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08 juin 2009 |

Le Dossier Wolfson

Blog wolfson Presque quarante ans après la parution du Schizo et les langues de Wolfon préfacé par Gilles Deleuze, les éditions Gallimard éditent un précieux petit volume

regroupant plusieurs écrits rares, rassemblés autour de ce texte atypique qui marqua profondément les années soixante-dix (178 p., 15,90 €). Entre le Journal d'une schizophrène de Marguerite Sechehaye paru en 1950, Perceval le fou, autobiographie d'un schizophrène paru en 1950 et le Voyage à travers la folie de Mary Barnes, le livre de Wolfson occupe une place singulière : bien au delà du témoignage, son texte déroutant s’interroge sur la nature même de son rapport au langage.

Ces mémoires d’un jeune schizophrènes furent initialement publiés dans la collection Connaissance de l’inconscient, et c’est notamment sur ce choix lourd de présupposés qu’invite à s’interroger le présent ouvrage. Pontalis, responsable de l’édition du livre, témoigne ainsi de l’enthousiasme initial de Queneau (alors lecteur chez Gallimard) qui, faisant fi de toute considération de genre, insiste sur son intérêt exceptionnel. Paulhan, sollicité pour un second avis, se montre plus réservé, précisément quant à la composition proprement littéraire du texte. Sa publication dans la toute nouvelle collection Connaissance de l’inconscient sera ainsi le fruit d’un compromis bancal, mais passionnant. Quel statut donner à ce texte, qui oscille constamment entre le document pathologique et l’œuvre littéraire ? La lecture qu’en offre Le Clézio, incisive et émouvante, lui confère une place de choix entre Faulkner et Dostoievski (Paul Auster, lui, invoquera Joyce et Céline), pour aussitôt abolir le jeu des catégories et affirmer que ce texte inclassable est avant tout un livre nécessaire. Parallèlement, Piera Aulagnier s’interroge sur l’écart qui sépare l’écrivant de l’auteur, « le temps d’un livre, l’écart d’une œuvre ». D’autres textes, de Paul Auster, Max Dora, Michel Foucault, Pierre Alferi et François Cusset sont ainsi réédités et appelés à témoigner de la fonction très singulière du Cas Wolfson dans l’histoire culturelle de son époque, avec laquelle il semble interagir comme un troublant miroir dans lesquelles les formules s’incarnent et s’inversent à plaisir. Comment comprendre autrement, sinon, cette étonnante bévue : quand Le Clézio achève sa défense enflammée du livre de Wolfson par la citation de Ducasse selon laquelle « la littérature ne doit plus être faite par un, mais par tous », François Clusset évoque Lautréamont « parce que la littérature ne doit plus être faite par tous, mais par un » ! C’est sans doute ici que se révèle le mieux la grande singularité du cas Wolfson, capable à lui seul de réfléchir toutes les idéologies de ses lecteurs…

Anouck Cape

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