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août 2011

04 août 2011

Supprimer "toutes les filières qui ne conduisent à rien"

 

 

Voici, communiqué par une collègue, un extrait de la séance de 10 heures de la Commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale du mercredi 16 mars 2011 (compte rendu n° 34). Ces propos nourrissent utilement le débat lancé par l'ouvrage La nouvelle école capitaliste présenté dans le billet précédent.

Intégralité de l'intervention du député UMP des Pyrénées Orientales Fernand Siré :

"En termes de rationalisation budgétaire, on ne peut que constater la faillite de l'éducation nationale s'agissant de la formation des jeunes : non seulement certains s'arrêtent avant le niveau bac + 2 sans diplôme tandis que d'autres quittent l'école à seize ans sans rien faire après, mais on perpétue des classes dans le seul intérêt de professeurs dont le souci est uniquement de protéger leur emploi.

Mieux vaudrait rationaliser les dépenses en supprimant toutes les filières qui ne conduisent à rien - par exemple psychologie, sociologie ou encore géologie à l'université - et en réintroduisant les entreprises dans la formation plutôt que de leur demander de faire des efforts sur leurs propres deniers pour former des jeunes : alors que c'est le rôle de l'éducation nationale, celle-ci délivre au contraire à des jeunes entre seize ans et dix-neuf ans une fausse formation que les parents se seront sacrifiés à payer bien qu'elle ne mène à rien"


Compte rendu sur :

http://www.assemblee-nationale.fr/13/cr-soc/10-11/c1011034.asp

03 août 2011

Travaux de rentrée

Pour la rentrée, les éditions La Découverte inaugureront une « nouvelle identité graphique pour les sciences humaines et sociales » que La Recherche dévoile ici. Cinquante ans après la création, aux éditions anciennement Maspero, de la collection « Textes à l’appui », La Découverte publie désormais tous ses livres de recherche sous une même couverture (de facture typographique) qui mentionnera seulement la série concernée, « Bibliothèque du Mauss » ou « Genre & Sexualité » pour ne citer que deux d’entre elles. La volonté, clairement affirmée, de « transgresser » la logique disciplinaire vise à « mieux souligner la transversalité des ouvrages publiés ». Autre transgression, celle qui consiste à unir dans une même production des études de référence – comme les huit cent pages annoncées pour le mois octobre du sociologue Philippe Chanial, La sociologie comme philosophie morale : et réciproquement - et des essais critiques comme La nouvelle école capitaliste. Le parti-pris de cette unité proclamée est intéressant. Il met l’accent sur un objet, il oblige à en souligner l’actualité, à définir l’enquête et ses méthodes. Pas sûr néanmoins que le lecteur s’y retrouve ni que les disciplines puissent échapper à leur identité. Du reste, Philippe Chanial retrouve ces mêmes catégories disciplinaires pour élaborer une hypothèse dont nous attendons beaucoup, eu égard à ses livres précédents, par exemple La Société vue du don (La Découverte, 2008), et à sa présence dans le débat intellectuel.

Blog la decouv 
La nouvelle école capitaliste
fait donc partie de ces livraisons de rentrée de La Découverte qui bénéficient de la « nouvelle identité graphique pour les sciences humaines et sociales ». C’est un essai bien à propos sur la pénétration des normes néo-libérales dans l’institution scolaire désormais transformée en « nouvelle école capitaliste » -d’où le titre du livre. Celui-ci émane de quatre enseignants qui sont aussi des chercheurs attachés au syndicat FSU et des intellectuels engagés (voir notamment L’école n’est pas une entreprise de Christian Laval, et La Nouvelle Raison du monde de Pierre Dardot et Christian Laval). La nouvelle école capitaliste sera à l’honneur du numéro de rentrée de La Recherche. Nul doute que seront commentées les positions très alarmistes des auteurs identifiant une rupture dans le consensus relatif aux cultures scolaires et universitaires. Celles-ci ne pouvaient se résumer classiquement, dans le système intellectuel français, « aux savoirs et connaissances utiles et exigibles sur le marché du travail » ; elles avaient vocation à libérer l’individu, à lui apporter cet esprit critique nécessaire à son devenir de citoyen accompli. Elles se maintenaient dans une forme de gratuité essentielle et de relation à la liberté de la recherche. Pour les auteurs de La nouvelle école capitaliste, la pression du néo-libéralisme économique a détruit ce consensus sur l’école émancipatrice et le savoir libre. Il faut aussi faire la part dans cette rupture au désenchantement démocratique et à la grande fatigue sociale devant la reproduction des injustices et au mythe de l'égalité scolaire.

