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mars 2012

29 mars 2012

Présidentielles. Que doivent-ils à l'histoire ?

Blog laurentin
Les éditions Bayard se sont associées à l’émission de France Culture, « La fabrique de l’histoire » conçue et animée par le journaliste Emmanuel Laurentin pour valoriser le très riche fonds documentaire des 2 000 numéros et plus depuis sa création en 1999. Une collection de livres est née. « Sous une forme originale, ils rendent compte de la variété des formes radiophoniques utilisées dans cette émission. Entretiens, archives, débats ou documentaires y trouvent leur place, composant un dossier complet sur un thème ». Cette fois, la publication porte sur l’imaginaire des hommes politiques recueilli lors d’entretiens radiophoniques menés par Emmanuel Laurentin et parfois par Aurélie Luneau (Que doivent-ils à l’histoire ? 189 p., 18 €). Il s’agit de capter, à travers un jeu de questions réponses finement mené, cet imaginaire, de l’éveiller, d’en suivre les incarnations (par exemple à travers des événements marquants ou des figures privilégiées) et de comprendre ainsi son rôle dans la formation de l’homme politique. 9 d’entre eux se sont prêtés à l’exercice, François Bayrou, José Bové, Arlette Laguiller, Daniel Cohn-Bendit, Jean-Marie Le Pen, Jean-François Copé, Nicolas Dupont-Aignan, François Hollande, Jean-Luc Mélenchon. Une préface éclairante est proposée par Christophe Prochasson qu’Emmanuel Laurentin qualifie dans ses remerciements de « compagnon d’histoire et de radio ». Du reste, l’aventure car c’en est bien une de la « Fabrique de l’histoire » repose sur des formes d’amitié non complaisante et de passion partagée animant la petite équipe, capable de convaincre ces hommes et ces femmes politiques de se livrer au micro. On aurait aimé du reste connaître davantage de la fabrique de la « fabrique », pourquoi ces noms-là, quelles difficultés pour les interroger, comment d’autres ont échappé et d’abord Nicolas Sarkozy qui a poussé jusqu’à l’excès l’usage politique des mythes historiques comme le rappelle à propos le préfacier. C’est un regret que la « Fabrique » apparaisse si secrète sur le making-off des entretiens, surtout dans le cadre de l’écrit qui autorise du recul et plus de réflexion.

L’ouvrage paraît en pleine campagne présidentielle, et ce n’est pas un hasard. L’éditeur escompte que l’opinion publique se tourne davantage vers les hommes et femmes politiques et s’interroge sur le théâtre de leur mise en scène. Plus profondément, on suggère la possibilité par l’histoire de mieux percer à nu un type d’animal politique que sont les présidentiables. Tous l’on été (Arlette Laguiller, Jean-Marie Le Pen), le sont, ou le seront (Jean-François Copé), hormis deux exceptions radicales et revendiquées, José Bové * et Daniel Cohn-Bendit. En cela, ces derniers transmettent une réflexion sur l’histoire qui tranche avec les logiques présidentielles des actuels candidats pour qui l’accession à la magistrature suprême implique d’endosser une vision de l’histoire nationale, impose de porter un discours historique susceptible d’être reconnu – à travers lui - comme celui qui pourra effectivement parler au nom de la France. C’est « l’histoire à la première personne » dans la typologie de Prochasson, mais poussée à son extrême, c’est-à-dire se conjuguant aux deux autres types repérés par le préfacier, « l’histoire comme pensée » et « l’histoire comme mythologie ». D’une certaine manière, l’imaginaire historique exigé d’un présidentiable – ou que celui-ci s’impose – cumule ces trois usages de l’histoire par l’homme politique. Même Arlette Laguiller, dans son style, endosse cette dimension d’historiographe national.

Les entretiens de José Bové et de Daniel Cohn-Bendit brisent cette forme de consensus sur « l’identité déterminée par sa propre histoire, comme si, intellectuellement, nous n’avions pas le choix ». L’histoire censée apportée un supplément d’âme à la politique menace aussi cette dernière, ce que tente de suggérer Emmanuel Laurentin en face de Jean-Luc Mélenchon : « Reste que l’usage de l’histoire par les hommes politiques peut mettre à mal cette façon de vivre l’histoire que vous mettez en avant. L’histoire finit alors par devenir une sorte de décor de théâtre un peu vide, dont on va chercher les accessoires quand on a besoin de références. » Pour faire vivre l’histoire, la meilleure manière ne serait-elle pas d’en retrouver la dimension de savoir ? C’est à cette réflexion comme à d’autres que ce petit livre invite. C’est bien son but, ne tenir aucune évidence pour vérité et interroger les imaginaires comme le fait avec talent l’intervieweur, acteur de l’ombre et auteur véritable du livre.

