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février 2011

28 février 2011

Deepwater Horizon

Blog ferret 
Le Salon international de l’agriculture a fermé ses portes hier soir dimanche sur des chiffres de fréquentation record avec près de 679 000 visiteurs. Les activités d’agriculture, d’élevage, transmettent un rapport à la nature végétale et animale. Mais elles sont aussi attaquées sur ce plan pour les menaces que représente leur développement intensif. Deepwater Horizon – du nom de la plate-forme pétrolière offshore qui explosa le 20 avril 2010 dans le golfe du Mexique et qui causa un désastre environnemental – est un essai philosophique de Stéphane Ferret sur l’éthique de la nature et la crise écologique (le Seuil, coll. « L’ordre philosophique », 330 p., 21 €). Il s’inspire des pensées anglo-américaines de l’éthique de l’environnement et de l’éthique animale pour proposer sur la valeur et le droit des êtres de la nature, individuels comme un arbre ou un éléphant, collectifs comme une forêt ou un troupeau d’éléphants. L’ouvrage a pour ambition de combattre « l’avènement du post-humain » : « un existant comme désincarné, seul au monde, aux prises avec son projet sans cesse renouvelé et sans cesse inassouvi de la maîtrise totale des choses et des êtres. Une situation d’épouvante, apparemment dénuée de valeur, à laquelle serait réduite l’humanité ». La nature a pourtant beaucoup à nous apprendre encore, au point d’en fonder une philosophie contemporaine comme le démontre avec talent Stéphane Ferret.

Vincent Duclert

 

25 février 2011

Laïcités sans frontières

Blog baubé 
L’un des défis majeurs des futures démocraties du Moyen-Orient, en Tunisie, en Egypte, et dans les autres pays en cours de libération comme la Libye, sera d’instaurer une laïcité ouverte, fondement moral et politique des sociétés plurielles qui se sont exprimées, promesse de liberté individuelle et collective. La laïcité garantit, idéalement, des libertés fondamentales telles que la liberté religieuse ou la liberté de conscience et d’opinion. La connaissance de la notion de laïcité, de ses concepts, de sa philosophie, de son histoire, se révèle donc une importante contribution à l’avenir des démocraties. Laïcités sans frontières, l’ouvrage que publient le sociologue Jean Baubérot et l’universitaire canadienne Micheline Milot, transmet ce savoir à travers un ouvrage dense et nécessaire – où l’expérience française est retravaillée à l’aune des compromis historiques, des tensions présentes et des espoirs de la raison (Le Seuil, coll. « La couleur des idées », 351 p., 21 €).

Vincent Duclert

 

14 février 2011

La neutralité d'Internet

Blog curien 
Les révolutions tunisiennes et égyptiennes, les mouvements en cours en Algérie ou en Syrie, démontrent l’importance vitale du principe d’égal accès des internautes à tous les contenus, services et applications de la toile. Le pouvoir égyptien a bien tenté de bloquer, en vain, au début de l’insurrection populaire, les réseaux de téléphonie mobile permettant aux manifestants de rester connectés les uns les autres et avec le reste du pays. Les Etats rencontrent de plus en plus de difficultés à stopper tous les flux d’information numérique sur un espace national. Les manœuvres de contournement se multiplient, souvent avec le soutien des firmes impliquées dans le développement d’Internet. Et l’expérience faite par les contestataires de ce principe universel constitue un apprentissage majeur d’une liberté nouvelle, passée soudain de l’existence privée et individuelle à la vie publique et collective.

