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février 2013

28 février 2013

Contre-histoire

 

Blog procha
Après la Contre-histoire du libéralisme dûe au professeur de l’université d’Urbino Domenico Losurdo (traduit de l’italien par Bernard Chamayou, coll. « Cahiers libres », 392 p., 25 €), voici que La Découverte réédite le genre* avec cette fois un collectif, Une contre-histoire de la IIIe République (401 p., 26,50 €). On n’insistera pas excessivement sur ce projet, l’auteur de ces lignes ayant (modestement) participé au volume au sein d’une équipe de vingt-quatre chercheurs français et étrangers. Les trois maîtres d’œuvre, Marion Fontaine, Frédéric Monier et Christophe Prochasson s’expliquent sur leurs intentions dans une brève mais vigoureuse introduction : confrontés à une mythologie historique fortement identifiée à un âge d’or républicain que serait la IIIe République, il s’agit pour eux « de tenter au moins de dissiper ces brumes émotionnelles » [le « halo émotif » selon Norbert Elias], de s’attaquer aux idées reçues (première partie de l’ouvrage), puis d’entrer dans les « boites noires » de la République (seconde partie**), à la recherche non d’un modèle républicain ici fortement contesté mais « bel et bien d’un projet républicain, qui se matérialise autant dans des idées, des discours, des institutions que dans des pratiques et qui n’est pas défini une fois pour toutes ». Cette notion de « projet » est reprise en conclusion, mais sous l’expression très voisine de « processus ».

Vincent Duclert

*On saura dans quelques mois si les lecteurs adhèrent à la thématique inaugurée par La Découverte des « contre-histoires », peut-être inspirée de Michel Onfray et de sa Contre-histoire de la philosophie déclinée en multiples tomes (cf. http://mo.michelonfray.fr/oeuvres/contre-histoire-de-la-philosophie-tome-7-la-contruction-du-surhomme-ed-grasset/*).

** Anne Rasmussen y questionne notamment la science et du progrès comme « mythes pour la République ».

 

Stéphane Hessel, un destin

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Né le 20 octobre 1917 à Berlin, Stéphane Hessel est mort à Paris, hier 27 février 2013. Il compte parmi les plus illustres de ces « étrangers qui ont fait la France », du nom du Dictionnaire éponyme annoncé par les éditions Robert Laffont (coll. « Bouquins ») pour cet automne. Arrivé à Paris à l’âge de 8 ans avec sa mère (qui inspirera l’héroïne du roman d’Henri-Pierre Roché, Jules et Jim), il réussit le concours de l’Ecole normale supérieure en 1937 comme élève étranger, mais doit le repasser deux ans plus tard après sa naturalisation. Résistant, il rejoint Londres et la France Libre en 1941. En mars 1942, Stéphane Hessel intègre le BCRA à l’initiative de l’un de ses amis rencontré sur la base de Camberley. Tony Mella était en effet le collaborateur direct d’André Manuel. Ce dernier, adjoint de Passy à la tête du BCRA, avait été chargé de développer l’équipe de coopération entre Britanniques et Français libre, la section R. Sa mission consistait à recueillir au bénéfice de l’état-major anglais les renseignements obtenus par les réseaux français. Stéphane Hessel collabore également à la section du contre-espionnage dirigée par Roger Wybot et Stanislas Mangin. Le 15 avril 1943, l’arrivée à Londres de Pierre Brossolette, journaliste et intellectuel socialiste, résistant de la première heure, entraîne une réorganisation du BCRA. L’influence de « ce normalien fougueux et irrésistible qui avait fait la conquête du chef du BCRA » (selon Hessel, dans Danse avec le siècle, Le Seuil, 1996, p. 72) éclipse celle d’André Manuel. Il propose une vaste réorganisation des services et des missions des deux Résistances londonienne et intérieure, et se heurte de ce fait à Jean Moulin. Si Stéphane Hessel donne raison au second dans ses mémoires de 1997, il n’oublie pas de dire ce qu’il doit au premier, tremblant avec sa femme Gilberte à chacun de ses départs pour la France. Hessel, qui effectue lui aussi des missions en France occupée pour renforcer les liens avec les réseaux travaillant pour le BCRA (dont Cohors et Vélites) et organiser l’équipement radio des maquis (action « Gréco »), est arrêté à son tour par la Gestapo, sur dénonciation, le 10 juillet 1944 à Paris. Il est torturé. Il racontera dans ses mémoires de 1997 (Danse avec le siècle), l’épreuve qu’il a subie et la stratégie intellectuelle qu’il a choisie pour y faire face (voir plus bas). Déporté à Buchenwald, puis à Dora, enfin à Bergen-Belsen où l’avance des troupes américaines permet sa libération, il retrouve Paris le 8 mai 1945.