Vincent Duclert

* Une lectrice vigilante me signale que José Bové a été candidat à l'élection présidentielle, en 2007, avec un résultat de 1,32%. Autant pour moi et merci à Héloïse. Cela ne change pas fondamentalement l'analyse (cette expérience est totalement absente de son entretien du reste) mais la rectification s'imposait bien sûr.

27 mars 2012

Séquence BD. Saint-Laurent-des-Arabes

Blog blancou
Daniel Blancou est l’auteur et le dessinateur de Retour à Saint-Laurent-des-Arabes (Delcourt, 143 p.). Petit format, petit graphisme pour une histoire oubliée, celle des harkis rapatriés au lendemain de la guerre d’Algérie (tous ne l’ont pas été comme on le rappelle en ce temps de commémoration ; beaucoup ont été abandonnés sur injonction du pouvoir politique). Une famille se souvient, rare famille française à avoir vécu dans les camps militaires où la France internait les harkis, celle des instituteurs envoyés par l’Education nationale comme à Saint-Laurent-des-Arbres au camp de Saint-Maurice-l’Ardoise. C’est le cas des parents de Blancou qui y ont exercé leur métier durant neuf ans. « C’est là qu’ils se sont rencontrés, se sont mariés. Quelques mois après sa fermeture, je naissais ». Outre un dessin précis aux couleurs pâles, l’album est passionnant par la manière dont Blancou restitue l’apprentissage de ses parents confrontés à des élèves et des familles si éloignés de leurs univers, remettant en cause toutes les certitudes tant pédagogiques que civiques. Les instituteurs doivent s’intégrer à leur milieu comme les Arabes doivent apprendre à connaître cette France-là, exigeante mais finalement attachante car au service de leurs enfants, solidaires de leur misère et refusant, comme ils le peuvent, avec leur pauvres moyens, les conditions qui sont faites aux harkis, pauvreté, privation de liberté, humiliations fréquentes, avenir impossible. Beaucoup d’humanité et de dignité surnage pourtant au gré de situations quotidiennes, dans ces camps qui finiront par disparaître après les révoltes de harkis dont les parents de Blancou sont les témoins – et un peu les responsables aussi, les jeunes ayant été leur élèves. A l’heure des interrogations sur le devenir des communautés dans la République, ce livre est une leçon de tolérance et la preuve qu’il n’y a aucune fatalité dans l’exclusion – à condition de donner leur chance aux instituteurs comme à leurs élèves et leurs familles.

Vincent Duclert

 

26 mars 2012

Justes en France

Blog cabanel 3
Patrick Cabanel consacre une étude essentielle aux 3 3376 Françaises, Français et étrangers en France à qui a été décerné le titre de « Justes parmi les nations » (Histoire des Justes de France, Armand Colin, 409 p., 27,50 €). Durant la Seconde Guerre mondiale, ils ont, au péril de leur vie et sans contrepartie, sauvé au moins un Juif. La récompense qui les honore constitue la plus haute distinction civile décernée par l’Etat d’Israël depuis 1963. Parmi les récipiendaires figurent de nombreux protestants dont Patrick Cabanel est d’abord le spécialiste. Il est venu à l’étude de la Solution finale par l’histoire du protestantisme français, mais aussi par celle de l’école, de ses maîtres et de ses maîtresses. Il travaille sur le sauvetage des Juifs depuis ses premières enquêtes de 1982 sur les Cévennes comme terre de refuge. Il a récemment édité le journal et la correspondance d’Alice Ferrières, institutrice protestante cévenole en poste à Murat (Cantal) qui a œuvré sans relâche pour cacher des enfants juifs et les soustraire au génocide (Calmann-Lévy, 2010). Elle se trouve, comme l’écrit Cabanel, « au confluent de la mémoire huguenote et de l’universalisme républicain – deux sources qui coulent bien dans le même sens ».

