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juin 2010

29 juin 2010

Le travail créateur

Blog menger
Le dossier des retraites, qui est l’objet de l’éditorial du numéro de l’été de La Recherche (juillet-août, et déjà chez nos abonnés), englobe celui du travail. Finalement, le recul de l’âge de la retraite sera plus acceptable si l’activité professionnelle apparaissait moins répulsive. Cela implique de rééquilibrer les rapports de force entre employés et employants, entre industrie et finance, entre libre-entrepreneurs et marché concurrentiel, etc. Cela exige aussi de penser le travail et de ce point de vue, encore plus peut-être que précédemment, les sciences humaines et sociales ont leur mot à dire. Une magistrale étude de Pierre-Michel Menger peut y contribuer. Etudiant le travail des artistes, le sociologue apporte une réflexion originale et nécessaire à la compréhension générale du travail et à la critique des idéologies qui l’encadrent (Le travail créateur. S’accomplir dans l’incertain, Gallimard-Seuil, coll. « Hautes études », 2009, 670 p., 29 €).

Vincent Duclert

23 juin 2010

La faute à pas de chance

Blog child
Après L'Epouvantail de Michael Connelly (hier), signalons le dernier Lee Child, toujours au Seuil. Déjà, nous avions lu Sans douceur excessive l’année dernière, que nous avions bien aimé avec cet ancien enquêteur militaire affrontant, de New York à la campagne anglaise, une équipe de tueurs particulièrement menaçante. Cette fois, l’assassinat de la moitié de ses anciens collègues, jetés vivants d’un hélicoptère dans le désert californien, qui l’amène à reprendre du service. Et de belle manière, dans La faute à pas de chance (traduit de l’anglais par William Olivier Desmond, 449 p., 22, 50 €).

Vincent Duclert

22 juin 2010

Michael Connelly

Blog connel
C’était un soir d’août 2002, huit ans déjà, la voiture roulait en direction de l’ouest, vers la Bretagne, dans mes bagages le manuscrit du Dictionnaire critique de la République qui allait être publié deux mois plus tard. Un moment suspendu dans le temps du voyage. Le soleil se couchait sur l’horizon, au loin l’océan revêtait des lumières bleutées. Assis sur le siège passager, je ne quittais pas ma lecture de L’envol des anges, le premier polar que je lisais de l’américain Michael Connelly dans l’exceptionnelle traduction de Robert Pépin, et sous sa version poche (461 p., 7,80 €. Paru en avril 2002). Le livre me plongeait dans un véritable corps à corps avec des scènes de mort les plus horribles qui soient, et qu’affrontait l’enquêteur du LAPD * Harry Bosch. C’était une révélation. Le récit d’une enquête sans équivalent, où l’entendement humain s’approche de ses limites, où l’incompréhension est absolue, où les ténèbres se resserrent toujours plus noirs autour de la vérité, où la violence domine jusqu’au point elle cède sous la détermination du policier solitaire, rebelle et tenace. Dit ainsi, cela peut ressembler à une succession de clichés. Mais la lecture de L’Envol des anges, suivie du Dernier coyotte et autre Blonde en béton, m’avait convaincu que nous tenions là un grand auteur, autant policier qu’il était littéraire. La série des Harry Bosch s’enchaîna, j’en lisais plusieurs en cette fin d’été, tard dans la nuit quand s’achevait enfin le travail du Dictionnaire.

Blog connelly
Il eut après la découverte du Poète, un enquête elle aussi vertigineuse d’un journaliste un peu obscur de Denver, travaillant au Rocky Mountain, qui finit par résoudre l’énigme des suicides à répétition de policiers sur tout le territoire américain. L’aide du FBI allait se révéler ici déterminante parce qu’au sein de l’agence peuplée de coups tordus agissait l’enquêtrice spéciale Rachel Walling. Le couple improbable qu’elle forma avec McEvoy sut détourner les moyens du FBI pour résoudre une enquête qui plongeait elle aussi dans les ténèbres de l’âme des serial killers. C’est ça Connelly, des meurtres qui défient la compréhension humaine, qui révèlent la duplicité des services, la corruption des valeurs, et, tout au fond du voyage au bout de la nuit, le sursaut de la raison de l’enquêteur, conscient de l’économie nécessaire des moyens, et accroché à quelques principes qui dessinent une idéale constitution de la démocratie américaine. Chaque année depuis, Connelly, qui a fini par migrer de Los Angeles, où il travaillait pour le Los Angeles Time **, pour Tampa en Floride, publiait son polar aussitôt traduit en France par Pépin et mis en vente par Le Seuil. Son héros principal, Bosch, eut progressivement de sérieux problèmes, notamment au LAPD d’où il fut viré et où il revint, et Connelly un peu aussi, semble-t-il, puisque ses livres perdirent de leur souffle. Il cisela encore bien quelques bons récits, qui traitaient de différentes thématiques de société, les biotechnologies avec Darling Lily, la moralité des avocats avec La Défense Lincoln, et surtout Lumière morte où Bosch se révèle telle qu’en lui-même l’éternité le change, bataillant avec les officines secrètes nées sous l’empire du Patriot Act et de la grave réduction des libertés individuelles après le 11 septembre, montrant que rien ne vaut la fidélité aux administrations régulières de la démocratie.

