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17 novembre 2008 |

Dans la peau d'un clandestin

Blog_acot En Italie, le prix Terzani récompense chaque année l'auteur d'une oeuvre qui traite du dialogue ou du choc des cultures. En 2008 c'est un journaliste d'enquête, Fabrizio Gatti, qui l'a reçu, pour s'être glissé dans la peau d'un immigré clandestin, au départ de Dakar, pour tenter de rejoindre l'Europe. Son témoignage est littéralement épouvantable (Bilal, sur la route des clandestins, Editions Liana Levi, 2008, 21 €). Traversant le Ténéré à 180 sur un seul camion, rackettés par les passeurs, systématiquement fouettés à coup de câbles électriques par les militaires des pays traversés qui s'approprient ainsi leur misérables viatiques, les candidats à l'immigration en Europe peuvent s'estimer heureux à leur arrivée en Libye de n'avoir pas été abandonnés dans le désert par leurs passeurs, ce qui est fréquent ; de ne s'être pas retrouvés « stranded », échoués, dans une ville du désert sans aucun moyen d'en sortir – sinon par la prostitution, source d'espoir pour les femmes... Chaque année des centaines de clandestins meurent de soif dans le désert ou sont noyés entre la Libye et le centre de rétention de Lampedusa, où des militaires fascisants (quoique tous ne le soient pas) traitent les survivants comme des repris de justice. Il faut dire que la « route des esclaves » rapporte beaucoup d'argent : entre Tirkou et Agadez, seize camions, c'est 2900 passagers, et 210 000 euros en quatre jours. Les hommes se lancent pourtant car Dieu ne saurait les abandonner. Mais le plus souvent « Dieu fait preuve d'une certaine étourderie » dans cet endroit du monde... Fabrizio Gatti, dont j'ai eu la chance d'apprécier la modestie et la simplicité, est un journaliste qui fait honneur à son métier, par son courage et son style.

Pascal Acot, CNRS

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