Après la guerre, les enfants sauvés ont tenté de retrouver leurs sauveteurs. Certains y sont parvenus, se donnant alors un passé tandis que les seconds pouvaient eux aussi commencer de vivre en paix avec leur mémoire, enfin soulagés. D’autres n’ont pas pu. Les traces ont été perdues. Les souvenirs des enfants demeuraient trop imprécis. « Certains sauveteurs n’ont jamais pu être nommés Justes ». Comme le rappelle Patrick Cabanel en conclusion d’une recherche d’une gravité et d’une justesse sans égal, la catégorie des Justes a été étendue à d’autres génocides, extension qui « peut nouer des génocides les uns aux autres, en révélant l’universalité de cette forme de violence, quelque spécifique que soit chaque catastrophe, et en rappelant qu’à chaque fois des hommes et des femmes ont pris le parti d’opposer, parfois frontalement, plus souvent en offrant aux victimes atteintes ou désignées des formes de secours, d’aide ou de témoignage contre le déni et l’oubli ». Ainsi apprenons-nous « à écrire l’histoire en sortant du huis clos des bourreaux et des victimes et en abordant un tiers parti généralement très majoritaire ».

Vincent Duclert

22 mars 2012

L’antisémitisme, sa monstrueuse vérité

Après l’attentat sanglant de la synagogue de la rue Copernic à Paris, le 3 octobre 1980, l’ancien résistant, anthropologue de la Grèce antique et professeur au Collège de France Jean-Pierre Vernant avait trouvé les mots justes pour dire « ce que crie notre mémoire ». 

« La bombe de la rue Copernic, après d’autres attentats, ne peut nous laisser silencieux. Non que nous voulions répéter les formules d’indignation officielle et affirmer à notre tour une solidarité de principe avec ceux des Français qui étaient visés. Mais pour faire entendre ce que crie notre mémoire. L’antisémitisme réel, triomphant, l’antisémitisme d’État, nous l’avons connu et vécu. Il s’est installé chez nous dans les fourgons de l’armée hitlérienne ; il a prospéré avec l’appui de ceux qui se sont mis au service de l’occupant.

Il n’a pas signifié seulement ce que l’on sait : les déportations, les camps de la mort, la violence, la terreur massive à l’égard des juifs, enfants compris, comme de tous ceux qui entendaient demeurer eux-mêmes et s’affirmaient différents du modèle qu’imposait la tyrannie nazie.

Pendant les quatre ans où l’antisémitisme a agi, non par la bombe en secret, mais au plein jour par le pouvoir et par la loi, nous avons pu observer sans voile sa face cachée : derrière les ratiocinations de l’idéologie raciste, un délire de l’intelligence, une perversion du sentiment des valeurs, une passion, obsessionnelle et fanatique, pour abaisser et pour détruire tout ce qui, sous la forme de l’autre, met chacun de nous en question.

Cette haine morbide, cette folie meurtrière n’auraient pu prendre racine dans notre pays si elles n’y avaient trouvé, pour s’en nourrir, un terreau fait d’indifférence égoïste, de préjugés bien ancrés, de méfiance jalouse ou d’hostilité franche envers ce qui n’est pas tout à fait familier. Devant l’horreur, il y eut chez beaucoup de Français une attitude de prudente réserve ; chez d’autres, accoutumés à hurler avec les loups, tranquille consentement ; chez ceux enfin qui trouvaient là l’occasion de régler leurs comptes, sur le dos du voisin, avec leur propre vie manquée, complicité ouverte à coups de dénonciations.

Ce temps de barbarie sauvage et de lâcheté, quand les chantres de la race conduisaient en fanfare l’enterrement de la nation française, reste inscrit dans notre mémoire comme le visage même de l’antisémitisme, sa monstrueuse vérité.

Témoins et acteurs de ce drame où nous fûmes tous engagés, que pourrions-nous dire à la communauté israélite sinon qu’à travers elle c’est chacun de nous qui a été atteint dans ce qu’il a de plus précieux, ce pour quoi, en combattant durant ces années où les antisémites étaient rois, il a donné le meilleur de lui-même : une certaine idée de la France et de l’homme. »

« Copernic », un texte inédit de novembre 1980, a été publié, à l'initiative de Maurice Olender, dans le premier tome de Jean-Pierre Vernant :  Entre mythe et politique, Paris, Le Seuil, coll. « La librairie du XX siècle », 1996, pp. 587-588.Blog vernant

 

19 mars 2012

Au pays de mes racines

Blog stora 2
19 mars 2012. Cinquantième anniversaire du cessez-le-feu en Algérie, au lendemain de la signature des accords d’Evian. La Découverte réédite en coffret la trilogie très remarquable de Benjamin Stora, Histoire de l’Algérie coloniale (1830-1954), Histoire de la guerre d’Algérie (1954-1962), Histoire de l’Algérie depuis l’indépendance (I. 1962-1988) (coll. « Repères », 3 x 128 p., 30 €).