Blog connel lm
Mais, reconnaissons-le, depuis quatre ou cinq ans, ce n’était plus comme avant. On passait de bons moments avec les polars de Connelly ; ce n’était pourtant plus ces expériences limites de lecture passionnée où l’on était emportés dans des enquêtes qui bouleversaient le monde et notre propre vision du monde.

Blog connelly 2
Dans cet entre-deux, la parution de L’Epouvantail le mois dernier, toujours aux éditions du Seuil (502 p. 21,80 €), est plutôt une bonne nouvelle. Connelly a réveillé pour l’occasion le journaliste du Rocky Mountain, Jack McEvoy, devenu un reporter vedette du L.A. Time mais brutalement viré du journal pour cause de crise sévère des quotidiens. Le polar propose en filigrane toute une réflexion sur la mort à long terme des journaux papier confrontés aux transformations des pratiques d’information avec le Net et sa gratuité. Comme McEvoy touche un gros salaire et qu’il n’est plus assez flexible pour écrire simultanément dans l’édition papier et des les éditions en temps réel du site, le L.A. Time a décidé de s’en séparer et de le remplacer par une jeune blonde fraichement diplômée d’une école de haut niveau, une « mojo » dans le jargon de la presse, ces nouveaux journalistes polyvalents qui doivent enterrer les reporters à la McEvoy travaillant à l’ancienne ***. Suprême humiliation, ce dernier doit faire équipe avec elle et la former durant ses quinze jours de préavis. Sauf qu’une vérification après l’appel de la mère d’un condamné pour meurtre lui fait comprendre que derrière un assassinat particulièrement sanglant (une femme torturée au plus haut point) se cachent des meurtres en série commis par un criminel aussi sadique qu’intelligent, spécialiste de la protection des données électronique et expert du monde virtuel. S’engage alors une lutte à mort contre l’ « épouvantail » où McEvoy reconstitue (avec Rachel) l’équipe gagnante du Poète, Mais la jeune mojo sera victime à son tour du prédateur, une image que McEvoy ne pourra plus jamais effacer de sa mémoire, « l’image d’Angela Cook glissant aux ténèbres les yeux grands ouverts sur sa peur ». Pour lutter contre ces images et ce qu’elles signifient, Connelly ne cesse d’écrire.

Blog conn
Son prochain livre verra cette fois le retour d’Harry Bosch. Il est déjà sorti aux Etats-Unis. On aimerait dire, pour ce dernier Connelly publié par Le Seuil ****, comme l’état-major de l’Amirauté britannique au retour de Winston Churchill au ministère de la Marine, le 3 septembre 1939 : « Bosch is back ». Parce que qu’à l’instant où Connelly ramène Harry à la vie, tout peut arriver, et surtout le meilleur. 30 *****

Vincent Duclert



* Los Angeles Police Department

** Il fut même titulaire du Pulitzer Price pour sa couverture des émeutes de Los Angeles en 1992.

*** « Une mojo, à savoir une journaliste qui savait envoyer par n’importe quel moyen électronique ses articles écrits sur le terrain. Elle était capable d’envoyer du texte et des photos pour le site Web ou l’édition papier, de la vidéo ou de l’audio pour la télévision et les partenaires radio du journal. » Le narrateur, Jack, ajoute : « Elle était formée pour tout cela mais, en pratique, elle n’en restait pas moins aussi novice qu’on peut l’être ». (pp. 28-29)

**** Eh oui, encore un séisme éditorial ! Robert Pépin a quitté le Seuil il y a un an, appelé à créer sa collection noire chez Calmann-Lévy et surtout à emporter dans ses malles (enfin, c’est plutôt le style à voyager léger !) Michael Connelly – lequel, pas fou, ne veut pas quitter son traducteur fétiche en France. Mais Hachette, qui publie le romancier aux Etats-Unis sous les couleurs de Little, Brown and Compagny, commençait probablement à trouver saumâtre que les traductions françaises de son auteur à royalties soient publiées par la concurrence. Tandis qu’avec Calmann, tout va bien, la maison appartient au groupe Hachette. Enfin, c’est ce qu’on peut imaginer !

***** Si vous êtes allés à la fin de cet article (bravo !), vous vous demandez ce que vient faire là le chiffre trente, qui donne son titre du reste à l’article si vous ne l’avez pas remarqué. Code 30, « c’est un vieux truc, explique Jack à Angela pour qui il est clair qu’il éprouve quelque chose même si elle lui pique son boulot. Quand je suis entré dans le journalisme, c’était ce qu’on tapait au bout de ses articles. C’est un code…. Je crois même que ça remonte à l’époque du télégraphe. Ca veut tout simplement dire fin de l’article ». (p. 81).

