite. Une hypothèse capitale

Blog castel 3
Les éditions La Découverte m’ont adressé aussitôt (merci aux attachés de presse si soucieuses de la réception publique et intellectuelle des productions de leur maison) le gros volume collectif conçu avec Robert Castel et autour de son œuvre (Changements et pensées du changement, 362 p., 27 €). Le dialogue se fait par la lecture et l’écriture, mais celles-ci sont plus insistantes que traditionnellement dans ce genre d’exercice. Ainsi Gérard Mauger, retournant l’interrogation soulevée par Castel dans un post-scriptum à La Montée des incertitudes (2009), « Pourquoi la classe ouvrière a perdu la partie ? », pose-t-il à son tour une série de questions directement adressées au sociologue.

L’enquête sur la sociologie de Robert Castel, qu’a imaginée Claude Martin (chaire « Lien social et santé » à l’Ecole des hautes études en santé publique) donne aussi la parole à l’intéressé, sous forme de réponses qui viennent nouer encore davantage entre elles les différentes parties du livre. Ici, l’échange est le meilleur hommage qui puisse être rendu à Robert Castel et aux principes auxquels il s’est tenu dans ses relations avec Pierre Bourdieu et Michel Foucault : « Le bon usage qu’il faut faire des grands hommes si l’on veut rester libre consiste à ne pas en être trop près ».

L’ouvrage est tendu entre deux beaux textes de liberté de Robert Castel, qui se répondent, le premier pour « penser le changement », son parcours des années 1960-2010 débuté dans les destructions matérielles, humaines et morales de la Seconde Guerre mondiale, le second qui poursuit la réflexion sur le lien de Robert Castel avec ces destructions, incarné dans un homme, un professeur, et sa déportation à Buchenwald. Le sociologue se rendit en 2007 dans l'ancien camp nazi, pour un hommage à celui qui, en 1947 ou en 1948, lui avait dit, à la fin de la dernière classe de l’année au collège technique de Brest : « Castel , tu peux faire autre chose, ne reste pas ici où tu vas te planter. Dans la vie, il faut aimer la liberté et prendre des risques. Va au lycée et si tu as de la chance et du courage, je pense que tu n’es pas idiot et que tu seras capable de te débrouiller ».

Robert Castel a suivi le conseil de celui que les élèves surnommaient « Buchenwald ». Il en fait même le fondement d’une hypothèse capitale sur les identités individuelles les plus décisives, sur la relation « entre ce qui advient à l’individu dans l’histoire qu’il traverse et ce qui le constitue en lui-même comme un individu singulier. Ces événements qui paraissent lui advenir du dehors ne sont pas seulement le cadre dans lequel il se meut et dont les contraintes l’affecteraient de l’extérieur. Ces déterminations forment la trame qui est cœur de ses comportements les plus personnels ». On mesure ce qu’une telle hypothèse nous dit sur la transmission et l’importance d’en créer les lieux ou les occasions, à l’école, au musée, au travail, elle souligne le caractère essentiel d’une histoire qui puisse approcher de la société et parler aux individus.

Ces propositions, écrit encore Robert Castel, « expriment la préoccupation essentielle dont je n’arrive pas à me défaire depuis que j’ai commencé à faire de la sociologie ».

Vincent Duclert     

19 mars 2013

Robert Castel

Blog Castel
Le sociologue Robert Castel est décédé brusquement à Vincennes, le 12 mars dernier, à l’âge de 79 ans, alors qu’il continuait toutes ses activités de recherche et de vulgarisation des sciences sociales. Né à Brest dans un milieu ouvrier, formé à l’apprentissage, marqué par la tragédie dès son plus jeune âge (il a dix ans quand sa mère meurt d’un cancer ; deux ans plus tard, son père se suicide), il s’intéresse très tôt « aux gens vulnérables, aux trajectoires incertaines et tremblées » (Le Monde, novembre 2011). Cette sensibilité va le conduire, après une thèse sous la direction de Raymond Aron, à enquêter sur le monde de la psychiatrie puis avec Pierre Bourdieu, sur celui du salariat (Les Métamorphoses de la question sociale, Fayard, 1995), avant de devenir, ces dernières années, l’observateur critique le plus avisé des transformations sociales vers la précarité, le déracinement, le déclassement. La montée des incertitudes (Le Seuil, 2009) était précisément sous-titré « Travail, protection, statut de l’individu », tandis qu’à « La République des idées », il publiait coup sur coup deux essais majeurs, L’insécurité sociale en 2003 et La discrimination négative en 2007 (140 p., 11, 50€) qui s’appliquait à penser en même temps, et à prendre à la lettre, l’arrivée de Rachida Dati au ministère de la Justice « en accomplissement des principes républicains, et les jeunes de banlieue en incarnation de la dangereuse asocialité d’individus complètement étrangers à nos valeurs et à nos manières d’être ».