Nicolas Curien, professeur au CNAM, et Winston Maxwell, avocat aux barreaux de Paris et de New York, viennent de consacrer un manuel autant qu’un essai sur ce principe de libre accès qui définit la notion de « neutralité d’Internet » (La Découverte, coll. « Repères », 128 p., 9,50 €). Dans cet ouvrage très stimulant, les deux auteurs examinent ce qu’ils conçoivent comme une « quasi-neutralité » d’Internet. Car tout principe « doit composer avec des contraintes. Or celles-ci sont nombreuses et variées, liées à la gestion du trafic sur les infrastructures de communication électronique, au financement de l’innovation dans les réseaux du futur, au respect de la vie privée, à la protection de la propriété individuelle, à la lutte contre le cybercrime, à la sécurité intérieure et à la résilience des réseaux, autant d’impératifs qui viennent tempérer le résultat pouvant être attendu en matière de neutralité. »

Mais « quasi-neutralité » ne signifie pas, pour Curien et Maxwell, une « forme abâtardie de neutralité ». Il s’agit, au contraire, d’une neutralité combattante, volontaire, en d’autres termes « le plus de neutralité possible, compte tenu des différentes contraintes devant êtres satisfaites ». Les récents événements au Moyen-Orient illustrent à notre avis cette analyse.

Vincent Duclert

 

09 février 2011

La mort de Staline

Blog staline 
La mort de Staline
est une histoire librement inspirée des derniers jours du Grand Guide des Peuples disparu officiellement le 5 mars 1953. Le scénario est du à Fabien Nury, avec Thierry Robin au dessin et Lorien Aureyre à la couleur (Dargaud, 59 p., 13,95 €). L’album met en scène un Staline agonisant dans son immense datcha, frappé à mort par sa propre colère après avoir lu le mot plein de courage d’une jeune soliste que l’on avait contraint de rejouer, pour l'enregistrer, le Concerto pour piano n°23 de Mozart : « Je vais prier pour vous, jour et nuit, et demander au Seigneur qu’il pardonne vos lourds péchés envers le peuple et la nation… ». L’histoire bascule alors dans la farce noire, dominée par les agissements démoniaques et pathétiques d’un Béria aux abois, les réunions nocturnes et très arrosées des nouveaux maîtres de la Russie soviétique, et les problèmes d’intendance de l’équipe de médecins appelés d’urgence au chevet de Staline. Il a été difficile d’abord de trouver des spécialistes tant le corps médical avait été frappé par les purges après la révélation du « complot [imaginaire] des blouses blanches ». Ensuite, pour ceux qui doivent tenter de ramener Staline à la vie, le plus dur reste à faire : brancher le respirateur artificiel venu des Etats-Unis et qui fonctionne sur le 110 volts. L’énorme transformateur soviétique doit être déplacé dans le jardin tant le vacarme est intense. Staline finit par décéder. Les employés de la datcha sont envoyés au goulag, le corps de Staline est autopsié dans le garage, l’annonce de sa mort est faite à tous les Soviétiques dans une solennité qui contraste avec l’anarchie des derniers jours, des dernières heures… Un album, on l’a comprit, est d’une critique féroce, porté par un dessin sombre, implacable et parfois lumineux lorsqu’il s’agit d’évoquer la jeune pianiste responsable de l’attaque fatale. Et ce n'est que le premier tome !

Vincent Duclert

08 février 2011

Bioéthique

Blog théry 
Le débat sur les lois de bioéthique commence aujourd’hui au Parlement. Mais le débat est déjà riche dans l’opinion, grâce à la contribution de chercheurs comme la sociologue Irène Théry, auteure de l'essai paru en octobre dernier, Des humains comme les autres. Bioéthique, anonymat et genre du don (éditions de l’EHESS, coll. « Cas de figure », 309 p. 15 €).

