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21 avril 2009 |

Homo et compagnie

Blog hublin On trouve peu de bons ouvrages synthétiques récents en français sur les origines de l'homme accessibles à un public non spécialiste. Celui-ci est pourtant en demande,

comme nous l'avons constaté l'été dernier avec le succès des Dossiers de La Recherche consacrés à ce sujet (« La nouvelle histoire de l'homme – De Toumaï à Cro-Magnon », Dossiers de La Recherche n°3 4, juillet 2008). Quand d'autres hommes peuplaient la Terre - nouveaux regards sur nos origines (Flammario, coll. "Nouvelle Bibliothèque Scientifique", 2008, 253 p., 21 €), écrit par le paléoanthropologue Jean-Jacques Hublin avec l'aide de Bernard Seytre (présenté comme auteur et journaliste scientifique, mais que j'avoue ne pas connaître) et publié à l'automne dernier, devrait donc susciter de l'intérêt. A juste titre.

En 225 pages, il balaie 7 millions d'années d'évolution de notre famille proche, de la divergence de notre lignée d'avec celles des chimpanzés et des gorilles à l'époque actuelle. Le propos est toutefois centré sur le genre Homo, apparu il y a 2,5 millions d'années en Afrique. Plus particulièrement, et c'est bien normal puisque les travaux de Jean-Jacques Hublin ont porté, et portent toujours, essentiellement sur cette période, celui-ci détaille les événements et les mécanismes qui ont présidé à l'émergence de l'homme « moderne », c'est-à-dire nous-mêmes, parallèlement à d'autres espèces telles que Neandertal, dans le dernier million et demi d'années (5 chapitres y sont consacrés sur les 12 du livre). J'ai d'ailleurs regretté qu'il n'expose pas plus en détails les débats et les hypothèses en présence pour cette période. Sans augmenter le nombre de pages (assez raisonnable), il aurait pu aisément se passer de l'avant-dernier chapitre, où il brosse à grands traits les cultures du Paléolithique Supérieur et leurs développements jusqu'au Néolithique, matières et périodes dont il n'est pas spécialiste, et qui mériteraient un traitement dans un ouvrage particulier. Peut-être fallait-il répondre à une demande pressante de l'éditeur?

Mais en évitant d'entrer dans les détails, l'auteur respecte parfaitement son objectif : exposer l'essentiel des connaissances actuelles du domaine, une mise au point pour honnête homme (ou femme) qui ne souhaite pas s'embarrasser de trop de précisions. Cela donne par moment au texte un aspect un peu décousu, car il passe très rapidement d'un sujet à l'autre. Mais en contrepartie, l'essentiel y est. Des encadrés hors-texte donnent un peu plus encore un aspect « manuel » à l'ouvrage. Leur lecture n'est pas indispensable à la compréhension de l'ensemble, mais ils sont très lisibles, et la plupart du temps ils contiennent une infographie qui aide à la compréhension, tout en soulignant un peu plus la dimension pédagogique de l'ouvrage.

J'ai aussi eu le plaisir de constater que Jean-Jacques Hublin accorde de l'intérêt aux productions de La Recherche. Il note en effet page 171 que dans un Dossier de La Recherche, publié en 2006 (« Neandertal, enquête sur une disparition »), nous avions qualifié de « peu probables » ou « invérifiables » les scénarios de disparition de Neandertal impliquant l'homme moderne, et de « plausible » seulement celui d'un changement climatique. Il commente « Je reste cependant perplexe devant le nombre extraordinaire de fluctuations climatiques qui ont précédé l'arrivée des hommes modernes en Europe : pendant un demi-million d'années aucune d'elles, même les plus catastrophiques, n'est parvenue à éliminer les néandertaliens ». Je fais mon mea culpa : notre classification était effectivement simpliste. Les interactions entre les hommes modernes, arrivés en Europe depuis quelques millénaires, et les Neandertal présents depuis au moins 200 000 ans, ont fort probablement joué un rôle dans la disparition des derniers il y a environ 30 000 ans, et les mécanismes ont probablement été multi-factoriels. Nous reviendrons d'ailleurs sur le sujet dans notre dossier du mensuel de juin, puisque des articles récents (non publiés encore au moment de la rédaction du livre) ont apporté des données nouvelles. Cela dit, au vu des connaissances actuelles, on peut quand même s'interroger : les Neandertal (et les autres populations humaines « non modernes » en Asie et en Afrique) ont-ils disparu à cause de l'expansionnisme de nos ancêtres directs ou, au contraire, cet expansionnisme n'a-t-il été possible que parce que les autres populations se sont progressivement clairsemées avant de s'éteindre définitivement ?

Luc Allemand, La Recherche

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