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04 octobre 2010 |

Le Premier Charpak

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Georges Charpak n’est plus, mais ses mémoires, publiés en juin 2008, demeurent. Ils ont été écrits avec les contributions de ses amis et collègues François Vannucci, Roland Omnès et Richard L. Garwin.

Ces Mémoires d’un déraciné, physicien et citoyen du monde (Odile Jacob, 311 p., 23 €) s’ouvrent sur « les tribulations d’un immigré d’Europe centrale » et sa rencontre avec la France, « patrie d’accueil ». Il avait seize ans en 1940, il entrait l’année suivante en première année de mathématiques spéciales au lycée Saint-Louis à Paris. « La catastrophe nazie bouleversa [sa] vie ». Militant trotskiste dès son plus jeune âge, en 36, Georges Charpak, avec sa famille, décide de braver les mesures antisémites de Vichy en refusant de porter l’étoile jaune. En juillet 1942, un camarade de lycée dont le père état policier vint le prévenir qu’ils seraient arrêtés le lendemain, dans les rafles qui prirent le nom de Vel’d’Hiv. La famille traversa la ligne de démarcation et se réfugia en zone sud. Le jeune Charpak venait d’être reçu aux épreuves écrites de l’Ecole de physique et de chimie de Paris. Inscrit sous un faux nom au lycée de Montpellier, il passa une « magnifique année d’études » et se fit des « amis très chers ». Il menait en parallèle une activité de résistance (qui lui valut plus tard le grade de lieutenant dans les FFI). Arrêté, incarcéré à la prison centrale d’Eysses, il participa à une tentative d’évasion générale qui échoua. La répression fut sanglante. Les gardiens furent remplacés par des miliciens qui livrèrent les résistants rescapés à la division Das Reich (responsable, par la suite, du massacre d’Oradour-su-Glane). Après un passage au camp de concentration de Compiègne, il fut déporté avec ses camarades à Dachau, le 18 juin 1944. Il devint un esclave pour les besoins d’infrastructure de l’armée de l’air allemande. Il fut affecté au chantier de construction d’une piste d’atterrissage pour avions de chasse. Ses mémoires décrivent précisément tous les dispositifs imaginés pour survivre et élaborer un pouvoir de résistance, même minime soit-il. Avec l’un de ses aînés rencontré à la centrale d’Eysses, un étudiant en mathématiques (et trotskistes), Georges Charpak put continuer d’étudier. Il lui apprit « les mathématiques modernes ». Enfin, l’armée américaine du général Patton libéra les déportés. Après d’ultimes péripéties en Allemagne, l’auteur fut rapatrié en France, à l’hôtel Lutetia. Toute cette histoire individuelle, croisant de multiples destins collectifs, fut très bien racontée dans un livre précédent écrit avec Dominique Saudinos, La Vie à fil tendu, paru en 1993 chez le même éditeur, un an après l’obtention du Prix Nobel de Physique.

Encore polonais mais ancien combattant, Georges Charpak entra à l’Ecole des Mines. Il fut naturalisé français en 1946 et il fit son entrée dans la physique comme jeune stagiaire de recherche au CNRS, au laboratoire de Frédéric Joliot-Curie au Collège de France. « Mes titres de résistant n’y furent sans doute pas étrangers », confie-t-il ici. Une autre histoire, plus connue peut-être, commençait pour Georges Charpak.

Vincent Duclert

 

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