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24 juin 2008 |

Frontières du communisme

Blog_coeure Le communisme fut une idéologie, une puissance européenne et mondiale, une pratique du pouvoir, et une pensée de l’espace. L’ouvrage dirigé par Sophie Cœuré et Sabine Dullin, Frontières du communisme. Mythologies et réalités de la division de l'Europe, de la révolution d'Octobre au mur de Berlin (La Découverte, Coll. « Recherches », 2007, 464 p., 35 €), d’une très grande fécondité, s’arrête sur la combinaison de tout cela, sur les représentations et les pratiques des frontières dans le monde soviétique jusqu’à la fin des années 1950. Durant les premières années du communisme soviétique la frontière est une ligne qui se déplace, destinée à disparaître sous l’effet de l’internationalisme. Mais le stalinisme triomphant en fait une des composantes majeures de la puissance et de la représentation de l’espace, jusqu’à concevoir l’ensemble du territoire de l’URSS comme une zone frontalière. La frontière devient des zones laissées volontairement en friche, interdites d’accès, lignes de barbelés ou zones de passage fortement réglementé. Elle est séparation entre cultures politiques, entre pratiques de gouvernement, entre sociétés. Paradoxalement, la frontière est, au début des années 1930 en URSS, un espace que l’on vide de ses habitants dont Staline craint la déloyauté, pour la repeupler d’habitants dont l’origine fait penser qu’ils seront plus loyaux. C’est une zone aussi dans laquelle le garde-frontière devient le personnage clé, zone de protection et de fermeture où la contrebande est l’obsession autant que toute forme d’intrusion facilement qualifiée d’espionnage. Plus généralement l’équipement en protection diverses marque fortement le terrain, et des projets d’un simplisme absurde et en réalité inapplicables fleurissent, comme celui qui exige le défrichement de toute une langue de terre le long des milliers de kilomètres de frontière. Mais c’est aussi une ligne, dont le mur de Berlin est l’expression la plus concrète, et l’expression « rideau de fer » l’image la plus forte. Car la géométrie archaïque du territoire national produite par le stalinisme, géométrie au simplisme effrayant, a été étendue après la Seconde Guerre mondiale à l’Europe de l’Est. 

Alain Blum, EHESS

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