La commémoration de la fin de la guerre, qui marque la fin de la colonisation et la fin de la présence française en Algérie, va durer plusieurs mois, jusqu’à l’été et le double souvenir qui sera réactivé de l’indépendance de la nation algérienne et de l’exil définitif d’un million d’Européens et seulement quelques dizaines de harkis (sur 230 000 musulmans profrançais). De nombreux ouvrages sont annoncés ou déjà parus sur ce conflit aux 500 000 morts (toutes catégories confondues mais surtout algériens).

L’intérêt de regrouper ici les trois volumes de l'historien réside dans la possibilité de mieux comprendre une guerre qui en associe en réalité trois, une guerre coloniale, une guerre révolutionnaire, et une guerre civile du fait de la forte présence démographique et sociale de la France en Algérie. Les communautés se développaient séparément et de nombreux murs tant économiques que juridiques, tant politiques qu’idéologiques isolaient les musulmans et les Européens. Cependant ils vivaient sur la même terre ; des relations aux modes complexes existaient ; des formes de culture commune s’agençaient du fait aussi que ni les Européens ni les musulmans ne constituaient des ensembles homogènes.

Les pieds-noirs ont entretenu avec l’Algérie un rapport intense, et cela d’autant mieux que cette terre, souvent d’exil pour eux, fut le lieu où ils purent reconstruire leur vie ou pour certains, commencer de la construire. Ils surent établir des liens intimes, corporels, avec un pays d’une grande beauté restituée par les premiers écrivains « algériens », Gabriel Audisio, Albert Camus. Né à Oran en 1950 dans une famille juive modeste, Benjamin Stora restitue dans le premier volume de sa trilogie ce sentiment d’appartenance fait de l’expérience vécue.

Le départ brutal en 1962, dans une ambiance de sauve-qui-peut et d’anarchie généralisée (que rappelle Stora dans le deuxième volume), oblige les Européens à rompre avec tous les repères d’une vie. Un tel déracinement (qu’avaient subi auparavant près de deux millions de musulmans déplacés dans des camps de l’armée française comme l’étudièrent, jeune sociologue et jeune inspecteur des finances, Pierre Bourdieu et Michel Rocard) a engendré une mémoire douloureuse mais aussi la conscience aigue de la notion même de racines, d’existences vécues, de déchirements et de souffrances, telle que la littérature, par exemple, sut l’exprimer.

Dans les dernières pages de l’Histoire de la guerre d’Algérie, Benjamin Stora cite un extrait du livre de Marie Cardinal, Au pays de mes racines (1980). Un court texte où tout est dit.

Blog cardinal

« Ce que je vais chercher n’appartient pas, je crois, à l’ordre de la raison.

Non c’est quelque chose qui vient de la terre, du ciel et de la mer que je veux rejoindre, quelque chose qui, pour moi, ne se trouve que dans cet endroit précis du globe terrestre. Je suis, actuellement, incapables d’imaginer ce que c’est. Peut-être des creux, des tourbillons liquides, des vides, où, au long de mon enfance et de mon adolescence, je m’engloutissais.

Bruissement sec des feuilles d’eucalyptus agitées par le vent du désert. Tintamarre des cigales. La sieste. La chaleur fait bouger le paysage. Rien n’est stable, tout est éternel. Le ciel est blanc. Pourquoi est-ce que je vis ? Qu’est-ce que c’est que la vie ?

Vivre ailleurs que là a changé pour moi le sens du mot vivre. Depuis il n’y a plus pour moi que labeur, vacances, lutte. Il n’y a plus d’instants où, sans restriction, je suis en parfaite harmonie avec le monde. »

V. D.

 

 

15 mars 2012

32e Salon du Livre

Blog salon
Le Japon est l’invité d’honneur du 32e Salon du Livre, inauguré ce soir, et qui se tient à Paris Porte de Versailles. Moscou en est la ville invitée.

14 mars 2012

Du Japon

Blog japon
Sous une image de plus en plus prononcée d’ouvrage collectif, la Nouvelle revue française publie un bel ensemble consacré au Japon (mars 2012, 365 p., 22 €). Du Japon a un sens précis explicité par Philippe Forrest qui a dirigé cette livraison. « Du Japon doit être entendu dans sa double signification : "A propos du Japon" et "Depuis le Japon" », et même « Avec le Japon » comme c’est le cas pour de nombreux écrivains dont Michel Butor dialoguant avec Voltaire. « Chez Voltaire, écrit-il, nous trouvons un aspect que nous retrouverons dans presque tous les textes français concernant le Japon : c’est un monde à l’envers, le pays de l’autre côté de la terre ». « Avec le Japon » aussi pour signifier que, malgré Fukushima, une leçon demeure, adressée à ses lecteurs par le grand écrivain Kenzaburô Ôé « afin qu’ils ne désespèrent pas tout à fait de "l’inconnaissable futur" et de "l’aurore" qu’il annonce peut être. C’est le dernier mot de Ôé. Il lui revient, on conçoit que c’est le premier aussi. The end is where we start from. »