Photographie de Michael Connelly : site laurieroberts.net

19 juin 2010

Les rites du souvenir

Blog jacob
Dans Le mythe gaullien (évoqué dans le billet du 17 juin), Sudhir Hazareesingh rappelle que le général de Gaulle, quelques jours avant la date anniversaire du 18 juin 1945, fit adopter par le conseil des ministres (il était président du GPRF) le « principe d’une cérémonie courte et sobre au Mont-Valérien, où entouré de ses proches compagnons, il allumerait une flamme du souvenir pour honorer les morts des deux guerres ». L’ordonnance de la cérémonie fut confiée à l’ordre de la Libération. L’historien note que le rite du 18 juin qui prit forme en 1945 et 1946 s’inscrivait dans la « continuité du cérémonial gaullien des débuts de la Libération, notamment dans l’extrême brièveté de la liturgie, dans la prépondérance donnée aux morts militaires [...] et dans le désir affiché d’honorer la continuité du sacrifice français de 1914 à 1945 » (pp. 98-99). L’ « esprit du 18 juin » se devait d’être rare, parce que rares avaient été les hommes et les femmes (mais elles sont somme toute peu présentes dans la geste gaullienne). Les cérémonies d’hier 18 juin 2010 ont modifié cet agencement du rite et de la mémoire. La cérémonie du Mont-Valérien a clos cependant la journée commémorative. Le prix Nobel de médecine François Jacob, jeune officier de santé dans les Forces françaises libres, décoré de la médaille de la Libération (le 17 novembre 1945), grand chancelier de l’Ordre depuis le 12 octobre 2007, ranima la flamme du monument qui rend hommage aux mille fusillés du Mont-Valérien.

Vincent Duclert

Photographie, source : Présidence de la République

L’autre Appel du 18 juin 1940

Blog churchill 2
Si l’Appel du 18 juin 1940 lancé par le général de Gaulle depuis Londres eut une telle importance, inaugurant une phase de reconquête militaire autant que politique, intellectuelle a que morale, c’est largement parce que la Grande-Bretagne résista à l’Allemagne nazie. Le tournant de l’histoire anglaise eut lieu aussi le 18 juin, seulement deux heures avant l’allocution du Général à la BBC. Après la demande française d’armistice, le cabinet dirigé depuis le 10 mai 1940 par Winston Churchill est divisé. Le ministre des Affaires étrangères Lord Halifax et d'autres membres envisagent que le gouvernement de sa majesté puisse à son tour négocier avec l’ennemi. Le 28 mai, Churchill emporte la décision. L’Angleterre se battra jusqu’au bout. Reste à le faire savoir au pays et à ses représentants, moment capital où une société se donnera un but commun et s’engagera dans une guerre totale contre le totalitarisme. Après avoir préparé au 10 Downing Street, durant la journée du 17 juin et tard dans la nuit, son discours aux Communes, Churchill le prononça le lendemain, devant les députés, à 15h50. Dénommé « The finest Hour » (« La plus belle heure ») en raison de l’invocation finale (voir plus bas, la fin du discours), le discours mêla l’éloquence la plus élevée à l’examen le plus lucide des chances militaires de l’emporter. Il fallait désormais compter la première au nombre des secondes. « Winston is back », or « is born ».

Vincent Duclert

The Finest Hour

[...] I have thought it right upon this occasion to give the House and the country some indication of the solid, practical grounds upon which we base our inflexible resolve to continue the war. There are a good many people who say, 'Never mind. Win or lose, sink or swim, better die than submit to tyranny--and such a tyranny.' And I do not dissociate myself from them. But I can assure them that our professional advisers of the three Services unitedly advise that we should carry on the war, and that there are good and reasonable hopes of final victory. We have fully informed and consulted all the self-governing Dominions, these great communities far beyond the oceans who have been built up on our laws and on our civilization, and who are absolutely free to choose their course, but are absolutely devoted to the ancient Motherland, and who feel themselves inspired by the same emotions which lead me to stake our all upon duty and honor. We have fully consulted them, and I have received from their Prime Ministers, Mr. Mackenzie King of Canada, Mr. Menzies of Australia, Mr. Fraser of New Zealand, and General Smuts of South Africa--that wonderful man, with his immense profound mind, and his eye watching from a distance the whole panorama of European affairs--I have received from all these eminent men, who all have Governments behind them elected on wide franchises, who are all there because they represent the will of their people, messages couched in the most moving terms in which they endorse our decision to fight on, and declare themselves ready to share our fortunes and to persevere to the end. That is what we are going to do.