Blog castel 2

Le portrait du Monde évoquait l’importance, pour Robert Castel, de l’enseignement de liberté reçu par un professeur de mathématiques du collège technique de Brest, ancien déporté à Buchenwald. Dans un texte autobiographique publié par Esprit, Robert Castel rendit lui hommage et rappela à cette occasion jusqu'où les discriminations pouvait mener. Il put voir le camp de Buchenwald à l'occasion d'une conférence à Iéna, méditant la résistance dans cet enfer de son ancien professeur, imaginant toujours « comment les petits individus que nous sommes avec leurs petites histoires sont traversés par une grande histoire qui les façonne ». L'effort obstiné pour penser l'écrasement des individus allait constituer, sous la plume de Robert Castel, des chemins de liberté pour les générations présentes et futures, tandis que l'existence des disparus prenait avec lui plus de sens et de vérité.  

Vincent Duclert

Séquence BD. Mezek

Blog mezek 1
Dans la bande dessinée française se détache le dessin d’André Juillard, unique, simple et profond à la fois, très pictural et littéraire comme les scénarios qu’il accompagne en leur donnant une vie pleine de mélancolie et de fine tragédie, à fleur de peau. Dessinateur du Cahier bleu et d’Après la pluie (Casterman) mais aussi de quatre albums de Blake & Mortimer (avec Yves Sente), Juillard a récemment imaginé l’univers visuel de l’histoire des pilotes – juifs ou mercenaires – composant, durant la Seconde Guerre mondiale, l’Israeli Air Force. Volant sur des mezek (du nom de l’album au Lombard, 64 p., 16,45 €), ils risquent plus que leur vie à chaque sortie contre les Spitfires égyptiens. Car ces avions de fabrication tchèque, importés clandestinement malgré le blocus grâce à d'immenses traversées aériennes au-dessus de l'Europe en guerre, se révèlent être de véritables cercueils volants. Le suédois Björn, l’un des volontaires étrangers, tente de percer le mystère des accidents à répétition, au milieu du quotidien d’un escadron fait de bric-et-de-broc, peuplé de combattants juifs mais aussi de jeunes combattantes qui n’ont pas froid aux yeux. Comme beaucoup des êtres arrivés sur cette terre, Björn porte lui aussi un secret parfois trop lourd à porter, la mer seule l’apaise. Mais il rencontre sur la plage, dans la nuit claire des rivages de Méditerranée, ces combattantes d’un grand courage et d’une générosité inattendue.

Vincent Duclert

Blog mezek 2

13 mars 2013

Mille cercueils. Retour sur une tragédie

Blog tsun
Préfacé par le sociologue spécialiste du Japon Jean-François Sabouret, traduit du japonais par le groupe Honyakudan, le récit du journaliste Kôta Ishii vient d’être publié aux éditions du Seuil (236 p., 19 €). Dès le lendemain du tsunami, l’auteur de Mille cercueils s’est rendu dans la ville portuaire de Kamaishi et y est resté deux mois. Il a été le témoin de la recherche et de la découverte des corps des 1 100 personnes de la cité, emportées par la vague géante. Il observe avec une infinie attention cette relation des vivants avec les morts et comment la vie parvient à se renouer dans ces paysages dévastés. L’humanité des survivants, leur dévouement sans limite, les mots prononcés apaiser la souffrance et accompagner le deuil, font de ce récit un témoignage exceptionnel sur la capacité d’une société à se relever dans la fidélité aux morts et à la vie. Il fallait cette micro-enquête, au plus près d'une communauté  et de son quotidien, pour comprendre le ressort des existences endeuillées.

Vincent Duclert 
12 mars 2013

Entre guerre et paix

 

Blog chagall
Dans le petit Musée de Luxembourg à Paris se tient une belle exposition consacrée au peintre Marc Chagall, « entre guerre et paix ». La problématique est judicieuse*. Chagall est l’un des artistes du XXe siècle qui, avec Picasso (pour Guernica) a donné les représentations les plus fortes de la violence de guerre et des processus de destruction qu’elle exerce sur les sociétés et les âmes. Ses trajectoires multiples, russe, juive, chrétienne, française, américaine, ses nombreuses expériences d’exilé dans l’Europe en guerre – de la Première à la Seconde -, lui apportèrent un regard d’un grand tragique et d’une grande mélancolie. Montrant la guerre dans sa violence incommensurable, Chagall pouvait alors lui opposer ses images de paix, ses rêves d’amour et d’harmonie. Il parvenait à cet art aussi sûrement qu’il avait affronté les cauchemars de l'humanité.