Vincent Duclert

 

09 mars 2012

Fukushima An I

Blog fressoz
La catastrophe nucléaire frappant le nord du Japon incarne pour les sociétés actuelles le risque technologique majeur. Une catastrophe de type naturel a débouché sur des conséquences humaines et écologiques considérables du fait d’une maîtrise incomplète de la technologie industrielle en matière atomique. La mesure du risque technologique est donc essentielle. Celle-ci a une histoire intimement liée au progrès technologique lui-même mais aussi à la pensée intellectuelle et sociale contemporaine de l’âge scientifique et industrielle à la fin du XVIIIe siècle. Cette histoire est retracée par Jean-Baptiste Fressoz dans L’apocalypse joyeuse. Une histoire du risque technologique que publie, au Seuil, un nouvel éditeur de la maison, l’historien des sciences Christophe Bonneuil (319 p., 23 €). Maître de conférences à Imperial College de Londres, l’auteur s’inspire notamment des travaux Simon Schaffer (Le Leviathan et la pompe à air, traduit à La Découverte en 1993) pour conduire une enquête méthodique sur les terrains français et britanniques de ce qu’il appelle « la production scientifique et politique d’une certaine inconscience modernisatrice ».

Vincent Duclert

 

08 mars 2012

L'expérience de la rupture

Blog singly
En ce jour officiel des femmes, évoquons l’expérience de la rupture qu’étudie le sociologue François de Singly dans Séparée (Armand Colin, 240 p., 17,50 €). Il a lu beaucoup, des romans notamment comme celui de Françoise Chandernagor (La Première épouse), il a longuement écouté des femmes faire le récit de leur séparation et de leur reconstruction. Et il en a déduit qu’il existe une manière féminine de vivre cette expérience, de la provoquer même pour ne pas demeurer dans le mensonge ou dans la destruction d'un couple défait. Pour le sociologue, la séparation est devenue « un des supports possibles de l’émancipation des femmes » - d’où, pour lui, l’expansion du divorce et de la séparation. Mais il ne faut pas croire que cette expérience se vive dans le bonheur d’une liberté conquise ou reconquise. La souffrance née de la lucidité et du départ est réelle, profonde, y compris en direction du conjoint qui est laissé. Les témoignages la disent avec les mots les plus justes. Mais la volonté de vivre en paix avec soi-même est plus forte, comme l’est ensuite, dans la solitude, la recherche des agencements qui permettront de se reconstruire. Un très beau livre, une recherche de terrain qui disparaît sous les mots et la finesse de l’analyse, portant sur la séparation mais également sur le temps d’après, une autre expérience, une épreuve aussi pour les femmes « séparée », et l'occasion donnée de réapprendre à vivre par soi-même, avec de petits instants et de petites victoires.

Vincent Duclert

07 mars 2012

Séquence BD. Sempé à New York

Blog sempé
L’exposition Sempé présentée à l’hôtel de ville de Paris depuis le 21 octobre 2011 est prolongée jusqu’au 31 mars. Elle devait fermer à l’origine le 11 février mais devant la forte affluence qui ne dément pas, la mairie de Paris a pris cette judicieuse décision. Ainsi pourra-t-on voir encore (et gratuitement de surcroît) de très belles planches originales et notamment celles, en couleur, qu’il publia dans le New Yorker. En 1978, ce célèbre magazine né en 1925 a confié sa couverture, à cent une reprises, à Jean-Jacques Sempé, plus les « cartoons » en pages intérieures. Il en résulte une série de pastels et de dessins très attachants où Manhattan est transfiguré par la présence du quotidien et le regard des humbles. Sempé a passionnément aimé New York, dès son premier voyage en 1965, il le dit dans un très bel album édité en 2009 par Denoël et The New Yorker. Celui-ci réunit, outre ses œuvres pour le magazine, de très nombreux dessins, esquisses, photographies et documents, et un long entretien où il exprime sa passion pour New York et le merveilleux de son existence à Manhattan. Comme ses autres albums, Sempé à New York (300 p., 45 €) est en vente à l’exposition de l’hôtel de ville. Il s’en vend comme des petits pains malgré son prix. Il est vrai que c’est une exposition en lui-même avec des planches pleine page qui sont de véritables tableaux contemporains.

Vincent Duclert