We may now ask ourselves: In what way has our position worsened since the beginning of the war? It has worsened by the fact that the Germans have conquered a large part of the coast line of Western Europe, and many small countries have been overrun by them. This aggravates the possibilities of air attack and adds to our naval preoccupations. It in no way diminishes, but on the contrary definitely increases, the power of our long-distance blockade. Similarly, the entrance of Italy into the war increases the power of our long-distance blockade. We have stopped the worst leak by that. We do not know whether military resistance will come to an end in France or not, but should it do so, then of course the Germans will be able to concentrate their forces, both military and industrial, upon us. But for the reasons I have given to the House these will not be found so easy to apply. If invasion has become more imminent, as no doubt it has, we, being relieved from the task of maintaining a large army in France, have far larger and more efficient forces to meet it.

If Hitler can bring under his despotic control the industries of the countries he has conquered, this will add greatly to his already vast armament output. On the other hand, this will not happen immediately, and we are now assured of immense, continuous and increasing support in supplies and munitions of all kinds from the United States; and especially of aeroplanes and pilots from the Dominions and across the oceans coming from regions which are beyond the reach of enemy bombers.

I do not see how any of these factors can operate to our detriment on balance before the winter comes; and the winter will impose a strain upon the Nazi regime, with almost all Europe writhing and starving under its cruel heel, which, for all their ruthlessness, will run them very hard. We must not forget that from the moment when we declared war on the 3rd September it was always possible for Germany to turn all her Air Force upon this country, together with any other devices of invasion she might conceive, and that France could have done little or nothing to prevent her doing so. We have, therefore, lived under this danger, in principle and in a slightly modified form, during all these months. In the meanwhile, however, we have enormously improved our methods of defense, and we have learned what we had no right to assume at the beginning, namely, that the individual aircraft and the individual British pilot have a sure and definite superiority. Therefore, in casting up this dread balance sheet and contemplating our dangers with a disillusioned eye, I see great reason for intense vigilance and exertion, but none whatever for panic or despair.

During the first four years of the last war the Allies experienced nothing but disaster and disappointment. That was our constant fear: one blow after another, terrible losses, frightful dangers. Everything miscarried. And yet at the end of those four years the morale of the Allies was higher than that of the Germans, who had moved from one aggressive triumph to another, and who stood everywhere triumphant invaders of the lands into which they had broken. During that war we repeatedly asked ourselves the question: 'How are we going to win?' And no one was able ever to answer it with much precision, until at the end, quite suddenly, quite unexpectedly, our terrible foe collapsed before us, and we were so glutted with victory that in our folly we threw it away.

We do not yet know what will happen in France or whether the French resistance will be prolonged, both in France and in the French Empire overseas. The French Government will be throwing away great opportunities and casting adrift their future if they do not continue the war in accordance with their treaty obligations, from which we have not felt able to release them. The House will have read the historic declaration in which, at the desire of many Frenchmen--and of our own hearts--we have proclaimed our willingness at the darkest hour in French history to conclude a union of common citizenship in this struggle. However matters may go in France or with the French Government, or other French Governments, we in this Island and in the British Empire will never lose our sense of comradeship with the French people. If we are now called upon to endure what they have been suffering, we shall emulate their courage, and if final victory rewards our toils they shall share the gains, aye, and freedom shall be restored to all. We abate nothing of our just demands; not one jot or tittle do we recede. Czechs, Poles, Norwegians, Dutch, Belgians have joined their causes to our own. All these shall be restored.

What General Weygand called the Battle of France is over. I expect that the Battle of Britain is about to begin. Upon this battle depends the survival of Christian civilization. Upon it depends our own British life, and the long continuity of our institutions and our Empire. The whole fury and might of the enemy must very soon be turned on us.

Hitler knows that he will have to break us in this Island or lose the war. If we can stand up to him, all Europe may be free and the life of the world may move forward into broad, sunlit uplands. But if we fail, then the whole world, including the United States, including all that we have known and cared for, will sink into the abyss of a new Dark Age made more sinister, and perhaps more protracted, by the lights of perverted science.

Let us therefore brace ourselves to our duties, and so bear ourselves that if the British Empire and its Commonwealth last for a thousand years, men will still say, 'This was their finest hour.'

Winston Churchill - June 18, 1940

Les éditions du Seuil ont réuni les déclarations du général de Gaulle du 18 juin et du 22 juin 940, et les discours de Winston Churchill du 13 mai et du 18 juin (coll. "Points").