Blog chagall gall
La biographie de Chagall par la critique d’art américaine Jackie Wullschläger, que viennent de traduire et de publier les éditions Gallimard (par Patrick Hersant, 576 p., 29,90 €), s’attache particulièrement aux lieux de l’artiste, qui portèrent son inspiration, depuis sa « ville triste et joyeuse » de Vitebsk aux avant-postes de l’empire russe (en Biélorussie) jusqu'à Saint-Paul de Vence, en passant par Saint-Pétersbourg, Moscou, Berlin, Paris et New-York. « Tout peintre est né quelque part », disait Chagall dans les années 1940, s’appliquant à préserver les influences de son enfance. On peut dire qu’il a vécu plusieurs naissances tout au long d’une existence presque centenaire (1887-1985), et qu’il les a emportées dans ses exils comme vers sa peinture.

Vincent Duclert

* Un catalogue est disponible (RMN-Musée du Luxembourg, 176 p., 35 €)    

06 mars 2013

L’Ecole, question philosophique

Blog école
L’Ecole, question philosophique
(Fayard, coll. « Histoire de la pensée », 354 p., 22, 50 €), pose d’emblée que « certains des problèmes cruciaux de l’institution scolaire d’aujourd’hui sont pour une part irréductibles des problèmes philosophique ». Ils le sont car « ils ont trait à des principes – les principes censés régir l’école en tant qu’institution ».  Or, ceux-ci sont aujourd'hui « confus ou introuvables », d'où l'urgence de les repenser. C’est l’objet de l’étude de Denis Kambouchner, professeur d’histoire de la philosophie à l’université de Paris 1, qui souhaite par ce travail « réexaminer les relations cardinales de l’éducation scolaire (entre les élèves, les enseignants, les savoirs et l’environnement) et définir pour elle de nouveaux équilibres ».

Blog école peillon
Cette dimension philosophique de l’école et de sa « question » impose de penser en ces termes sa refondation. Le ministre de l’Education nationale, qui est aussi un philosophe et un historien de la philosophie, en convient d’autant mieux qu’elle oriente ses convictions en matière scolaire. L’école conserve une mission morale fondée sur la transmission d’une idée de justice que l’élève s’approprie pour lui-même et qui concoure à forger son autonomie, sa liberté.

Dans l’ouvrage qu’il a publié aux éditions du Seuil le 13 février dernier (Refondons l’école. Pour l’avenir de nos enfants, 153 p., 14€), Vincent Peillon rappelle qu’il a souhaité que les dispositifs actuels d’enseignement de l’instruction civique et morale soient réexaminés. Il a missionné trois personnalités dont une philosophe, Laurence Loeffel, pour réfléchir à la morale laïque à l’école. Leur rapport doit être remis à la fin du mois de mars. Nul doute qu’il ne sera pas insensible à la philosophie, la laïcité républicaine étant issue en droite ligne de l’effort des philosophes pour penser la liberté démocratique. Ferdinand Buisson, auquel Vincent Peillon consacra une étude en 2010 (Une religion pour la République. La foi laïque de Ferdinand Buisson, Le Seuil, coll. « La Librairie du XXIe siècle », 293 p. 19 €), fut l’un de ces philosophes de la République auquel il est toujours nécessaire de se référer. Il fut aussi le principal artisan des grandes réformes scolaires de la IIIe République aux côtés de Jules Ferry.

Vincent Duclert
05 mars 2013

ADN superstar ou superflic ?

Blog adn
ADN superstar ou superflic ?
est la synthèse éclairée qui manquait sur le sujet. Conçue par deux généticien, Catherine Bourgain (Inserm) et Pierre Darlu (CNRS), l’ouvrage fait le point sur cette molécule chimique (un « ensemble désoxyribonucléique, ensemble d’atomes de carbone, d’hydrogène, de phosphate et d’azote ») à la base de méthodes éprouvées d’identification individuelle. L’analyse de l’ADN est devenue en moins de dix ans un dispositif clef de toutes les enquêtes criminelles aussi bien que l’alpha et l’oméga des recherches en paternité et, en conséquence, un marché industriel et commercial considérable. Cette domination d’une méthode si cruciale exige des contre-pouvoirs, à commencer par l’évaluation de sa fiabilité, et le maintien des investigations plus traditionnelles. L’intérêt d’ ADN superstar ou superflic ? (Le Seuil, coll. « Science ouverte », 170 p., 19 €) est justement de proposer une mise au point sur les dangers de la généralisation de la méthode de l’ADN dans les sociétés contemporaines. Les deux auteurs sont des chercheurs attachés à la réflexion critique sur les usages des techniques scientifiques, Catherine Bourgain est même présidente de la Fondation Sciences citoyennes. Aussi ce livre ne parle-t-il pas « que de science », écrivent-ils, « il parle de sciences et de marchés, de sciences et de politique, de sciences et de société, à travers le regard de deux généticiens ». Cette réflexivité éthique et professionnelle fait l’importance du livre.

Vincent Duclert