Vincent Duclert

 

07 février 2011

L'Orient arabe

Blog laurens 
Déjà auteur avec Vincent Cloarec (spécialiste de la Syrie) d’une étude sur Le Moyen-Orient au XXe siècle aux éditions Armand Colin (coll. « U », 2003), Henry Laurens a réédité l'année dernière, chez le même éditeur, L’Orient arabe, sous-titré « Arabisme et islamiste de 1789 à 1945 » (336 p., 29, 80 € ; première édition 2002). Ce professeur au Collège de France y souligne le rôle des élites arabes ; elles ont eu durant le premier XXe siècle « un véritable projet éducatif : la diffusion de l’instruction se retrouve dans tous les programmes politique de l’âge libéral et ils ont été appliqués à partir de 1920. Les premiers résultats ont été fort loin des attentes de leurs promoteurs, tout en justifiant la crainte britannique d’une "révolte des semi-éduqués". » La révolution égyptienne d’aujourd’hui a montré d’autres formes de cet engagement des « éduqués » et « semi-éduqués » ; leur maîtrise du monde numérique des réseaux sociaux autant que les slogans anti-Moubarak dans toutes les langues l’ont démontré. Le défi désormais est de construire des identités démocratiques à l'échelle des pays arabes et en premier lieu en Egypte. Ce défi est en passe d'être relevé au Caire.

Vincent Duclert

04 février 2011

La violence au Moyen-Orient

Blog boz 1 
Sociologue et historien, Hamit Bozarslan a publié en 2008 une Histoire de la violence au Moyen-Orient, de la fin de l’Empire ottoman à Al-Qaida (La Découverte, 319 p., 24 €) Il y souligne comment « tout indique que l’avenir du Moyen-Orient restera encore hypothéqué pendant des années par des régimes non démocratiques, de "faible" ou de "haute capacité", débouchant souvent sur des "tyrannies fragmentées" en possession des ressources considérables pour assurer leur survie. » On vient de le constater avec le régime d’Hosni Moubarak en Egypte, capable de créer le chaos en mobilisant des bandes armées contre les manifestants qui réclament une démocratisation du pays. L’usage de la violence par ces « tyrannies fragmentées » -selon l’expression forgée par Charles Tilly dans son étude de 2003, The Politics of Collective Violence (Cambridge University Press) qu’Hamit Bozarslan applique notamment à la Turquie des bandes armées de l’ « Etat profond » des années 1990 – participe de l’extrême fragilisation des sociétés, rendant toujours plus difficile l’évolution de ces dernières vers la paix, la stabilité et la démocratie. Pourtant, des sociétés ont tenté de briser cet engrenage fatal. Mais le précédent tunisien ne semble pas pouvoir fournir un modèle, à moins que l’armée égyptienne ne finisse par briser les débordements de violence des bandes armées au Caire et dans les grandes villes égyptiennes.

Blog boz 2 
Hamit Bozarslan vient de publier une Sociologie politique du Moyen-Orient, chez le même éditeur, dans la collection « Repères/Thèses et débats », 128 p., 9,50 €). Il insiste sur la « fatigue sociale généralisée qui va cependant de pair avec de nouveaux modes de résilience et de résistance » : ce qui, précisément, se réalise aujourd’hui, de Tunisie en Egypte, avec l’Algérie, la Jordanie et la Palestine en toile de fond. Nous reviendrons sur ce livre important.

Vincent Duclert

01 février 2011

Sur le Moyen-Orient

Blog halliday 
Les événements exceptionnels qui affectent l’Egypte, après la Tunisie, sont un bouleversement majeur pour tout le Moyen-Orient. Dans son ouvrage traduit en 2008, 100 idées reçues sur le Moyen-Orient (traduit par Céline Leroy, éditions Démopolis, 237 p., 19 €), Fred Halliday, professeur de politique internationale à la London School of Economics, souligne qu’ « à l’exception des événements de 1918-1920, la région n’a pas connu de rupture majeure. [...] Comme d’autres à travers le monde, la région a vu se succéder plusieurs vagues de réformes – prudentes pour certaines, révolutionnaires pour d’autres. [...] L’analyse historique n’a pas pour but de nier la possibilité ou la nécessité d’une réforme. En revanche, elle se trouve dans l’obligation de suggérer que tout nouveau projet doit venir de l’intérieur même de la région et que le temps nécessaire à l’obtention d’un résultat visible excédera sûrement l’attention que les pays étrangers seront prêts à lui accorder. » Des perspectives à méditer.

Vincent Duclert