Blog churchill

 

18 juin 2010

L'Appel du 18 juin

Blog crémieux
L’Appel du 18 juin 1940 fut un texte, un acte, et un événement fondateur de la Résistance française. L’histoire immédiate de la Seconde Guerre mondiale puis l’histoire longue de la France contemporaine lui donnèrent une importance considérable dont témoignent les innombrables commémorations qui se déroulent aujourd’hui des deux côtés de la Manche. Les instrumentalisations politiques vont aller bon train mais elles ne parviendront pas à entamer un fait historique que l’on peut analyser et dont la connaissance doit beaucoup, aujourd’hui, à l’historien et ancien combattant de la France Libre Jean-Louis Crémieux-Brilhac. Aspirant durant la campagne de France, il s’évada en septembre 1941 du Stalag allemand où il était interné, se réfugia en URSS puis parvint à Londres en septembre 1941. Engagé dans le Forces françaises libres (sous le pseudonyme de Brilhac), il devint secrétaire du comité exécutif de propagande et chef du service de diffusion clandestine de la France libre, on l’entendit à plusieurs reprises dans les émissions françaises de la BBC *. Après la Libération, il fonda la Documentation française dont il fut l’un des directeurs historiques. Comme son ami Georges Boris à qui il consacra une splendide biographie intellectuelle et politique (Gallimard, 2009), son engagement auprès de Pierre Mendès France s’articula à sa fidélité au général de Gaulle chef de la France combattante. Conseiller du président du Conseil, il travailla particulièrement au lancement d’une vaste politique publique pour la recherche et l’enseignement. Il fut la cheville ouvrière du Colloque de Caen organisé par Pierre Mendès France et ses équipes en novembre 1956. Son action particulièrement, rendit possible le lancement, dès novembre 1958, de la politique scientifique gaullienne incarnée dans la Délégation générale à la recherche scientifique et technique où nombre d’anciens résistants et d’anciens savants résistants s’impliquèrent hautement. Un ouvrage collectif est revenu sur cet engagement pour la recherche, de Mendès France à de Gaulle (Le gouvernement de la recherche. Histoire d’un engagement politique, de Pierre Mendès France au général de Gaulle (1953-1969), Paris, La Découverte, coll. « Recherches », 2006, 428 p.)

Jean-Louis Crémieux-Brilhac a étudié l’Appel du 18 juin dans un petit ouvrage passionnant publié par les éditions Armand Colin à l’initiative de Caroline Leclerc. Tout y est dit et très bien dit, très bien analysé, à commencer par le rappel des deux voyages du général de Gaulle, ministre (sous-secrétaire d’Etat) du dernier gouvernement légal de la IIIe République, à Londres, pour y rencontrer notamment le Premier ministre Churchill, suivis de l’ultime et décisive arrivée dans la capitale anglaise pour près de quatre années (exceptés les nombreux déplacements de De Gaulle et le temps d’Alger). Parti le 17 juin de l’aéroport de Mérignac à 9 heures du matin dans l’avion de l’envoyé spécial de Churchill, le général Edward Spears, il arrive à Londres à 14 heures 30, deux heures après la demande de cessation de combat diffusée sur les ondes françaises par le maréchal Pétain. En voulant continuer le combat, le général de Gaulle endosse une seconde légitimité, après celle du gouvernement républicain dont il reste membre puisque le ministère Pétain n’est ni légal ni légitime. Le sous-secrétaire d’Etat demeure fidèle en effet à l’accord international de la Déclaration franco-britannique du 28 mars 1940 aux termes de laquelle les deux gouvernements « [s’engageaient] mutuellement à ne pas négocier ni conclure d’armistice ou de traité de paix durant la présente guerre, si ce n’est d’un commun accord ». On a rappelé la veille à Paul Reynaud, explique Jean-Louis Crémieux-Brilhac, que cet accord avait été passé « avec la République française et non pas avec une administration française ou un homme d’Etat français en particulier et [engageait] donc l’honneur de la France ». En restant fidèle aux engagements de la République, De Gaulle assumait l’honneur de la France. Il le faisait en se rapprochant d’un pays étranger. La République prenait là une nouvelle signification, découlant d’un des choix de rupture du général de Gaulle comme l’explique l’auteur de L’Appel du 18 juin (Armand Colin avec Radio-France, 128 p., 4,90 €).

L’Appel du 18 juin fixe les termes de ces refus fondateurs d’une possibilité d’agir et de construire, après la débâcle et la défaite : « De Gaulle rompt avec le devoir militaire de discipline, il rompt avec sa caste – il sera, pour des mois, le seul officier général d’active à choisir l’insubordination puis la rébellion, et sans aucun notable de la IIIe République à ses côtés pour soutenir son action -, il rompt avec l’idée dominante d’une armée hitlérienne invincible, il rompt avec l’idée dominante d’une armée hitlérienne invincible, il rompt avec l’idée alors courante de démocratie irrémédiablement vouées à l’échec, il rompt enfin avec le tabou de l’exil et avec la tradition qui veut, depuis Danton, qu’on n’emporte pas la patrie à la semelle de ses souliers. » Ces ruptures permettent une forme supérieure de fidélité à « la conscience » dira Léon Blum. Cela s’explique. L’appel du 18 juin, même limité aux forces armées, réinvestit les principes élémentaires de la démocratie et de l’honneur national confondus. Ce retour vers l’évidence donne au texte et à l’acte une importance historique immédiate en inaugurant un temps de résistance. Le terme est présent dans l’Appel et permet à ce dernier de s’étendre au-delà du seul domaine militaire pour viser une intention politique et morale évidente : « Quoiqu’il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas ». La force de l’Appel repose sur le pouvoir de son auteur de s’arracher à la densité insondable des événements immédiats pour se projeter vers l’avenir et imaginer le temps de la Résistance, notamment sur le plan militaire, en comprenant que l’armée allemande peut être vaincue de la même manière qu’elle a gagné en mai-juin 1940. En agissant avec cette force critique considérable, De Gaulle se comporte comme un intellectuel décisif.

