Vous êtes sur BLOGS > le blog des livres

 

23 septembre 2008 |

La France préhistorienne

Blog_hurel Alors que le Dossier de la Recherche consacré à « la nouvelle histoire de l’homme. De Toumaï à Homo Sapiens » est toujours disponible en kiosque, intéressons-nous à l’étude d’Arnaud Hurel sur la France préhistorienne de 1789 à 1941 (CNRS éditions, 2007, 286 p., 28 €). Ce chercheur de l’Institut de paléontologie humaine du Muséum d’histoire naturelle s’est intéressé au premier processus d’institutionnalisation de l’archéologie préhistorique, jusqu’à la loi du 27 septembre 1941 promulguée sous Vichy à l’initiative du secrétaire d’Etat à l’Education nationale et à la jeunesse Joseph Carcopino, « étape ultime d’un processus » visant à doter la discipline d’un cadre national et réglementaire. Durant près d’un siècle et demi, l’ambition des préhistoriens français fut la reconnaissance de leur science, mais en dehors de tout cadre institutionnel risquant de brider les fouilles qui se multiplièrent, souvent de manière anarchique. Néanmoins, les préhistoriens étaient contraints de s’organiser et de disposer d’institutions, comme le Musée des antiquités nationales créé en 1862 et installé dans le château de Saint-Germain-en-Laye près de Paris. Réexaminer la constitution de l’archéologie préhistorique à la lumière de son institutionnalisation constitue une approche non dénuée de vertus : ces dernières « résident dans un accompagnement parfois décisif, de l’élaboration du savoir historique, chacune des étapes de ce processus fait alors office de "marqueur" dans une perspective globale où la science est appréhendée comme une "activité collective, organisée en des lieux et à travers des institutions" [selon l’historien des sciences Dominique Pestre] ». Les dernières pages de l’étude abordent la question de l’interprétation de la loi de 1941, qui porte incontestablement la marque de l’idéologie de Vichy. Les pleins pouvoirs accordés au maréchal Pétain permettaient d’imposer comme des décrets gouvernementaux des textes de loi et la situation de l’Occupation amena l’Etat français à s’abstraire de la tradition du droit de propriété privée et à établir un cadre contraignant pour les fouilles françaises. Arnaud Hurel ne suit pas cependant l’analyse de Laurent Olivier qui considère cette loi comme « un dispositif conçu pour promouvoir une réécriture du passé national discréditant l’héritage républicain, et pour justifier une politique de collaboration avec l’Allemagne nazie ». Il s’appuie sur le fait que la réglementation des fouilles archéologiques décidée par Vichy va constituer « à quelques aménagements juridiques et techniques près, le cadre d’exercice de l’activité de l’archéologie métropolitaine jusqu’au début des années 2000 ». La controverse est intéressante, et elle mérite des travaux supplémentaires, y compris en direction de l’archéologie en milieu colonial. Mais d’ores et déjà l’étude d’Arnaud Hurel est une belle contribution à l’histoire institutionnelle des savoirs comme vecteur de leur connaissance.

Vincent Duclert

Réagir / Réactions

Commentaires

Flux You can follow this conversation by subscribing to the comment feed for this post.

L'utilisation des commentaires est désactivée pour cette note.