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08 mars 2010 |

Place Cécile Brunschvicg

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Aujourd’hui 8 mars journée mondiale des femmes. Evidemment, ce serait mieux que tous les jours soient ceux des femmes et surtout de l'égalité. Nous y travaillons. Tout à l’heure, inauguration, à l’angle de la rue du Simplon et de la rue Boinod à Paris (18e), de la place Cécile Brunschvicg, à l'initiative de la Mairie de Paris. Née en 1877, disparue en 1946, épouse du philosophe Léon Brunschvicg, Cécile Brunschvicg fut notamment présidente de l’Union française pour le suffrage des femmes et première femme ministre dans l'histoire de France (1936). Sa petite-fille Marianne Weill (épouse Baruch), docteure ès sciences, ancienne chargée de recherches au CNRS et membre, de 1965 à 1973, de la Délégation générale à la recherche scientifique et technique, prendra brièvement la parole lors de la cérémonie. En 2002, l’historien Marc Olivier Baruch, avait publié dans le Dictionnaire critique de la République (Flammarion, rééd. 2007) un portrait de son arrière grand-mère dont nous reproduisons ici la dernière partie. Vincent Duclert

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 Cécile Brunschvicg, par Marc Olivier Baruch

L'apogée de sa carrière fut marqué par sa participation, entre juin 1936 et juin 1937, au gouvernement de Front populaire dirigé par Léon Blum. Nommée sous-secrétaire d'état à l'Éducation nationale, elle devint en effet, avec Suzanne Lacore, chargée de la protection de l'enfance, et Irène Joliot-Curie, qui occupa quelques semaines le poste de sous-secrétaire d'état à la Recherche scientifique, l'une des trois premières femmes membres d'un gouvernement en France. Il est évidemment indigne, envers la mémoire de Léon Blum comme envers celle de Cécile Brunschvicg, de prétendre, comme le fit Louise Weiss après la disparition de l'une comme de l'autre, que l'attribution d'un maroquin fut conditionnée par la renonciation implicite à l'égalité de suffrage entre hommes et femmes. Ce qui est exact en revanche, c'est que la stratégie des acquis progressifs qu'avait toujours préconisée Cécile Brunschvicg cumula ses effets avec la solidarité ministérielle, celle-ci doublée d'une amitié sincère envers Léon Blum, pour éviter de mettre en difficulté le président du Conseil, dont on sait que la chute sera due, à la fin du premier semestre de 1937, à l'hostilité du Sénat, solidement conservateur en matière politique, économique et sociale. Chautemps, successeur de Blum, ne nomma aucune femme dans son gouvernement, de sorte que l'expérience ministérielle de Cécile Brunschvicg tourna court.

Elle avait profité de son passage au ministère pour entamer des projets qu'il reviendrait aux régimes ultérieurs de parachever, qu'il s'agisse de la généralisation des cantines scolaires, de la prise en charge de l'enfance délinquante ou de l'enseignement des enfants de mariniers. Son action en faveur de l'égalité entre hommes et femmes, qui figurait explicitement parmi ses attributions – c'était une nouveauté en France qu'un ministre soit chargé de ces questions –, ne fut pas non plus inconsistante : les femmes purent se porter candidates au concours de rédacteurs de plusieurs départements ministériels, comme elles avaient vocation à le faire pour entrer à l'école d'administration, projet sur lequel travaillait Jean Zay, ministre de l'Éducation nationale. On vit surtout, en 1938, la loi – acceptée par le Sénat, qui touchait là aux limites extrêmes de son féminisme – accorder la capacité civile aux femmes mariées. Ce ne fut qu'une étape sur le chemin de l'égalité civile, dans la mesure où c'est le seul mari qui était institué chef de famille et que la tentative de rénovation, dans un sens égalitaire, du régime des biens matrimoniaux tourna court. Cette demi-victoire, si elle améliorait indiscutablement la place des femmes dans la société française, n'empêchait pas la France de continuer à détenir, parmi les nations de rang comparable, la triste palme de l'arriération en matière d'égalité politique entre hommes et femmes.

Sous l'Occupation, recherchée par les Allemands, poursuivie de sarcasmes par la presse collaborationniste et antisémite, elle dut s'éloigner de son époux, qui mourut en janvier 1944 dans un hospice d'Aix les Bains. Sous un faux nom, Cécile Brunschvicg enseigna un moment à Valence dans un pensionnat de jeunes filles. Récemment retrouvées, ses notes de cours mettent en avant les valeurs humanitaires et patriotiques qui avaient guidé son action et gouverné sa vie. Aux antipodes des choix de Vichy – autorité contre démocratie, exclusion contre assimilation, réaction contre réforme – elle réaffirmait sa foi en des valeurs qui pouvaient connaître une éclipse, mais qui ne pouvaient disparaître. Il ne pouvait y avoir de France que républicaine.

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