Devenu diplomate international, il est l’un des rédacteurs de la Déclaration universelle des droits de l’homme.  En 1977, il prend la direction de la délégation française à l’ONU (Genève). Il est élevé à la dignité d’ambassadeur de France en 1981, travaille au ministère de la Coopération avant que François Mitterrand ne demande la démission du ministre Jean-Pierre Cot, trop audacieux dans la politique africaine de la France. Hessel réédite de telles audaces en 1990 dans un rapport commandé par Michel Rocard, à l’époque Premier ministre. Dans Les Relations de la France avec les pays en développement, il écrit que la politique française devrait être « revue dans le sens d'une plus grande rigueur et du rejet de toute complaisance clientéliste ». Ces propos déplaisent en haut lieu. Sa carrière diplomatique s’achève en 1993 quand il est nommé à la tête de la délégation française à la Conférence mondiale des Nations Unies sur les Droits de l'Homme. Il ne fait pas de doute que Stéphane Hessel n’a pas eu les responsabilités qu’il aurait méritées, probablement à cause de sa liberté d’esprit et de sa farouche indépendance. Celles-ci vont pleinement s’exprimer dans les vingt dernières années de sa vie.

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Fidèle à l’éthique de la Résistance, il s’emploie avec ses camarades à en faire vivre les valeurs. Avec Lucie Aubrac, Jean-Pierre Vernant ou Germaine Tillion, il lance le 8 mars 2004, depuis la Maison de l’Amérique latine à Paris, l’« Appel des Résistants aux jeunes générations ». Au-delà de la commémoration du soixantième anniversaire du programme du Conseil national de la Résistance (CNR), « nous, vétérans des mouvements de Résistance et des forces combattantes de la France Libre (1940-1945), appelons les jeunes générations à faire vivre et retransmettre l’héritage de la Résistance et ses idéaux toujours actuels de démocratie économique, sociale et culturelle. [...] Plus que jamais, à ceux et celles qui feront le siècle qui commence, nous voulons dire avec affection : “Créer, c’est résister. Résister, c’est créer” ». En 2010, le 20 octobre, jour de son 93e anniversaire, il publie le petit livre Indignez-vous (suivi d’Engagez-vous en 2011, puis d’A nous de jouer. Appel aux indignés de cette terre, en 2013 aux éditions Autrement). Son livre est un exceptionnel succès, dépassant le 4 millions d’exemplaires, forgeant l’expression des Indignés qui va fédérer de nombreux mouvements protestataires – de Madrid à New York. Alors que le livre atteignait déjà les 300 000 exemplaires, nous avions publié un article sur le Blog des Livres pour relever cette performance éditoriale (voir plus bas).

Stéphane Hessel a donc beaucoup fait pour les livres. Il a publié pas moins de quatre autobiographies où il exprimait autant sa vie passée que ses convictions présentes, sur l'Europe par exemple. Il demeure en eux tel qu’en lui-même enfin l’éternité le change, pour paraphraser le poète. Stéphane Hessel dînait du reste régulièrement au restaurant Les éditeurs à Paris, avec sa seconde femme aux côtés de laquelle il est mort mercredi. Un homme d'esprit, de goût, de fidélité. Une conscience rare. 