Jean-Louis Crémieux-Brilhac retrace finement, dans son livre, cette genèse intellectuelle de l’Appel mais aussi les contraintes pratiques et politiques imposées par les Anglais qui veulent avant toute chose comprendra la portée de la demande d’armistice du maréchal Pétain. De Gaulle, lui, qui connaît bien son auteur et qui n’a aucune illusion sur son courage et son patriotisme républicain (« un très grand homme mort en 1926 »), veut parler le plus tôt possible à la radio, afin de se donner un point de départ pour construire après le désastre. L’Appel du 18 juin, qui suit l’arrivée du général de Gaulle à Londres et son choix de « la résistance française », est un acte voulu et assumé qui joue le rôle d’événement fondateur d’un nouveau temps de l’histoire. Certes, l’Appel fut peu entendu, mais la décision était là, la vision du monde aussi, si bien que le texte et l’acte purent prendre place comme fondement d’un temps historique capable de changer la perception collective de l’histoire. C'est de la métaphysique, explique à l'instant au micro de France Inter à 7h28, l'historien Sudhir Hazareesingh (voir la page du 17 juin sur ce Blog). Il a raison.

Vincent Duclert

* Et ce matin, il parle sur France Inter, dans la matinale de Nicolas Demorand installée exceptionnellement à Londres.

17 juin 2010

Le mythe gaullien

Le surnom de « colonel Motor » fut donné au futur général de Gaulle en raison de sa constance dans la défense du projet de constitution d’unités motorisées blindées seules capables selon lui de combattre efficacement sur le champ de bataille et de vaincre l’Allemagne. Le terme n’était guère valorisant pour ceux qui l’affublaient d’un tel qualificatif. Rétrospectivement, les constats de Marc Bloch (voir le billet d’hier) sur la désintellectualisation des milieux militaires et du haut état-major se confirmaient. En revanche, chez de Gaulle, cette dimension intellectuelle était bien présente, grâce notamment au colonel Mayer, son « mentor » durant les années d’entre-deux-guerres. Une biographie collective a été consacrée à ce personnage hors du commun, dreyfusard et anticonformiste, aux éditions Armand Colin en 2007 (Le colonel Mayer, de l'affaire Dreyfus à de Gaulle. Un visionnaire en République, 424 p., 32,30 €). Blog mayer

Le politique se réveilla, trop tardivement cependant, sans la volonté définitive qui s’impose au milieu des périls. Entré au gouvernement à l’appel du président du conseil Paul Reynaud, le colonel de Gaulle, nommé général de brigade (les fameuses « deux étoiles » qu’il allait conserver toute sa vie, refusant en janvier 1946 celles que l’Assemblée voulut lui donner pour services rendus, alors qu’il allait quitter – provisoirement – le pouvoir), se révéla un acteur important du dernier gouvernement légal de la IIIe République. Et c’est cette légalité qu’il emporta à Londres, au matin du 17 juin, s’envolant vers 9 heures, revenant dans la capitale qu’il avait déjà rallié le 9 juin précédent pour imaginer, avec le gouvernement anglais de Winston Churchill, la solution de l’union des deux pays en guerre. En vain. Ce projet n’avait pas permis d’empêcher la « révolution de palais » que le vice-président du Conseil, le maréchal Pétain, orchestra le 16 juin au soir. De Gaulle le dit à Jean Monnet à Londres, dans la journée du 17, où il venait de rompre le devoir d’obéissance pour demeurer précisément fidèle à une République qu’il n’avait pas tellement aimée : « Il n’y a plus rien à faire en France. C’est ici que nous travaillerons ».

Blog sudhir
Le « mythe gaullien » commença dans la « reconnaissance du Libérateur », écrit l’historien d’Oxford, très grand connaisseur des fondements légendaires de la France contemporaine, Sudhir Hazareesingh, dans une très belle étude parue le 25 mai dernier, aux éditions Gallimard, dans la collection « La suite des tempes ». Maurice Agulhon, en son temps, avait déjà exploré le mythe de Gaulle (De Gaulle. Histoire, symbole, mythe, Plon, 2000). Hazareesingh le fait plus systématiquement, en posant l’hypothèse un « mythe gaullien » qui épouse plus profondément les contours d’une France épique et morale et qui contribue à maintenir en activité le mythe napoléonien sur lequel travailla aussi l’historien. « La supériorité comparée de la mystique gaullienne résida – et réside encore – dans sa capacité à prendre appui sur les mythes qui l’avaient précédée pour donner ainsi un sens contemporain aux idéaux transhistoriques qui marquaient l’imaginaire national : héroïsme, sens du devoir, sentiment d’appartenance, refus de la fatalité, mépris du matérialisme. De Gaulle rôde souvent dans la pénombre lorsqu’il est question de nourrir la réflexion contemporaine sur le dépassement de l’individualisme borné et de penser un retour à une forme de sacralité collective républicaine ». Ressort puissant d’un mouvement de réconciliation nationale et historique, la mystique gaullienne fournit à la France du second XXe siècle l’imaginaire qu’elle recherchait pour affronter la modernité. Cet imaginaire « bien tempéré », elle le recherchait « depuis la nuit de temps ; grâce à Charles de Gaulle, il semblerait qu’elle l’ait enfin trouvé », écrit, pour conclure, provisoirement, l’historien.