Vincent Duclert

Pierre Clément, Guy Dreux, Christian Laval et Francis Vergne, La nouvelle école capitaliste, La Découverte, coll. « Sciences humaines », 240 p., 18 €.

 

 

01 août 2011

Des villes sans librairies ?

Blog ny 
Revenu d'un séjour à New York, j’ai découvert le triste destin des librairies de la métropole monde. Certes, quelques indépendantes continuent de survivre, notamment vers Greenwich Village ou à Brooklyn, en relation avec les étudiants ou New-Yorkais éclairés qui s’y pressent encore. Mais, dans le reste de la ville, il n’y a plus guère de librairies indépendantes, celles-ci ayant été détruites par la montée en puissance des mégastores type Barnes & Nobles (le premier réseau aux Etats-Unis) ou Borders (le deuxième). Et voici que ces chaînes hyper-capitalistes dont les magasins se comptent par centaines sont elles-mêmes en difficulté. New York est particulièrement touché.

Borders a annoncé le 18 juillet sa mise en liquidation judiciaire et la fermeture de ses 399 magasins (en plus des 200 déjà fermés pour raisons économiques). Aussitôt d’immenses pancartes ont été apposées sur les vitrines, signalant la vente de tout le stock avec rabais substantiels. Les clients se sont rués dans les rayons tandis que les 11 000 employés se demandaient ce que leur avenir sera fait demain. Les logiques de marché rattrapent à leur tour cette entreprise prédatrice fondée en 1971. On mesure les dégâts qu’a impliqués son développement puisque la fermeture des magasins laissera de nombreuses villes moyennes sans librairies, la firme ayant fait le vide autour d'elle pour grandir. Et il n’est pas sûr que les libraires indépendants puissent revenir dans les quartiers dont elles avaient chassées tant les loyers sont devenus maintenant exorbitants. Fleuriront surtout des banques, des pharmacies et des boutiques de vêtements.

La chute de l’empire Borders n’en est pas moins un coup dur porté à la commercialisation du livre et donc à sa survie. Et cela d’autant plus que le numéro 1, Barnes & Nobles, ne se porte pas très bien. L’un de ses magasins emblématiques, sur 5 niveaux, a fermé à l’angle de Brodway et de Colombus, sur la 66e rue, à quelques pas de Lincoln Center. Le New York Times a écrit à ce sujet, perfide : « Even category killers are not immune to market forces » (30 août 2010). Un magasin de vêtements remplacera la librairie, « Century 21 ».

Barnes & Nobles résiste mieux cependant grâce au développement de son format numérique (le fameux « Nook » opposé au « Kindle » d’Amazon), grâce à sa présence sur les campus (comme sur celui de Columbia à New York) au travers de partenariats avec les universités et les colleges qui lui assurent un public captif, grâce à son site d'achat en ligne. On dit même Apple intéressé par la firme, laquelle a annoncé en août 2010 qu'elle se mettait en vente avec ses 720 magasins répartis dans 50 Etats.....

Y aurait-il, dans ce contexte inquiétant, place pour un regain de la librairie indépendante ? C’est ce que laisse entendre Pierre Assouline sur son blog (« La République des livres »), dans un billet informé du 24 juillet (http://passouline.blog.lemonde.fr/2011/07/24/bye-bye-borders/ ). Il y évoque l’American Booksellers Association (ABA) et son soutien à la réouverture de librairies de quartier. Le concept reste néanmoins à inventer, à l’heure du commerce en ligne et du livre numérique. Mais c’est un défi à relever, pour les livres, pour le tissu urbain et la vie civile, pour la culture savante et populaire. Cela ne concerne pas seulement les Etats-Unis. Si la France voit ses librairies indépendantes survivre à la FNAC ou aux hypermarchés (le prix unique du livre y est pour beaucoup), celles-ci sont confrontées elles aussi au commerce en ligne, au livre numérique et aux nouvelles formes de sociabilités imposées (ou proposées) par le web.

Vincent Duclert

La photographie (merci le NYTimes fr du 1er septembre 2010 : http://www.cityrealty.com/new-york-city-real-estate/carters-view/century-21-reportedly-replacing-barnes-noble-66th-street-broadway/carter-b-horsley/34442 ) montre le building au bas duquel s’étendait depuis 15 ans le mégastore Barnes & Nobles, au carrefour du Lincoln Center, dans le quartier d’Upper West Side.