Vincent Duclert

 

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25 février 2013

Naissance de l’histoire du climat

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La collection « Météos » des éditions Hermann accueille le dernier ouvrage d’Emmanuel Le Roy Ladurie sur la Naissance de l’histoire du climat (223 p., 19 €). L’approche est originale et nécessaire. L’historien « Météo » comme il se désigne aborde pour commencer le moment de constitution d’un champ historiographique lors de la seconde moitié du XXe siècle, ce qui l’amène à parler de sa propre contribution à cette émergence. Puis un second chapitre revient sur des aspects plus empiriques produits précisément par cette historiographie. Enfin le troisième chapitre s’intéresse à la place des crises météorologiques dans l’histoire du monde aux XVIII et XIXe siècles, une séquence que connaît particulièrement bien l’auteur et qu’il dénomme « la météo des révolutions ».

La préface est due à Anouchka Vasak qui travaille régulièrement avec Emmanuel Le Roy Ladurie tandis que la postface est signée par l’historien des sciences et collaborateur de La Recherche Pascal Acot, auteur en 2010 de Climat, un débat dévoyé ? (Armand Colin, coll. « Eléments de réponse/Libertés d’historien », 158 p., 16,50 €). Il rend un hommage appuyé et sincère à l’historien et à son talent de réunir autour de lui des équipes nombreuses et des chercheurs passionnés. « Tous et toutes se sont habitués à une situation étonnante, conclut-il : découvrir et développer une discipline nouvelle aux côtés de son fondateur, lequel continue sans désemparer de s’investir en elle. Peu de scientifiques dans l’histoire auront eu ce privilège exceptionnel ».

Vincent Duclert
20 février 2013

Séquence BD. L’autre deuxième guerre mondiale

Blog guerre BD
Voici une série très inattendue et tout à fait réussie. Une équipe de scénaristes et de dessinateurs ont réagencé le cours de la Seconde Guerre mondiale tout en restant fidèles aux grands massifs historiques du conflit (l’Axe contre les anglo-américains, le pacte germano-soviétique, etc.). 7 tomes sont prévus, allant de la campagne de France de 1940 à Peenemunde, base des armes secrètes du nazisme. Le premier album, dû à David Chauvel, Hervé Boivin et Eric Henninot, imaginait que l’offensive allemande de 1940 ne se passe pas comme prévu et que la bataille de Paris se transforme en tournant de la guerre.

Le tome 3 élaboré par Mathieu Gabella, avec Vincent Gara au dessin, raconte quant à lui les plans machiavéliques de Churchill obsédé par le risque de perte de l’empire dès lors que les Américains s’engageraient dans la guerre. Mais la victoire contre les nazis est impossible sans l’intervention des Etats-Unis, les Russes étant toujours aux côtés de Berlin. Le premier ministre britannique serait-il prêt alors à faire assassiner Roosevelt en manipulant des agents communistes ? Aussi dense sur le plan du graphisme que sur celui de l’intrigue (où l’on voient apparaître Alan Turing en génie du cryptage et, dans l’ultime planche, … Lawrence d’Arabie déambulant dans les rues du Caire), Secret Service est un bel album (Dargaud, 54 p., 13,99 €).

Vincent Duclert

18 février 2013

L'interrogation philosophique

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Deux belles études, qui placent la philosophie au cœur du propos, viennent de paraître aux éditions Gallimard, dans la collection « NRF Essais ». D’une philosophie à l’autre. Les sciences sociales et la politique des Modernes (354 p., 26 €), de Bruno Karsenti, est le Livre du Mois de La Recherche pour sa livraison de février (voir le texte plus bas).

Les embarras de l’identité (282 p., 21 €), de Vincent Descombes, mobilise lui aussi les savoirs philosophiques, afin d’agir sur une question très contemporaine, envahissante, celle de l’identité : « Que penser de ce concept d’identité collective qui figure aujourd’hui dans le discours public ? ». Pour l’auteur, la contribution du philosophe suppose de répondre à une autre question : « Ce concept d’identité est-il légitime ? » L’interrogation est d’autant plus nécessaire que l’identité s’exprime de manière collective, qu’elle relève de l’imaginaire et que celui-ci n’est pas seulement synonyme d’irréel mais chargé aussi d’une force instituante. En suivant Aristote, on comprend que la notion d’identité, « prise au sens moral », permet à l’individu « de se trouver lui-même en dehors de lui-même. Elle l’autorise à dire “moi” pour autre chose que lui-même ».