Le « mythe gaullien » permit à l’histoire de réinvestir profondément le temps de « juin 40 » où le général de Gaulle, isolé à Londres, méprisé par les Américains, tentait de construire, du moins un Etat, sinon une organisation de la France combattante. Mais c’est ce temps que retenaient ceux et celles des Français qui le ralliaient, comme ce « groupe de Françaises de la zone occupée » qui lui écrivit en 1942 et dont Sudhir Hazareesingh cite le texte d’ « adhésion fervente ». « Depuis ce temps-là [dejuin 1940], vous incarnez pour nous la France, la France fidèle à elle-même, à son passé, à ses traditions, à ses héros, à ses penseurs, la France immortelle, la France tout court ». C’est important d’être fidèle à soi-même, et plus encore de définir l’objet de cette fidélité. Le « mythe gaullien » le permet, comme l’historien d’Oxford le démontre.(Le mythe Gaullien, 281 p., 21 €).

Vincent Duclert

Remarquons la photographie de couverture de l'ouvrage, splendide, l'homme sortant des brumes de l'histoire pour incarner, à Londres, le 28 novembre 1942, au Royal Albert Hall, la voix et l'image de la France. Le mythe est en marche.

16 juin 2010

L'Etrange défaite

Blog bloch
Le 16 juin 1940, les troupes allemandes avançaient en France de 240 kilomètres (sans tirer un seul coup de canon, rappela Jean-Pierre Azéma dans De Munich à la Libération, tome 14 de la Nouvelle histoire de la France contemporaine, Le Seuil, coll. « Point Histoire », 1979, p. 59). Elles progressaient sur trois axes, vers l’Est pour prendre à revers la ligne Maginot (dont les canons ne pouvaient se retourner pour tirer sur un ennemi venant sur l’arrière ; 400 000 hommes y furent faits prisonniers parce que le haut commandement français avait tardé à donner l’ordre d’évacuation), vers le Sud-Est en direction des forces italiennes, et vers le Sud-Ouest pour s’emparer de la façade atlantique. Le 16 juin au soir, après deux réunions gouvernementales « d’une rare violence » (J.-P. Azéma), le président du Conseil Paul Reynaud cédait son poste au vice-président du Conseil, favorable à la solution de l’armistice, le maréchal Pétain. A la débâcle militaire s’ajoutait donc la débâcle politique.

L’effondrement des armées françaises découlait d’une mentalité de la guerre que l’historien Marc Bloch, dans un livre célèbre et qu’il faut lire d’autant qu’il bénéficie d’une nouvelle édition chez Gallimard (L’Histoire, la Guerre, la Résistance, édition établie par Annette Becker et Etienne Bloch, coll. « Quarto », 2006, 1096 p., 28 €), a clairement exposé : à savoir l’absence d’une liberté de jugement permettant d’anticiper voire seulement de comprendre la stratégie ennemie et de s’adapter en conséquence.

« Cet ennemi, véritable trouble-fête de la stratégie, il n’était personne qui n’eût cherché, d’avance, à deviner ce qu’il ferait, afin de préparer, en conséquence, la riposte. Par malheur, dans cette guerre, comme, d’ailleurs, en août 1914 ou au printemps de 1917, avant l’offensive Nivelle, le malappris ne fit jamais ce qu’on attendait de lui. Je ne crois pas que la faute en ait été, au propre, de ne pas assez prévoir. Les prévisions n’avaient été établies, au contraire, qu’avec trop de détails. Mais elles s’appliquaient, chaque mois, seulement à un petit nombre d’éventualités ». Ce qui manquait à l’armée française et à ses cadres, estima Marc Bloch alors qu’il écrivait dès l’été 1940, une fois la défaite consommée, dans sa maison de Fougères dans la Creuse avant de basculer dans la Résistance et de mourir au combat en 1944, ce fut un esprit libre de penser et d’agir, « parce que, pour guider l’action, trop tenue en lisière jusque-là par le dogme ou le verbe, il n’eût été de ressources que dans un esprit de réalisme, de décision et d’improvisation, auquel un enseignement trop formalisme n’avait pas dressé les cerveaux » (pp. 609-610). Et de plaider alors pour sa paroisse, l’histoire, « science du changement », qui aurait contribué à permettre de penser la guerre. Pour tout cela, L’Etrange défaite est un grand livre d’histoire critique de la guerre, à relire en ces temps de commémoration. La guerre est tragique, plus encore quand on n’a rien appris des précédentes et particulièrement des victoires.

Demain, entrée en lice, sur le Blog des Livres, du « colonel Motor », alias De Gaulle.

Vincent Duclert

14 juin 2010

La France sous l'Occupation, 1940-1944

Blog jackson
Il y a soixante-dix ans, au petit matin du 14 juin 1940, l’armée allemande du IIIe Reich hitlérien, au terme d’une offensive fulgurante (« Blitzkrieg ») contre les forces françaises, entrait dans Paris déclaré « ville ouverte » par les autorités françaises réfugiées à Bordeaux. Les Allemands n’avaient pas occupé la capitale française depuis la brève incursion qui avait suivi la fin de la guerre franco-prussienne de 1870 et la signature de la convention d’armistice : le 1er mars 1871, les troupes prussiennes avaient défilé sur les Champs-Elysées. Le 18 juin 1940, à l’aube, le Führer accompagné de son état-major et de son architecte Albert Speer, parcourut les avenues de la capitale et observa la ville depuis la colline du Trocadéro. La veille, le 17 juin, le maréchal Pétain, le nouveau président du Conseil qui avait remplacé Paul Reynaud après une « révolution de palais » dénuée de toute légalité républicaine, avait offert à l’Allemagne la cessation du combat. La France entrait, comme déjà avant elle la Belgique, la Tchécoslovaquie ou une grande partie de la Pologne, dans l'occupation nazie. D’abord limitée en théorie à la zone nord, celle-ci s’étendit à la zone sud après le 11 novembre 1942.

La meilleure étude qui existe aujourd’hui sur La France sous l’Occupation est due à un historien anglais, Julian Jackson (Flammarion, 853 p., 30 €). Son livre de 2001, traduit en français en 2004 par Pierre-Emmanuel Dauzat, décrit, expose, établit la chronologie, les faits et les événements. Mais il analyse aussi beaucoup, la réalité historique telle qu’elle se comprend mais aussi la manière dont cette histoire a été traitée par la recherche. L’ouvrage propose ainsi un exceptionnel « essai bibliographique » qui passe en revue plus de cinquante ans de travaux français, mais aussi anglais et américains. Pour lui, la France a cédé devant l’ennemi et préféré la solution de la collaboration à celle du combat pour l’ « honneur et [la] patrie » (slogan introduisant originellement les émissions de la BBC de la France libre) en raison de « la capitulation des élites de la France devant les valeurs antirépublicaines ». Et celle-ci avait selon lui « une longue préhistoire ». La défaite, dont bien peu pourtant avait imaginé la brutalité, mit le pays à nu. Pour les chercheurs, l’objet d’étude a quelque chose alors de vertigineux. C’est ce qu’il faut rappeler en ce début de commémoration de « juin 40 ».

Vincent Duclert


10 juin 2010

Logicomix en version française

Blog loci
Défi incroyable que de représenter en texte et en image la vie et l’œuvre de Bertrand Russell tant sa vie aura été foisonnante. Philosophe, mathématicien, pacifiste et militant des causes humaines, auteur des Principia Mathematica en 1910, découvreur des fonctions de vérité, père du paradoxe logique qui porte son nom, théoricien du langage et de la connaissance… Une vie de près d’un siècle (1872-1970), où Russell se mit lui-même en scène dans de nombreux travaux et autobiographies, traversa deux guerres mondiales, partagea son existence entre l’Angleterre, les Etats-Unis et de nombreux périples dans le monde entier, connut de multiples divorces et déboires sentimentaux, alla jusqu’aux ultimes conséquences d’une recherche de vérité défiant les désordres de l’humanité et l’accélération du monde.

Deux universitaires américains, et deux dessinateurs européens ont osé. En 2009, ils ont publié aux Etats-Unis une bande dessinée, Logicomix, sous-titré « Une quête épique de la vérité ». L’ouvrage constitue une exceptionnelle aventure dans les mondes des mathématiques, de l'histoire, de la guerre, de la politique, et de la bande dessinée elle-même. Les auteurs de Logicomix ont fait de leur long album une véritable œuvre en s'interrogeant sur la pratique et le sens de leur art. Ils l’ont conçu dans leur quartier général d’Athènes, studio haut perché sur l’une des collines de la ville, une ruche dont ils s’échappaient pour de longues promenades méditatives dans la ville tumultueuse et le calme des ruines antiques.

La Recherche

publie en avant-première six planches de la version française qui sort en librairie chez Vuibert, avec une excellente traduction de Pierre-Emmanuel Dauzat. Rendez-vous dans les pages 60 à 66 du numéro du mois de juin.

Vincent Duclert