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Issu de trois conférences prononcées à Vienne sous le titre général « Puzzling Identities », Les embarras de l’identité a bénéficié de nombreuses discussions préalables devant des institutions philosophiques dont la vénérable et toujours active Société française de philosophie.

Vincent Duclert

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15 février 2013

Une politique des archives

Blog charle
Dans Homo historicus. Réflexions sur l’histoire, les historiens et les sciences sociales (Armand Colin, coll. « Le temps des idées », 319 p., 27,50 €), Christophe Charle note que « l’histoire a la chance de moins dépendre que les autres sciences humaines des questions de financement qui se posent de manière cruciale en sociologie, en économie, en ethnologie ou en archéologie. Nos grands instruments de recherche, les archives, les bibliothèques, relèvent d’autres budgets que ceux de l’Education nationale et de la Recherche pour la plupart. Ils souffrent d’ailleurs de plus en plus des grands arbitrages au sein des budgets culturels, eux-mêmes sous contraintes, tandis que les charges induites par la numérisation des livres et des sources augmentent sans cesse si la France veut rester crédible face aux autres pays, plus en avance sur ce point ».

Blog archives
La France a néanmoins marqué un point en inaugurant lundi 11 février 2013, par le Président de la République le nouveau Centre des Archives nationales, installé dans la banlieue nord de Paris. Ouvert depuis le 21 janvier dernier, l’établissement est aussi la fierté de la ville de Pierrefitte-sur-Seine et des communes environnantes de Seine-Saint-Denis. Avec l’université de Paris 8 et bientôt le campus Condorcet des sciences humaines et sociales, le centre des Archives nationales constitue une pièce maîtresse des outils scientifiques de la capitale. Dans son discours d’inauguration, François Hollande a réaffirmé l’engagement de l’Etat dans le traitement des archives électroniques et numériques. Il a aussi rappelé le principe absolu de liberté de l’histoire et de la recherche (une référence aux débats liés à la pénalisation du négationnisme du génocide des Arméniens) et a justifié la fin de la « Maison de l’histoire de France » par le risque d’histoire officielle (outre les aspects financiers du projet).

Vincent Duclert
08 février 2013

Le public des matchs de football

Blog foot
Découvrant sur le site de l’Elysée-Présidence de la République ce cliché officiel de la tribune présidentielle à laquelle avait été conviée, par le propriétaire des lieux, la chancelière allemande, pour assister au match amical France-Allemagne (le 6 février au soir), je me suis souvenu de l’étude de Luc Lestrelin, L’autre public des matchs de football. Sociologie des supporters à distance de l’Olympique de Marseille (éditions de l’EHESS, coll. « En temps & lieux », 381 p., 26 €).

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La question posée est celle de l’engouement extraterritorial pour un club pourtant fortement identifié à son inscription locale.  Comment se manifeste l’adhésion à un club malgré l’éloignement physique ? Le sociologue a procédé, pour mener son enquête, sur des récits, notamment ceux des voyages conduisant cet autre public à rencontrer physiquement son équipe de coeur, lors de matchs forcément inoubliables.

Vincent Duclert

05 février 2013

Expérience de recherche et d'écriture

Blog vie et mort
Historien des écritures ordinaires, des inscriptions dans les villes jusqu’aux récits asilaires, spécialiste aussi de l’œuvre de Michel Foucault, chercheur rompu aux questionnements des disciplines sur elles-mêmes, Philippe Artières a conduit en 2011 une enquête sur les traces de son arrière-grand-oncle jésuite, mort assassiné à Rome le 12 octobre 1925. Un soldat, par la suite déclaré irresponsable et interné, lui a planté sa baïonnette dans le dos alors qu’il marchait dans la rue. Philippe Artières a décidé de soumettre au jury de la Villa Médicis (section écriture) un projet d’enquête sur la mort de son parent et de récit de l’enquête. Accepté sur le mont Pincio, il se lance dans un travail de reconstitution de l’événement autant que de sa propre histoire, personnelle, familiale, qui croise l’enquête historienne. Pour mieux comprendre, il se met en scène, revêt la soutane (on l’apprend dès la première page du livre qu’il consacre à la Vie et mort de Paul Gény), s’enfonce dans Rome, fait des insomnies, se donne corps et âme à cette recherche de sens au risque d’égarer ses propres certitudes. Restitution de l’expérience de recherche, le livre qu’il publie dans la fameuse collection de Denis Roche au Seuil, « Fiction & Cie » (223 p., 19 €) est aussi un acte littéraire au milieu des traces de toute sorte accumulées lors de ses errances, lettres, archives, mots, images.

Blog manuella
Revêtu de sa soutane, l’historien se met à nu. On pourra prolonger cette plongée dans l’enquête avec les traces de cette dernière, photographies et autres preuves d’une «Reconstitution, Jeux d'Histoire» (Manuella éditions, 78 p., 15 €).

Vincent Duclert

03 février 2013

Edward Hopper à Paris

HOPPER, Soir bleu, 1914
Plus que quelques heures pour admirer, au Grand-Palais à Paris, une large partie des œuvres d’Edward Hopper, dont les fameuses toiles réalisées dans la capitale. Il emportera outre-Atlantique l’inspiration de cette modernité puisée dans la tradition baudelairienne (voir notamment la passion commune des deux artistes pour la photographie). Terminé aux Etats-Unis en 1914, Soir bleu exprime cet attachement à l’Europe tout autant que son adieu.

La rétrospective expose plusieurs œuvres qui ont marqué le jeune peintre américain durant ses trois séjours dans la capitale, Edgar Degas et son Bureau de coton à la Nouvelle-Orléans, Albert Marquet et ses quais de Seine où Hopper peignit la majeure partie de ses toiles parisiennes, ou les variations sur Vermeer de Félix Vallotton, maître du réalisme transfiguré qui passionna l’artiste et l’ancra dans sa voie picturale, malgré toute sa difficulté à percer ensuite aux Etats-Unis, méconnu pendant tant d’années.

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Mais son choix était fait, celui d’un « art métaphysique » en ce sens que sa peinture allait s’attacher à la banalité des vies et des lieux pour mieux révéler la vérité de l’existence et la poésie du ravissement qui s’y déploient. Hopper exprime des impressions profondément enfouies en nous, indicibles, qui sont celles de notre émotion devant une image quotidienne, une lumière, une silhouette, un visage, l’heure dorée du soir ou l’aube blanche d’un matin d’été, ou le vent chaud du soir qui tombe, ou l'attente et la solitude dans la grande ville.

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« Cela a été dit par Emerson avec une clarté incomparable », a reconnu Hopper dans un article sur son ami et complice le peintre Burchfield : « Dans chaque œuvre de génie, nous reconnaissons nos propres pensées rejetées ; elles nous reviennent avec une majesté étrangère ». Et Hopper de commenter la phrase du philosophe : « Les grandes œuvres d’art n’ont d’autre leçon émouvante à nous donner que celle-là. Elles nous enseignent à demeurer fidèles à notre expression spontanée avec une inflexibilité joviale ».

Toujours à propos de Burchfield, il écrivait ceci, qui s’applique exactement à sa propre peinture : « De ce qu’un artiste médiocre ou un ignorant qui ne sait pas voir considère comme l’ennui quotidien d’une petite ville de province, il a extrait une qualité que l’on peut qualifier de poétique, romantique, lyrique, ou de ce que l’on veut. En sympathie avec le particulier, il l’a rendu épique et universel. […] Il puise un stimulus quotidien dans ce que d’autres fuient ou traversent avec indifférence ».

Blog Hopper
Cette narration de Hopper, on la retrouve page 287 du catalogue de l’exposition du Grand-Palais (auparavant présentée au musée Thyssen de Madrid). On pourra toujours, une fois les portes closes, revenir au livre et aller de toiles en toiles, qui nous parlent de notre vie intérieure et d’un monde révolu.

Vincent Duclert